« Arrête ton cirque. » fit le russe avec un anglais si parfait qu’on voyait bien qu’il n’était pas anglais, et pourtant nulle trace d’accent étranger dans son ton. Kassian enfonça le canon de son arme dans les côtes de l’homme qui ne cessait de gigotter. « Où tu as cru que tu pouvais négocier avec moi ? » L’homme se mit à rire. Kassian ne voyait pas très bien ce qui pouvait être drôle dans l’histoire. Lorsqu’une main froide se posa sur la sienne, celle qui tenait l’arme, il tira. L’autre fut sans doute effrayé par le bruit ou simplement surpris, et lâcha sa prise, mais la douleur envahissait déjà la pauvre main. Il changea l’arme de main et tendit le bras. L’homme abordait une mine étrange. Il montrait ses dents et ses yeux étaient injectés de sang. « C’est quoi ces conneries, t’es malade ? » demanda-t-il froidement mais brusquement. La peur s’était injectée en lui, mais comme à son ordinaire il l’ignora. Certains disent que la peur vous aide, vous évite les écueils, lui estimait que la peur paralysait. Il n’écoutait jamais ses peurs et fonçait. L’homme devant lui ne ressemblait plus vraiment à un homme à vrai dire. Pourtant sa main ne tremblait pas, son bras était parfaitement tendu, ses jambes écartées, en position de tir. « Pauvre fou, tu t’imagine que ton petit jouet peut t’aider contre moi ? » fit l’homme avec une voix inhumaine, presque un grognement. Kassian pinça ses lèvres fines et sourit. L’eau dégoulinait sur son visage. La pluie avait recommencée. Ainsi donc, ce qu’on racontait était vrai, il pleuvait souvent en Angleterre. « Ah non ? » fit-il avant de tirer. En plein dans le cœur, une autre pour la poitrine avant même que le corps n’est atteint le sol. Kassian s’était rapidement rapproché. Même si ce type ressemblait drôlement à ce qu’il avait vu à la télé, et même si tout le monde n’arrêtait pas de dire que les vampires existaient, il n’y croyait pas vraiment. Ce gars ressemblait juste à quelqu’un de malade, franchement malade et plutôt violent, mais qui était-il pour le juger. Il s’était juste planté de cible. S’il s’était attaqué à un employé de banque, il serait déjà en train de s’amuser avec ses os, mais non, il avait fallu qu’il le cherche lui. Kassian fut sur le corps et tira une balle dans la tête. Juste au cas où. La cervelle éclaboussa le sol. Il sourit et rangea son arme, s’apprêtant à faire demi tour lorsqu’un main saisit sa cheville. L’instant d’après il était au sol.

Le chasseur était devenu une proie. Lorsqu’il chuta au sol, son crâne explosa immédiatement sous le choc. Il senti la douleur lui vriller le cerveau. Mais il se rappelait la règle. La seule qui fonctionne. La loi du plus fort. S’il restait au sol, ce type, immortel ou pas, vampire ou pas, allait le tuer. Il gémit et se releva. Le sang dégoulinait le long de sa nuque, mais il était rapide et le vampire pensait l’avoir tué sous le choc. Kassian leva son arme. Il planta ses yeux dans les prunelles du vampire. Celui-ci sourit. « Tu vas gentiment ranger ton arme, et venir jusqu’à moi. » Kassian sourit à son tour. Dis donc, il pensait vraiment avoir l’avantage ? Le tueur n’y réfléchit pas à deux fois, et comme les actes valent mieux que les paroles, il tira. En plein dans le cœur, deux balles. Il s’avança vers le corps au sol, bien conscient qu’il allait sans aucun doute se relever, et sortir un couteau, long et aiguisé. Il entreprit alors de découper la nuque du mec allongé devant lui. Ce fut plus long que s’il l’égorgeait, il dû tirer plusieurs fois dans la poitrine du vampire qui avait cette vilaine manie de se relever, mais froidement, implacablement, il termina sa tâche. Lorsqu’il eut finit il y eut un espèce de splach bruyant. Et des flaques de sang, mêlée à quelque chose ressemblant à des bouts de chair en pleine décomposition se répandirent sur le trottoir. Il n’avait peut-être pas une jolie gueule maintenant, avec son costume italien couvert de sang, mais il était en vie et ce fameux vampire était mort. A présent qu’il nettoyait sa lame en contemplant les morceaux, il devait bien admettre qu’il était possible que les vampires existent. Qu’est-ce qu’aurait dit Darwin à ce sujet ? Ah oui, les espèces qui survivent ne sont pas les plus fortes, ni les plus intelligentes, ce sont celles qui s’adaptent aux changements. Kassian sourit. Le monde était en train de changer, n’était-ce pas ce que les pubs et les émissions essayaient de lui dire ? Il était peut-être temps que lui aussi change, mais de cible.

2 ans avant

Frappant d’un upercut la mâchoire de l’homme en face de lui, Kassian recula de trois pas. Il releva sa garde. L’homme grimaça puis lui fit face. Le combat semblait amical. Après tout, l’homme devant lui était nul autre de Misha, la star montante de la boxe locale. C’était un gamin fraîchement débarqué de la banlieue de Moscou, qui malgré son air maigrichon envoyait la sauce. Tout le monde lui prédisait un titre de champion du monde. Et Kassian sourit à ce jeune homme qui avait toute la vie devant lui. « Tu es certain de vouloir qu’on termine ce combat ? » demanda Misha bien conscient du fait qu’il allait tout bonement fracasser ce jeune homme qui se tenait devant lui, et même s’il savait frapper, même s’il était rapide, il ne faisait tout simplement pas le poids. Il était musclé mais il restait un poids trop léger pour lui. « Non, allons plutôt fumer une cigarette. » répondit-il d’une voix douce. Misha hocha la tête. Ils quittèrent le ring et allèrent vers la porte rouge menant à la ruelle. Appuyé contre la tôle, Kassian tirait une bouffée sur la cigarette que lui avait offert Misha. « Ca fait combien de temps que t’es sur le ring ? » Le jeune prodige lui raconta ses débuts. Comment il se battait à l’école, comment il recevait les coups, et les rendait bien plus fort. Il rit en se souvenant que la première fois qu’il avait utilisé ses poings c’est parce qu’on se moquait de ses cheveux roux. « Et toi, raconte moi ton histoire. » Kassian secoua la tête. Il n’avait pas raconter sa vie, même si Misha était quelqu’un de sympathique, et qu’ils auraient très bien pu devenir amis, il ne se sentait pas l’âme de déballer la même rengaine. « J’ai vu tes cicatrices, et comment tu bouges, c’est pas à l’école que ce genre de chose s’apprend. » Kassian éclata de rire. « Tu viens de me prouver le contraire. » Misha eut soudainement un air plus sombre. Le gamin venait de prendre dix ans d’un seul coup. Parfois, certains regard en disent plus long que des discours. « C’est mon père qui m’a apprit à me battre. Il voulait faire de moi un combattant, c’était un ancien soldat et il voulait que je suive ses traces. Mais je voulais pas me battre. » Misha écrasa la cigarette sous sa botte en cuir. « Même si j’envoyais des coups à l’école, je voulais autre chose. Mais il n’a jamais voulu… tu sais comment sont les pères. » Kassian hocha la tête. « Ils veulent que nous réalisions leurs rêves, ils se projettent en nous, on n’est pas leur héritage, à leurs yeux on est comme une seconde chance qui leur est offert. De faire tout ce qu’ils n’ont pas eut l’occasion de faire. » Misha opina du chef. « Amen. » Le jeune prodige releva les yeux. Il ne connaissait pas Kassian depuis très longtemps mais il l’appréciait vraiment. Finalement il avait vraiment bien fait d’arrêter le combat. « Le mien me battait. Il buvait, et me filait des coups. Rien de ce que je pouvais faire ou dire ne semblait lui convenir, alors il sortait sa ceinture. » Misha le fixa. C’était pas la première fois qu’il entendait ce genre d’histoire, des gosses battus qui finissaient par fuguer puis mendier il en avait croisé tellement qu’il ne saurait se souvenir du visage d’un seul de ces pauvres bougre. « Un jour, j’en ai eut marre. Et je l’ai tué. » Kassian garda le silence, observant les réactions de Misha. Ce dernier était bouche bée. Il n’osait dire quoi que ce soit. Et la mine de son interlocuteur était si sérieuse qu’il en déduisit que c’était bel et bien la vérité aussi invraisemblable soit-il, Misha crut son nouvel ami. « Je plaisante ! » fit-il en donnant un coup de coude au jeune boxer. Ce dernier ne sembla pas rassuré pour autant. Kassian jeta à son tour sa cigarette. Son mouvement fut trop rapide pour que le jeune boxer ne remarque quoi que ce soit. Le son du silencieux fut faible, mais éclatait aux oreilles de Kassian alors que le corps du jeune boxer s’effondrait au sol. Il se pencha pour fermer les yeux de Misha. Dommage, t’étais un gars vraiment sympa. Se dit-il en disparaissant dans la nuit.

7 ans plus tard

Un passant le heurte, la valise tombe au sol. Le mouvement maladroit semble tout à fait normal. Kassian relève la tête. « Désolé. » L’homme secoue la tête. « Non, c’est moi. Je regardais pas devant moi. » Penchant la tête sur le côté avec un petit sourire, il réplique : « Vous étiez sans doute pressé ? » L’homme se penche et prend l’autre valise. « Oui, en effet. Bienvenue à Shreveport. » Kassian regarde cet homme trop costaud pour être le cadre qu’il semble être au premier abord, puis se penche et ramasse cette valise inconnue qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la sienne. Nouvelle ville, nouvelle liste. Il ignore pour combien de temps il va rester ici. Tant qu’il aura des clients suppose-t-il. Ce n’est pas la première fois qu’il vient aux Etats-Unis, mais c’est la première fois qu’il met les pieds en Louisiane. La valise à la main, il quitte l’aéroport et attrape un taxi. L’homme lui demande sa destination, il lui donne l’adresse de l’hôtel où on lui a réservé une chambre. Les clients sont consciencieux et fournissent le logis. C’est sympa, mais dès demain il changera de logement. Il n’aime guère qu’on sache où il est, pas plus qu’il n’apprécierait l’idée que ses employeurs sachent à quoi il ressemble, or il ne doute pas un instant que s’il crèche là-bas quelqu’un viendra lui rendre visite, juste histoire de s’assurer que tout est en ordre, et que tout marchera sur des roulettes. D’un pas rapide il grimpe les marches menant à sa chambre et dépose sa valise au sol. Il introduit la carte qui glisse, et ouvre la porte.

Une surprise l’attend, là assise confortablement sur le lit, ses mains posées sur le matelas juste derrière son dos, elle a un air nonchalant, et une robe rouge qui met ses attributs fort agréable à regarder en avant. L’assassin regarde cette blondinette en haussant un sourcil. Evidemment, c’est le genre de choses qui arrivent lorsqu’on traite avec des gens pas très net. « Vous pouvez rentrer chez vous mademoiselle. » fait-il en déposant sa veste sur la chaise. Aucun bruit de pas, encore de porte claquant. Il hausse les épaules. Diable, il n’aime pas ça. Une prostituée payée par ses clients n’est pas uniquement là pour lui accorder du plaisir, il le sait, elle rapportera tout ce qu’elle trouvera aux clients. Mais en dévisageant la jeune femme il réalise qu’elle n’a pas la moindre intention de bouger. Elle ne le fera peut-être jamais. Il s’approche d’elle. « Je suppose que je n’ai pas le choix. » La mignonnette lui sourit et hoche la tête. Il se penche sur elle, passe sa main dans ses cheveux et tire soudainement en arrière. « Ecoute moi, je suis pas quelqu’un à qui l’on impose quoi que ce soit. » La fille comprend, elle lève les mains en signe de rédition. Se levant, la gazelle l’effleure avant de lui susurrer à l’oreille. « Tu sais, beau gosse, pour toi ça aurait été gratuit. » C’est soulagé qu’il la voit quitter la chambre d’hôtel. Il faut vraiment qu’il se trouve un petit appartement à louer, un endroit plus discret. Il était nouveau venu en ville, donc remarquable. Il lui fallait se fondre dans la masse, devenir, l’un d’entre eux. Il observa la rue en bas, les passants qui marchaient à pas rapide.