Douleur. Son sang se mélange à l'eau sale qui coule le long de ce trottoir crasseux, ses yeux embués de larmes de douleur tentent d'y voir plus clair, dans cette ruelle qui pue le vomie, le sexe et la clope. Tandis que les bruits des sirènes et des humains qui courent dans les rues en cette chaude nuit d'été se bousculent sur les trottoirs. Sans même voir ce qui, tapie dans l'ombre aurait pu couper le fil de cette petite vie bien tranquille. D'un coup de manche il essuie ses paupières, inhalant un bon coup avant d'empoigner son bras, comptant mentalement avant de tirer avec force. 'CRAK'.Suplice. Un gémissement, une plainte que personne n'entendra. Pour lui ce n'est que routine, il a été habitué à ces désagréments que la vie vous fout parfois en pleine gueule. Son corps a connu bien pire, victime de toutes les chasses qu'il entreprend dans les rues de New York. Il observe le coin sombre ou gît le corps d'un vampire, crachant un peu d'hémoglobine sur les dalles tout en se relevant avec difficulté. Il sait ce qu'il doit faire, brûler le corps dans une benne à ordure et se tirer de là au plus vite avant de se faire coincer par des flics.


Silence. Il fixe l'autre coin de la pièce, sans oser la regarder, il sait déjà ce qu'elle va lui demander. T'étais où ? Pourquoi tu rentres aussi tard ? Tu pues encore l'alcool ! Lui, il reste planté là comme un crétin, immobile. Il a l'air d'un stupide pantin désarticulé et complètement estropié. la gueule en sang encore une fois, les vêtements déchirés. Puis son pied se lève et l'autre un peu boiteux le suit, ses pas résonnent sur le parquet de la pièce, il retire son manteau lentement, trop lentement pour qu'Ariel ne puisse remarquer qu'il souffre encore. J'ai pas envie d'en parler. Qu'il aimerait dire avant qu'elle ne rompe le silence, mais c'est ce qu'il répète à chaque fois, ce qu'elle refusera d'entendre. Elle est là, pelotonnée sur ce fauteuil, cet air concentré et si adorable qu'elle affiche quand elle est captivée. Ariel est en train de lire, sur le fauteuil du salon, les pieds repliés sous elle. Elle lève un instant les yeux de son roman, et lui adresse un regard lourd de sens, puis soupire longuement. « T’étais où ? Tu t’es encore battu ? C’était quoi cette fois ? Un mec a renversé ton whisky et il a fallu que tu joues les durs ? » Cinglante, vindicative, ses yeux lui lance des éclairs. Soupire. Il prend une chaise, pose ses fesses dessus et un rire sans joie s'échappe de ses lèvres. Putain si elle savait ! Il voudrait tellement, mais merde ! « Ariel, arrête. ». Crache-t-il en affichant une moue sévère. Ca ne sert à rien, elle est déjà lancée. Ses jambes le soulèvent jusqu’à la salle de bain, le robinet tourne, faisant couler l’eau à flot alors qu’il met ses mains en coupe avant de jeter le flux sur sa peau souillé d’hémoglobine. Il a l’impression d’être passé sous un train. Il est con, franchement trop con. Il croyait quoi ? Qu’elle allait panser ses plaies à chaque fois qu'il rentrerait de chasse, sans jamais lui poser de questions ? Des bruits de pas, et elle est déjà devant l’encolure de la porte. « Tu veux que j’arrête ? » Eructe-t-elle soudain. « TU VEUX QUE J’ARRÊTE ?! C’est la meilleure ça ! Tu rentres écorché de partout, saoul comme un polonais et c’est moi qui dois arrêter ! Tu dépasses les bornes, Vi ! ». Pire qu’un gamin, il fixe ses pieds, tanguant légèrement à cause de l’alcool. A la fois penaud et agacé. « S’il-te-plaît, Ariel … C’est pas … ». Il perd les mots, incapable de formuler une phrase concrète. Et puis, sur un coup de tête, il en a marre, il lâche une bombe. « j’peux pas te le dire, j’ai pas le droit … » Tentant une approche, il lève une main vers elle, juste pour l’effleurer. Et même si ses mots sont maladroits, son regard lui est sincère. Puis son bras tombe le long de son corps avec lenteur. Il est pas doué pour ça, il l’a jamais été.« J’ai pas le droit, j’ai pas le droit…t’as que ces mots à la bouche, Merde, Vitaly, t’es pas de la CIA ! » Elle s’interrompt, pince l’arrête de son nez pour retenir des larmes de colère. « Tu deals pas quand même ? »ajoute-t-elle d’une voix saccadée. Ca le laisse sans voix, il n’a pas les mots, s’il s’était attendu à une telle réponse, à ce qu’elle pense un truc pareil ? Putain. Il aurait du s’en douter, elle avec son imagination débordante, sa caboche pleine de rêves et d’illusions sur le monde. Lui qui n’a que des désillusions. Elle ignore trop de choses, mais il la préfère comme ça. A son tour de passer ses mains sur son visage, retenant un fou rire nerveux avant de la fixer, yeux exorbités. Pas si naïve que ça … C’est exactement ce que des types normaux créchant dans un appartement trop proche des quartiers chaud pourraient faire. « NON ! ». Il explose, encore une fois il sait comment va finir cette conversation. Ses doigts agrippent ses cheveux coupés en brosse, il en deviendrait dingue. Est-ce qu’il est obligé de se taper toutes les saloperies ? S’en prendre plein la gueule pour sauver des vies, s’en prendre plein la gueule par celle qu’il aime par prétexte qu’il doit tout garder pour lui ? Ses pieds trépignent, il tourne en rond comme dans un lion en cage, il étouffe. Bête de foire. Sans prévenir il l’attrape, plaquant ses deux mains sur ses joues. « Jamais, Ariel putain tu devrais me connaître mieux que ça ! Jamais je prendrai le risque de te foutre dans ce genre de merde, parce que oui ! Si j’étais de ces types paumés, tu serais pas dans la merde. Écoute-moi, ECOUTE MOI ! Ce que je fais, je le fais pas par plaisir, mais … ». Il en a déjà trop dit, il la lâche, il recule, encore et encore avant de s’engouffrer dans le salon, il a envie de tout exploser. Violence, encore une fois il n’arrive pas à se contenir. « J’AIDE DES GENS ! TU PIGES ?! ». Hurle-t-il en tapant son index contre son crâne, devenant complètement dingue. Il devrait être considéré comme un héros, pas comme une raclure. Ses putains d’yeux le trahissent, virent au rouge. Il manque de perdre le contrôle, il voit un truc voler derrière Ariel, manquant de s’écraser à l’autre bout de la pièce. Passant une main sur son menton, il inspire et expire. Son maux reprend de plus belle, foutue télékinésie qu’il ne contrôle pas. « Le fric, je le ramène, ce putain de livre, tu l’as acheté avec ce putain de fric que je ramène ! ». A peine un souffle, il s’étale sur le divan, plongeant sa tête dans ses mains, fermant les yeux assez fort pour que les tâches lumineuses des lampes dansent dans ses rétines. « Ca y est ? Tu joues au mâle dominant maintenant ? TU ramènes le fric alors JE ne dois pas broncher, c’est ça ?! Et laver tes slips pendant que j’y suis ! » Elle attrape une tasse de thé froid sur la table basse, et la rapporte à la cuisine tout en continuant de pester sauvagement.« Qu’est-ce que j’y peux moi, si tous mes patrons sont des connards ! Je te signale que c’est TOI qui m’as conseillé de quitter mon dernier job parce que mon boss m’avait mis la main aux fesses ! Merde, tu m’gonfles à la fin avec tes discours de macho ! » Elle balance la tasse dans l’évier puis retourne sur ses pas. Faisant face à Vitaly. « Arrête d’utiliser le fric que tu ramènes, de je ne sais où d’ailleurs, comme excuse ! Ca suffit, j’en ai assez ! Tu crois que j’aime ça, moi ? Te de voir revenir à la maison imbibé de mauvais whisky et contusionnée de partout ? Tu crois que je trouve ça sexy ? Bah ça ne l’est pas figures toi ! ».Pour toute réponse ? Il lève la tête, la fixe sans savoir quoi répondre et cligne des yeux. Les femmes … Il ne les comprendra décidément jamais. La discussion venait de prendre encore une fois un autre tournant, tant mieux, il en profiterait. « Je suis désolé, si tu le prends comme ça Ariel, sincèrement. ». Il s’avance vers elle et cette fois, il ne recule pas, il prend ses mains en douceur, sentant la gifle venir. Il ne l’empêchera pas. « Ce que je voulais dire, c’est que je me démène. Je veux ton bonheur, ta sécurité. Ok, j’ai pas assuré sur ce point, je me foire. Mais il faut que tu me croies, je me fiche de l’image que je donne aux autres, mais ne pense pas ça, s’il-te-plaît, pas toi … ». Ariel le fixe un instant, sans rien dire, puis prend son visage dans ses mains. « Beau parleur ! » l’accuse-t-elle en l’embrassant. Son visage parait minuscule à côté du siens, minuscule et doux. Son baiser lui redonne un souffle, consolation éphémère avant que l'orage ne tombe à nouveau, un autre jour malheureusement trop proche. Alors il en profite, le temps que ça dur et attrape ses lèvres, dévore la peau de son cou en écartant ses cheveux , attrape sa taille et enlève son haut avant de la soulever pour la poser au premier endroit à porter. Légère comme une plume. Il la pose. Précieusement, avant de lui faire l'amour comme si c'était la dernière fois, comme toujours. La peur aux tripes.
Partie. L'appartement est sans dessus dessous, tout ce qui faisait de ce lieux le cocon de Vitaly est mort, détruit sous les coup de ses poings. Ce vide, il ne le comble que par la présence de son être tremblant de fureur. Son âme est vide, son sang glaciale et ses yeux ont perdus de leur éclat. Étalé à terre comme un soldat mort au combat, il fixe le plafond, effleurant du bout des doigts l'une de ses écharpes. Celle qu'elle oubliait toujours partout, celle qui l'avait amené à elle. Celle qu'elle avait encore oubliée derrière elle. Ses yeux rougies paraissent trop sec pour pleurer sa perte. Car il sait que c'est la fin, elle ne reviendra pas. Ariel à définitivement mis les voiles. Emportant tout le reste et laissant une coquille vide. Vide et haineuse.

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