Adorable, ce garçon, adorable. Tout le monde vous le dirait. Un peu distant c'est vrai … Mais adorable. Poli, gentil, voir charmant, le sourire timide de Swann vous aura tous. Il a l'air un peu naïf et dans la lune, surtout dans la lune en fait. Car il vient juste de trébucher et de renverser votre assiette. Sur votre tête. C'est juste que la coordination, voyez, ça fait deux pour lui ! Il a des excuses, on ne peut pas être infaillible … Surtout avec un QI de plus de 150. Quand on pense deux fois plus vite que les êtres humains normaux, mais que vous avez à peu près le corps de l'un deux, eh bien, pas sûr que tout suive. Et puis, ça le rend presque attachant. Il l'est, attachant. Ou on à l'impression qu'il l'est. Il est plutôt calme, pas très bruyant, peu encombrant, toujours dans le fond à faire peu de commentaires, juste à observer. Certains diraient qu'il est froid, juste là, derrière le grand comptoir à regarder les gens d'un air pragmatique, à parler soit jovialement avec juste une pointe de sarcasme et flegme, soit à poser des tas de question avec curiosité apparente, à tout le monde. Il inspirerait presque confiance c'est juste qu'il manque … un petit quelque chose. Une réelle empathie, car finalement … Il garde ses distances, à observer tout ce petit monde. Tout les petits détails, tout.

Tout comme tout ce que la plus part des gens ont entendu sur Swann, c'est qu'il est un génie, un vrai. Pas dans le sens Aladdin-génie-de-la-lampe du terme, non, plutôt dans le sens : « Il a une mémoire eidétique et peux te lire un livre de Balzac d'un coup sans avoir mal à la tête », le type de monstre féru de chiffres, voyez. Et c'est vrai, il est un génie. Mais pas le type de gentil génie à inventer le remède miracle contre la faiblesse des vampires au soleil, non … Un génie plus froid. Car tout ce qu'il y a avant, les gentils sourires charmeur et le côté timide et curieux, ce n'est qu'une grande façade. Celle de l'observateur fin. Il observe, il connait. Il voit tout. Les petits détails, les tics nerveux, la boue sur vos chaussures ou ces petites rayures sur votre téléphone qui indiquent clairement que vous venez de passer une mauvais moment en forêt et que vous êtes peu soigneux, que vous gardez votre téléphone avec vos clés dans votre poche, et avez du mal à gérer votre colère depuis que vous avez arrêter de fumer. Il note les petits détails, et toute sa façade, c'est pour vous amadouer. Tout connaître de vous, et vous définir dans son grand schéma, son grand plan, son grand projet. Son trait d'enfant, c'est ça. C'est utiliser tout comme son terrain de jeu, tout organiser, son petit monde, sa société idéale … Il aime contrôler, il aime le pouvoir. Le pouvoir, c'est comme les gros diamants, ça brille, c'est beau, et tout ce dont il a envie, c'est de s'en emparer, et le mettre sur la plus belle couronne qui soit. Il n'a pas de réluctance à l'idée de mettre en œuvre tout les moyens possibles (légaux ou illégaux, « bons » ou « mauvais ») pour que ça marche. Un idéaliste, presque. Il vous manipulera, sûrement. Il sait faire scintiller la chose que vous souhaiter le plus devant vous, il sait utiliser vos besoins, vos problèmes pour vous soumettre à sa volonté, son idée. Il n'est ni noir ni blanc, il est entre les deux, un Tyran prêt à tout mais pas un homme si mal que ça. On dit qu'autour de la couche en sucre qu'est son corps, il s'y cache un cœur recouvert de glace. Swann s'attache peu aux autres : c'est ridicule, ça vous rend faible, c'est perturbant, et puis, on s'attache pas à ses rats de laboratoire. Surtout dans cette ville … Autre part, il aurait beaucoup plus d'indulgence et une once de pitié. Mais pas Shreveport qui lui a laissé un si mauvais souvenir et Shreveport auquel il se retrouve attaché, quelque part. Mais Shreveport va lui servir, il en est sûr. Il n'est pas devenu une bête de la nuit pour rien, il n'était pas destiné à finir sa vie avec les souvenirs de son enfance, non, quelque chose de plus grand, qui lui permettrait d'assouvir ses plus bas instinct. Il ne veut pas être le p'tit Swann qu'on vient regarder se laver et auquel on ne donne aucune autre fonctionnalité que de se laisser aux "plaisir" de la luxure.

Et finalement, sous la glace, sous ce gamin doué de génie qui joue aux comploteurs avec un peu trop de talent pour son propre bien, il y a le chiot blessé. Il se souvient, et il a toujours mal. Il y a des personnes qui percent sa glace, qui osent entrer en lui et elles deviennent ses petites perles. Des choses qu'on ne touche sous aucun prétexte. Tout le monde a son talon d'Achille. Pour un humain, trop souvent, c'est l'amour. Et ô combien il peut détester ça, Swann aime. Il aime sa soeur, il l'aime jusqu'à en avoir payé de son humanité. Il aime d'autres personnes, mais il ne se l'admettra jamais. Même si comme un enfant, il espère pouvoir leur montrer son grand chef d'œuvre : « Regarde ! Regarde ça ! Regarde, sois fier de moi ! » et connaître la reconnaissance. Il veut faire plaisir. C'est tout ce qu'il veut, au final. Mais une chose qui ne devrait jamais, au grand jamais arriver, c'est toucher à ses perles. Il perd contrôle trop vite, tout ses moyens. Il passe de la crise paranoïaque hystérique à quelque chose de très mal, de très vicieux qui ne veut que blesser en retour. Personne ne touche à ce qu'il aime, ou il perd tout contrôle. Il détruira : les autres et lui-même. Il vous emportera tous au fond, tout au fond du trou, dans sa vendetta personnelle. Il est instable, et une fois déstabilisé, ça peut faire boom. Explosion du noyau, c'est la réaction nucléaire. Bye bye baby

A l'heure où les gens se pressent de rentrer, au moment où le soleil cesse de l'étouffer de son éteau, Swann évite de sortir. Il veut se contrôler, il a besoin de savoir comment faire ce qu'il désire et non pas ce que la bête en lui ordonne. Swann préfère alors rester enfermer dans la demeure d'Anastazia. Il lit, il réfléchit, il demande à sa Sire des conseils. Il a des plans pour l'avenir, il veut en apprendre plus sur sa désormais espèce. Il veut pouvoir être autre chose qu'un simple Infant transformé par une statue de glace alors qu'il n'avait même pas le cran de se protéger d'un non-palpitant assoiffé. Swann veut devenir quelqu'un et il s'atèle, chaque nuit, à apprendre, à s'amuser, à découvrir qui est cette dame de glace et à pouvoir se rapprocher un peu plus intimement de Mavrick, car il l'a marqué. Il y a quelque chose dans ce garçon...dans ce vampire, ses yeux qui semblent eux aussi avoir vécus des choses fort peu drôles.

Manies:
- Il vérifie toujours si il n'y a personne derrière une porte lorsqu'il rentre dans une pièce.
- Il se crispe dès que quelqu'un lui touche la nuque, il panique et peut être violent.
- Lorsqu'il est énervé, il a un rictus sur ses lèvres presque invisible, sa commissure gauche se tend et il lui arrive de mordre le bout de peau.
- Lorsqu'une femme a les cheveux attachés, il ne peut s'empêcher de tenter de les détacher.
- Le volume de l'auto-radio doit être un nombre pair.

Habitudes:
- Il a le sommeil léger
- Lorsque des éclats de voix s'entrechoquent contre les murs, lorsqu'il entend des cris, il ferme les yeux et se bouche les oreilles comme un enfant.
- Il ferme toujours à double tour la porte de la salle de bain lorsqu'il y est
- Il passe devant toute les fenêtres dans la maison en vérifiant que pas un rayon de soleil ne peut entrer le matin avant d'aller se coucher.
- Lorsqu'il lit, il a tendance à se ronger les ongles.
- Quand il tient quelqu'un dans ses bras, il joue avec une mèche de cheveux de la dite personne, une habitude, un réflexe, une marque d’affection, prenez ça comme vous voulez.
- Il n'aime pas parler de ses sentiments et préfère ne jamais en avoir.
- Il a toujours un calepin où il note tout ce qu'il apprend, remarque ou voit.

Goûts:
- Il écoute toute sorte de musique et adore chanter...Seul.
- Il a quelques notions de Russe, mais adore jurer en Espagnol.
- Il aime les hommes
- Il déteste les oreiller à plume, il était allergique aux acariens et a développé une hantise et une haine viscerale envers ce type d'oreiller.
- Il n'aime pas dormir dans un cercueil, ça fait glauque
- Il se considère toujours comme "humain", il ne veut pas devenir un monstre, il veut continuer à se sentir comme avant, sauf que maintenant il est plus fort, plus sensible et plus assoiffé.

J'ai ma joue collé à la vitre de l'automobile. Ce n'est pas une très jolie voiture, il y a des miettes sur les sièges et je sais que maman n'aime pas ça. D'ailleurs maman n'aime pas la poussière ou la saleté, elle crie souvent après Arya et moi à cause de ça, mais je l'aime quand même. C'est maman. Ce soir c'est papa qui conduit, il a tenu à prendre le volant car maman ne sait pas où l'on va. Arya et moi non plus, c'est une surprise qu'il a dit. Je suis pressé et n'arrête pas de me tortiller sous ma ceinture. Arya est amusé de mon comportement, elle rigole souvent. Elle aime bien l'imprévue, les surprises et ce qui sort de l'ordinaire, moi je hais ça. Je n'aime pas ne pas savoir, vivre sans pouvoir contrôler. Papa dit que c'est normal, que lui aussi est comme ça. Mais moi j'ai pas envie d'être comme papa...Papa il est parfois méchant avec maman, ils crient souvent l'un sur l'autre, mais c'est jamais long et puis, ils se réconcilient toujours. Ils s'aiment, ils nous le disent à Arya et moi lorsqu'ils voient que l'on s'inquiète de trop. J'aime papa et maman, je n'ai pas envie qu'ils se séparent. Alexis a des parents séparés et il ne peut voir son père qu'une fois toute les deux semaines. Je trouve ça injuste, moi je veux papa et maman tout les jours, je ne veux pas avoir à choisir lequel je veux voir tout les jours et celui que je ne verrais qu'un week-end sur deux. Et puis nous sommes une famille, on ne pourra jamais nous séparer !

"Tournes à droite, tu vois bien qu'il y a des bouchons !" dis maman d'un ton pressé et légèrement stressé. Elle n'aime pas l'imprévue elle non plus, je me demande pourquoi papa s'amuse à lui faire des surprises si elle n'aime pas ça. Il dit que ça fait romantique...ça veut dire quoi romantique ? Ça veut dire faire peur à l'autre ? Faire des choses que l'autre n'aime pas en espérant qu'il ou elle en redemande encore ? C'est bête le romantisme en fait ! J'entend papa soupirer " Lyndsy ! Je sais où je vais, fais moi confiance s'il te plait.", maman tourne la tête vers la fenêtre d'un air boudeur. Je n'aime pas voir maman de mauvaise humeur, ça retombe toujours sur Arya d'une façon ou d'une autre j'ai remarqué. Et je n'aime pas lorsqu'Arya est mise en tord. Nous sommes née à quelques secondes de différence, des jumeaux comme il en existe surement des millier sur le globe ! Je tourne ma tête vers la concerné qui a baissé le visage d'un air triste. Elle non plus n'aime pas lorsque papa et maman se disputent. C'est notre anniversaire ce soir, nous allons fêter nos onze ans ! Papa a dit qu'il sortait le grand jeu ! Je me penche pour prendre la main d'Arya et la sert dans la mienne, elle remonte son visage et me répond d'un sourire humide. Nous nous ressemblions tellement, les même cheveux bouclés, la même mâchoire et les même yeux bleus céruléens. Je relâche sa main et me gratte l'arcade droite avant de retourner mon regard sur le trafic. Il y a un bouchon à droite qui débouche sur une deux voies et à gauche c'est fluide, les automobiles circulent comme bon leur semblait. "Je suis désolée Martin...Je, je suis un peu stressée en ce moment, je devrais pas être comme ça avec toi...avec vous." dit subitement maman d'une faible voix, la main droite de papa vient trouver celle de sa femme "C'est rien, je te comprend ma chérie. Ce soir, c'est l'anniversaire de nos deux p'tits monstres alors essaies de ne plus y penser, d'accord ?" il parle d'un ton doux et rassurant. J'aime bien écouter papa avant de m'endormir, sa voix est apaisante et lorsqu'il raconte des histoires de chevalier ou de magiciens, j'ai toujours envie d'en entendre plus. Toujours plus, alors des fois il invente une suite, une fin et je suis alors content.

"Alors...où comptes-tu nous""PAPA !" cris-je alors que le par-choque d'une camaro entre en collision avec les portières droites de notre véhicule. Mon corps est secoué, j'entend le verre se briser, le choc happer tout autre bruit extérieur au fracas. Arya hurle. Je cache mon visage, mais ma ceinture râpe mon coup, me brûle le ventre et me compresse la hanche. Je sens l'odeur des pneus, j'entend l'acier et le métal se tordre, se couper et s'écraser. Je n'entend pas papa. Je vois maman, qui se prend le rétroviseur et l'avant de la voiture adverse en plein abdomen, un bruit sourd d'os brisé et son corps molesté mollement à quelques mètres de la voiture comme une poupée de chiffon. Je ne réalise pas, la voiture fait des tonneaux, mon crâne cogne contre le macadam, je sens mes dents se cogner entre elles, ma main s'écraser sous la carcasse et ma joue ronger le sol brûlant. Je ressens tout alors que la voiture s'immobilise presque aussi vite qu'elle ne s'est faite percutée. Je vois deux corps dans la voiture totalement retournée en face de nous. Je vois l'un se mouver, ramper à l'extérieur alors que son visage est en sang, que son bras droit traîne mollement et que ses cris et gémissement courent et se réfugient dans mes oreilles. Je ferme les yeux, je sens l'hémoglobine couler le long de ma chair à vif, j'entend Arya bouger et crier. Elle hurle, elle appelle, maman...maman...papa et maman...j'ouvre les yeux en un éclair, mais mon coeur se déchire dans un gémissement de douleur lorsque je vois mon père étendu sous le capot, son regard vitreux vers moi.

La porte se referme derrière l'ombre meurtrière, je ramène mécaniquement mes draps contre mon corps meurtris. Je ne sais plus depuis combien de temps je suis ici, depuis combien d'année il me regarde comme ça, il s'incruste dans mon intimité et me vole les étoiles qu'auraient pu contenir mes yeux. J'ai mal, je dois surement saigner, comme d'habitude. Mais je ne me plaindrais pas, non, si cela peut épargner Arya, alors je mourrais mille et une fois sous les mains moites et répugnantes de cet homme. L'homme de la maison, la maison des Driesen, notre famille d'accueil. Cela fait déjà six ans qu'Arya et moi sommes retenus prisonniers du destin. A seize ans je n'espère plus qu'une chose lorsque j'entend la porte s'ouvrir la nuit, en finir, juste que tout s'arrête. Mais je ne pouvais même pas m'abaisser à laisser tomber Arya, en endossant cette responsabilité, je la protégeais, si j'étais là pour le satisfaire à n'importe quel prix, alors il ne s'en prendrait jamais à ma soeur, ma jumelle, ma moitié, mon tout. Je ne supporterais même pas de savoir que cet homme pose ses pattes sur ma soeur, sur son corps en pleine puberté, ma soeur qui devient une femme, une jolie jeune femme. Je ferais tout pour qu'il ne lui arrive rien...Je le laisserais entrer lorsque je me lave, j'accepterais sans broncher ses mains, je ne refuserais jamais de ne pas faire mes devoirs pour pouvoir lui "ramener des outils" dans la grange annexe à la maison....Arya était saine et sauve malgré le deuil qu'elle n'a pas encore clos, et c'est tout ce qui compte.

Cher Journal,
Aujourd'hui il est revenu, j'ai essayé de le repousser, mais il m'a griffé la joue. J'ai mal, il a refusé que je me désinfecte, j'ai dû attendre d'être au lycée pour pouvoir aller demander du désinfectant à l'infirmerie. L'infirmière m'a demandé comment je me suis fait ça, je lui ai répondu que je me suis prise dans du grillage sur la route du bus. Elle a semblé contente et je suis partie sans demander mon reste. Cher journal, je m'inquiète pour Swann, il ne semble pas aller bien. Pourtant je me charge chaque jour, chaque minute que la vie peut me donner, de l'éloigner au plus des mains baladeuses d'Arnaud, de ce monsieur qui vient me regarder lorsque c'est gênant, qui me parle comme il ne le devrait pas...j'ai peur...peur qu'il s'en prenne à mon frère, peur de ne pas pouvoir le protéger assez. J'ai pris rendez-vous chez le médecin, j'ai des saignements de nez et mes gencives saignent de temps en temps. Je suis peut être malade, une p'tite grippe ou une carence en fer, ça ne doit pas être bien grave, mais je dois me soigner pour pouvoir satisfaire Arnaud. Pour que Swann n'est pas à subir ça.

"Swann ! Rends moi ça !", je sursaute à l'entente de la voix en colère d'Arya. Je sers mes doigts autour du journal intime et lui montre "C'est quoi ces conneries ?! Depuis quand il te touche ce salop !?" elle semble désemparé, elle ouvre la bouche, mais je la coupe en balancant le journal à l'autre bout de la pièce "T'as 16 ans bordel ! T'as pas à subir ça toi aussi !" "QUOI ?!" je me tais et la regarde horrifiée alors que ses yeux rougissent. Je sens ma gorge se serrer sous l'effet de la colère. Ce chien l'a touché, ce salopard ne s'est pas contenté que de moi, il est en plus allé la hanter elle ! Elle se rapproche de moi et prend mon visage entre ses mains "Pas toi...je t'en pris, dis moi que c'est pas vrai...dis moi...dis moi qu'il t'as pas touché, qu'il a rien fait envers toi..." je sens mes yeux me piquer alors que je la sers fort dans mes bras, son visage vient se refugier sur mon épaule alors que mes larmes se mêlent à ses cheveux et son parfum. On est trop jeunes pour ça, on est trop jeune pour avoir à se mentir, on est trop jeune et pas assez fort pour se protéger l'un l'autre. J'étais trop con, con de croire que j'étais suffisant, con de croire que je pouvais peut être garder Arya loin de tout cet enfer nocturne...

Il n'a pas fallut longtemps à Arya pour nous trouver un studio dès notre majorité, le jour même de notre anniversaire, nous sommes partis, sans dire au revoir, en prenant bien garde de ne laisser plus aucune trace. Nous laissions cet enfer derrière nous malgré les traces que cet enfoiré nous a laissé. Je sais que je ne serais jamais en paix, je sens que mon dos ne sera plus jamais détendu, j'aurais toujours l'impression qu'on m'espionne, la peur constante que l'enfer peut revenir et que la tranquillité qui se présentait à nous n'était que chimère et illusion. Arya ne cesse de me dire que j'ai changé, qu'elle pourrait tuer Arnaud pour m'avoir obligé à me créer cette carapace. Je ne sais pas de quoi elle parle, j'ai toujours du me protéger, toujours du faire croire que tout allait bien alors qu'à l'intérieur je crevais et pourrissais. Je ne fais qu'ôter le masque pour montrer l'épave qu'il faut retaper. Je sais qu'on en est capable. Je le sais...Je ne m'attendais juste pas à ce qu'Arya ne le soit pas.

Les couloirs de l’hôpital sont à présent familiers. J'ai l'impression de les avoir côtoyé sans cesse ces dernières semaines. Blanc, bleus et quelques touches parsemées de gris. C'est tout. Il n'y a rien de vif, rien de joyeux, rien qui puisse dire "Tiens, tu peux guérir ! Crois en tes chances, crois aux miracles...crois". Non, dans la section cancer de l’hôpital il n'y avait pas d'espoir. Quand on y est, on y demeure. Leucémie aiguë, c'est ce que l'on avait diagnostiqué à Arya une fois que ses saignements devenaient répétitifs et que ses os commençaient à la faire souffrir. Je me souviens de la décharge électrique ressentit lorsque le docteur nous l'avait annoncé sans le moindre ménagement, comme si deux jeunes gens comme nous pouvez si préparer ou ne serait-ce que s'en douter. On ne peut pas se préparer à devoir enterrer sa soeur avant huit mois. C'est le temps qu'ils lui donnent, huit mois. Ma soeur ne sera plus de ce monde dans huit mois, comme si cet enfoiré de destin était contrôlé par des masochistes lunatiques qui ne cessaient d'être heureux de notre malheur. J'aurais dû me méfier, je n'aurais jamais dû me dire que tout pouvait s'arranger. Serrant mon calepin dans ma poche de sweat je cherchais le numéro de la chambre où dormait Arya depuis quelques semaines. Son état c'était aggravé et elle avait accepté de passer quelques temps à l’hôpital, en attendant que la chimio fasse effet. Les séances ne faisaient rien, elles ne guérissaient rien, au contraire, Arya ne semble que plus malade et ça me tue. J'ai envie de crier au monde que c'est de sa faute, mais je n'ai que des larmes pour m'ettouffer. Si seulement je pouvais m'arracher le coeur pour ne plus souffrir. Arya est la seule, la seule pour qui je m'inquiète autant. J'ai appris à ne plus m'attacher, à ne plus m’apitoyer sur les autres, à être égoïste pour deux. Lorsque j'entre dans la chambre j'ai ce mauvais réflexe de soupirer de soulagement en la voyant toujours en vie. Cela faisait trois mois que nous savions pour sa maladie, huit moins trois faisant cinq. Elle me l'avait dis, ses mots résonnaient dans ma tête alors que ses yeux épuisés et à demi-noyé par la mort se tournaient vers moi. "Je ne tiendrais pas cinq mois encore Swann...c'est pour bientôt. J'ai besoin de savoir que tu ne te laisseras pas tomber, que tu passeras au-dessus de ma mort. Ce n'est pas de ta faute, tu n'aurais de toute façon rien pu faire pour me sauver. C'est la vie et ironiquement je l'accepte. Je te demande d'en faire de même s'il te plait, accepte le fait que je veuille dire au revoir à toutes les personnes qui me sont chers avant de ne plus avoir la force de le faire. Je ne veux rien regretter, je veux pouvoir partir en paix.. Ça me hante et ça me remue alors que je m'assoie à côté d'elle et lui prend la main. "J'aimerais voir le soleil... lorsque sa voix parvient jusqu'à mon oreille, je sais que c'est le début de la fin. Je le sens, ses mains se font plus faibles, sa voix plus apaisé, elle ressemble à un corps déjà mort et elle sent...elle sent cette traîtresse, elle pue la chimio et les médicaments qui n'arrangent rien. Alors pour une dernière fois et bien que je sais pertinemment qu'aujourd'hui je ne pourrais pas retenir mes larmes, je l'emmène voir le soleil.

Les rayons sont doux et son corps est léger contre le mien. L'herbe sous nos jambes est épaisse et confortable. Le parc où nous avions l'habitude de nous promener une fois libres. Le cerisier sous lequel nous nous sommes réfugié à déjà offert ses fruits, mais nous gratifie tout de même de sa douce ombre alors qu'au soleil la chaleur devenait étouffante. Je tenais sa main dans la mienne alors que l'autre la soutenait contre moi, ses jambes digne des plus fins bâtons sont repliés contre son torse alors qu'en la soutenant je l'emprisonne de mon même bras. Sa tête est posé contre mon épaule alors que mon souffle caresse son menton. "J'aimerais que cette journée ne finisse jamais..." je ne répond pas, je me contente de la serrer un peu plus contre moi. Je ne veux pas, je ne veux plus, je n'en ai jamais eu envie. Elle était mon moi, ma moitié, ma jumelle, l'âme pour laquelle je me suis battue tant de fois, tant de temps et avec une tel ardeur que je doutais pouvoir recommencer un jour. La légère brise fait virevolter ses cheveux bouclés qui ont perdus toute leur vitalité, ils sont gras et ne sentent pas bon, mais je m'en fiche, je prend une pâquerette et l'enfile derrière son oreille. Elle a l'air d'une princesse, un ange sur le point de prendre son envol et ma gorge se serre alors que son souffle est plus lent. Nous le savons tout les deux, que dans quelques instants, dans quelques heures, je me retrouverais seul. J'ai envie de me boucher les oreilles, de me couvrir les yeux, que l'on vienne me hurler que tout ça n'est qu'un mensonge. Me séparer d'Arya venait à me demander d'aller tuer le soleil à coup de rêves trop vertueux pour un bousillé comme moi. "Swann ?" "Mhm ?" je demande en baissant mon regard vers son visage épuisé et transi. Un mince sourire traverse son visage et j'ai l'impression de crever de bonheur. "Tu chanterais pour moi ?" la surprise traverse rapidement mon visage avant de se dispercer alors que je la serre un peu plus contre moi, l'entourant de mes deux bras. Je la soutiens, j'ai l'impression de la maintenir en vie par mon contact. J'approuve d'un léger mouvement de tête. Love, I have waited for you and love, I was wounded for you. Won't you look into my eyes through the pain and through your pride and find I am true. You're the one I can't deny and I'll never leave your side. I gave my life for you. So what are you waiting for? On and on we go, come love take my hand. On and on we go, time and time again. On and on we go, back to where this all began. Come love take my hand" Un frisson me parcourut alors qu'une bourrasque plus fraîche que les autres fit rouler la tête d'Arya. Je me fige, mon regard accroché au regard perdu dans l'herbe de la jeune femme envolé dans mes bras. "Arya ?...' murmurais-je en caressant sa main. "Arya ?!"...Ma respiration s'accélère alors que je rassemble son corps contre moi, enfournant ma main dans ses cheveux, sa tête roulant contre mon torse. Je plonge mon visage contre sa joue, ça sent la mort, son parfum à disparu. D'elle ne reste plus que son corps, mon Arya s'est envolé et c'est une larme d'ange qui coule sur sa joue et se mêle aux miennes.

Je resserre la veste de costume autour de mon cou alors que je me hâte de rentrer chez moi. J'ai encore l'image de ce cercueil en train d'être ensevelie. J'avais envie de tout arrêter, vérifier qu'elle était bien morte, qu'elle n'était pas tout simplement en train de faire une blague. Une blague de merde, mais une blague tout de même ! Mes yeux sont cernés et je sais que je n'ai pas l'air en bonne santé. Je n'ai plus envie de rien, Arya n'est plus là pour m'aider à traverser jour après jour les souvenirs. Ils sont toujours là, la sensation oppressante qu'Arnaud Driesen pourrait débarquer du jour au lendemain en se vantant d'avoir affaiblis ma soeur...j'ai envie de crier, j'ai envie de me retourner et de me frapper le front contre les briques du mur pour tout oublier. Oublier la mort de mes parents, les Driesen et le fait que j'ai eu une soeur qui est maintenant morte. J'ai tout perdu et je me retrouve comme un con alors que je suis le premier qui aurait dû crever dans cette histoire. J'suis qu'un con, un putain d'insensible qui pense à rien d'autre que casser la gueule et la vie de ce tortionnaire de Driesen. Si seulement j'avais le moyen de pouvoir lui régler son compte, mais pas rapidement, lentement, lui faire sentir à quel point c'est dur de souffrir tout en sachant qu'on ne réussira plus jamais à réparer les pots cassés et son âme fissuré.

La lune s'étend sur l'allé et je sais que je dois me dépêcher. Depuis la révélation, les ombres nocturnes se font plus réalistes, on ne peut plus dire "je dois avoir rêvé", non, on sait qui nous suit, on sait qui profiterait d'un moindre signe de faiblesse pour nous sauter dessus et nous vider du peu de vie qu'il nous reste à nous, humains, pauvres idiots. Je ne sais pas quoi penser des vampires, j'ai toujours eu l'impression que ce n'était qu'une plaisanterie, un stratagème pour que le gouvernement puisse nous faire passer des choses comme normal car à côté on avait les vampires, puis les Loups-Garous, les sorciers et je ne sais quels autres créatures ou magiciens. La Terre était un zoo où l'humain était le plus hilarant des singes. Un souffle contre ma nuque et je me fige, j'écarquille mes yeux alors que mon sang se glace. Je sais qui est là, je sais qui vient de me frôler la nuque et j'ai peur. J'ai les plus belles pétoches de toute ma vie, ça me fige sur place, ça me bloque le sang et la capacité à réfléchir alors que je me fais jeter contre le dit mur en brique rouge. Un cris de douleur m'échappe alors que je sens une côte se briser sous l'impact. La créature face à moi à un visage transformé par la soif, son regard est envoûtant et terrifiant alors que je n'ai même plus le réflexe de hurler, je sais que personne ne viendra m'aider. Puis je le vois qui s'avance rapidement vers moi, ses pattes glaciales m'agrippent la gorge et y plante leurs crocs. Je crie, je hurle, il n'y met aucun effort, ses dents voyagent dans ma nuque sans faire attention, il me coupe, suce le sang et j'ai l'impression qu'il m'aspire l'âme de par son appétit, de par son avidité de ma vie. J'ai la force de le remercier, je cherche son regard, il va me tuer, il va me libérer, grâce à lui je n'aurais plus à surmonter chaque jour que dieu fait en n'osant pas en finir une bonne fois pour toute. Puis une tornade blonde, le froid qui se plaque contre mon cou a vif et ouvert de toute part, mes jambes qui ne me tiennent plus et mon crâne qui percute le macadam.


Je me touche les joues, c'est froid, je ferme les yeux. Je sens. J'entend et je goûte. Je ne sais pas si c'est réel, si c'est le paradis ou la simple et cruelle vérité. Je sais que la femme à côté ma nourrit de son sang, que je suis mort. Je l'ai sentie, la mort, je me suis noyé dedans et voilà que je me réveille dans une chambre que je connais pas, les volets tirés et la gorge en feu. J'entend bouger, je sens le sang couler dans les veines de ceux qui passent au dehors. J'ai l'impression de devenir fou, je plaque mes mains contre mes oreilles, trop de bruit, trop de senteurs, trop...trop...trop soif ? J'ouvre les yeux et me regarde, j'suis pâle comme les fesses d'un bébé et les volets sont tirés. Je respire, mais ça ne m'apporte rien. J'arrête, je fais de l'apnée, ça ne change rien, je pourrais rester l’éternité ainsi...J'ai peur, puis je suis en colère avant de finalement m'écrouler et de pleurer. Il ne faut pas longtemps avant que la porte ne s'ouvre et laisse apparaître la silhouette de la tornade blonde de la veille. "Je m'appelle Anastazia". Ce fut les premiers mots que celle que je considère aujourd'hui comme ma mère et moi échangions.