LONDRES, 1889
C’était une de ces grandes fêtes mondaines qu’on célébrait pour permettre à une jeune personne issue d’une bonne famille de faire son entrée dans le monde. Valentin était ce jeune homme innocent, naïf sur bien des points, encore ignorant des uses et coutumes de la bonne société, qui découvrait le monde et la bonne société. Il se demandait pourquoi tout d’un coup il se retrouvait ici. Son nom n’avait rien de noble, son père n’avait rien de richissime, tout cela, c’était trop. Son grand père était mort et la minute d’après on envoyait une lettre accompagnée d’un billet de train pour qu’il revienne à Londres et prenne son héritage. Il était à peine arrivé qu’on lui faisait déjà une fête en son honneur. Le jeune homme maladroit n’avait même pas réussit à s’habiller tout seul et avait la singulière sensation qu’on allait se moquer de lui. Son grand père lui disait sans cesse qu’il était un mauvais petit garçon, qu’il était qu’un sale mome, qu’il ne méritait pas ce monde. C’était pour cela qu’il n’avait jamais vu de telles tenues, jamais vu tous ces gens, et pour cela qu’il mourrait de peur. Léonard, le vieux majordome posa sa main sur son épaule, tapota légèrement pour lui apporter du réconfort et se contenta de rester derrière lui, tel un ange gardien invisible dont on ne sent que la présent. Léonard n’avait jamais apporté de part de tarte au petit garçon lorsqu’il était enfermé au grenier, il ne l’en avait jamais délivré, et pourtant, Valentin avait toujours été persuadé que Léonard l’aimait. Il le regardait sans dédain, sans méprit, sans haine ni colère et il lui amenait des livres en secret. Et pour cela, le jeune homme lui en serait éternellement reconnaissant.
Les portes s’ouvrirent et soudain il eut l’impression d’étouffer. Tout ces bruits, tous ces gens, tout ce faste, c’était vraiment trop. Il venait de la campagne anglaise où sa grand-mère paternelle avait prit soin de lui. C’était une vieille femme au visage marqué, une femme qui faisait parti des gens du voyage, une vieille femme qui enroulait un ruban rouge autour de son poignet pour le protéger des mauvais esprits. Et là soudainement il se retrouvait devant des femmes qui masquaient les signes de l’âge par du maquillage élégant, qui étaient vêtues de somptueuses robes qui devaient coûter plus cher que toutes les roulottes du camps où il était quelques jours auparavant. Il les observa à la fois apeuré et émerveillé. C’était magnifique ces tenues, cette musique au piano, toute cette élégance et ce raffinement. Il ne se sentait pas à sa place, mais pour rien au monde il n’aurait céder sa place ici. Cela aurait été si plaisant de rester ici pour toujours à les observer de loin, sans y prendre part. « Monsieur Balan, je connaissais suffisamment votre grand père pour ne pas pleurer son décès. » fit un homme au visage agréable, qui de par sa voix et son maintient semblait âgé mais dont le visage ne portait aucune ride. « Oh, non, pas ce genre de regard. Je déteste ce genre de regard. Vous vous sentez sans doute un peu perdu, et vous avez une allure déplorable. On raconte que c’est votre grand-mère, une roumaine qui vous a élevé après que votre ignoble grand père vous a fichu à la porte. Mais rassurez vous, ici tout le monde a des noirs petits secrets, et sans doute pire que le votre. » ajouta-t-il avec un clin d’œil amusé. Valentin resta bouche bée. Il pensait au début que cet homme savait que son père était un roumain, mais un artiste, qui avait épousé une belle jeune femme issue de la bonne société ruinant toute les chances de cette dernière mais elle souhaitait vivre d’amour. Il pensait que cet homme savait que son grand père maternel, furieux que ce jeune artiste roumain lui ai enlevé sa fille, l’ai épousé, engrossé, pour après l’entrainer dans la mort, l’obligeant à devoir élever seul l’enfant de cette union grotesque avait passé son temps à battre et maltraité le jeune Valentin lorsqu’il était enfant.
Et cependant il avait une étrange sensation, devant le regard amusé de cet homme, on aurait dit qu’il parlait d’autre chose. Il lui proposa des cigarettes et lui présenta plusieurs femmes et hommes, de bonnes familles tous, certains déjà mariés, et parfois même parents, et puis il entraîna Valentin vers la terrasse. Isolé, loin des autres et de tout petit curieux, l’homme au charme manifeste se tourna vers le jeune homme. « Je croyais que j’aurais affaire à un petit paysans, voire un sale petit voleur, mais vous êtes incroyable monsieur Balan, vous êtes magnifique. » fit-il en souriant. Son sourire avait quelque chose d’envoûtant et en même temps quelque chose d’effrayant. Valentin tira nerveusement sur sa cigarette ce qui lui arracha une quinte de toux. La fumée lui brûlait la gorge mais il enviait cet homme qui avait l’air si élégant avec une cigarette à la main. « Et vous possédez un tel potentiel. Je sens votre magie, votre pouvoir qui ne demande qu’à grandir, qu’à s’épanouir. » Valentin sursauta. Pouvoir, magie, comment pouvait-il savoir ? Sa grand-mère lui avait dit que les anglais étaient si rationnels, si aveugles, ne voulant pas croire aux anciennes croyances, pensant que tout cela n’était que superstition. « Non… je veux dire… vous vous trompez monsieur, je vous assure… » Aussitôt l’homme le coupa, avec un immense sourire aux lèvres. « N’essayez pas monsieur Balan, vous vous épuiseriez inutilement. Je sais ce que vous êtes, et j’aimerais vous faire découvrir les possibilités immenses de ce monde. » Il lui adressa un adorable sourire. « Vous ignorez votre chance. »


MOSCOU, 1897
Pratiquer la nécromancie est un art délicat, mais Valentin était un élève tellement doué. Il voulait tellement apprendre. Lorsque Vassily lui proposa de l’accompagner jusqu’en Russie, il accepta. Valentin rêvait de voir le monde. En très peu de temps, il était devenu ami de Vassily, il portait pour lui une telle admiration. Cet homme était si élégant, si raffiné, et savait tant de chose sur la vie, le monde, la société humaine et la magie. Lorsque Valentin apprit que Vassily était un vampire, il n’en fut pratiquement pas étonné. Ce fut dans le train les emmenant en Russie que le vampire lui avoua sa nature. Valentin explosa alors de question. Comment était-ce de voir les humains s’élever puis chuter, comment était-ce de voir les différentes civilisations s’élever… l’immortalité semblait si fascinante pour le jeune homme mais c’était surtout le savoir de cet homme qui l’envoûtait. Il pouvait l’écouter des heures durant. Et il lui apprit beaucoup de choses, mais pour la nécromancie, il ne pouvait guère aider le jeune homme en revanche, il connaissait les plus grand sorciers et avait permit au jeune Valentin de rencontré sans doute le plus grand nécromant. Ils étaient allés en Afrique tous les deux ensembles. Et aujourd’hui, Valentin allait prouver enfin sa valeur. Il allait montrer à Vassily qu’il avait eut raison de lui faire confiance, la plus grande confiance.
Le couteau affuté comme une lame de rasoir était disposé à sa droite, la jeune vierge était étendue devant lui, tout son sang palpitant dans ses veines, sa chemise de nuit blanche la rendait encore plus charmante et plus fragile aussi, la bassine en argent était à sa gauche. Des centaines de bougies avaient été allumées. Ce soir il réaliserait un exploit. Il ne doutait même pas, il savait qu’il parviendrait à le réaliser. Devant lui les cercueil fermé n’attendait plus qu’il entame le rituels. Les mots en latin coulèrent de sa bouche avec le plus grand naturel, tandis qu’il tranchait les poignets de la jeune femme faisant couler son sang dans les bassines en argent ciselé. C’était magnifique. Il senti le cercle formé par les bougies se saturé de magie. Levant les mains vers le ciel, il expulsa le pouvoir hors du cercle, vers les cercueil, et les appela à lui. Les dix vampires sortirent de leur cercueil, marchant vers lui, guidé par sa propre volonté. Il se mit alors à rire comme un enfant riant de son exploit. Passant ses mains sur son visage, il laissa le sang s’accrocher à sa peau. Les vampires marchèrent vers lui et s’arrêtèrent lorsqu’il cessa d’exercer sa volonté sur eux. Parfaitement immobiles, on auraient dit qu’ils étaient morts. Le soleil se couchait à présent. Son pouvoir se renforça. Il savait qu’il aurait pu relever les morts de tous les cimetières avoisinants à cet instant, il en avait le pouvoir. Mais relever des morts était facile, forcer des vampires à quitter leur cercueil, et à lui obéir cela était un exploit, un miracle. Et il avait la conviction, que désormais il possédait un pouvoir sur ces vampires.
« Je savais que tu réussirais. » murmura seulement Vassily. Valentin se tourna vers lui, un immense sourire sur le visage, c’était de la fierté qui se lisait sur son visage, une immense fierté, et un immense bonheur. Il s’approcha du vampire et l’enlaça, enfouissant son visage au creux de son épaules. « Vous aviez raison, j’ai réussit, j’en ai le pouvoir. » fit Valentin en riant à moitié. Vassily l’embrassa sur le front. Il avait un amour presque paternel envers le jeune homme si talentueux, si prometteur. Le vampire jugea qu’il était temps. Il avait déjà goûté au sang du jeune homme et aujourd’hui, le jeune nécromant allait goûter à son sang. Aujourd’hui, il deviendrait son serviteur humain, et leurs pouvoirs seraient à jamais lier. Il tendit son bras et saisit le couteau à la lame en argent, tranchant la chair. Valentin lui adressa un regard hésitant, et Vassily lui fit un signe de tête. Dès que le jeune nécromant plongea son visage sur son bras, lorsqu’il aspira le sang, le vampire senti alors le pouvoir du nécromant entrer en lui, il reconnu ce pouvoir, et su que désormais il pourrait l’appeler à lui, tout comme le jeune Valentin pourrait appeler à lui le pouvoir du vampire.


MOSCOU, 1917
Quelle fête fastueuse, songea la jeune fille en succombant dans les bras de Valentin. Sa charmante tête blonde bascula en arrière, secouée par le plaisir. La main du nécromant caressa le visage baignée de larmes de la jeune fille. Lui-même frissonnait de plaisir tandis qu’une lame découpait sa peau, faisant couler son sang, qu’une vampire léchait avec délectation. Un jeune homme versa du vin entre les lèvres entrouvertes du nécromant qui hésitait entre hurler de plaisir ou de douleur, de toute façon tout se mélangeait dans sa tête embrumée par l’opium et l’absinthe. Il senti la fraicheur de cette langue plus encore que la froideur de la lame en argent. La belle vampire portait des boucles d’oreilles en argent, qui lui brûlait la peau. Vassily et sa cour célébrait autant le plaisir que la douleur qu’ils recevaient avec autant de plaisir qu’ils l’offraient. Et Valentin avait embrassé tout cela avec un plaisir enivrant. C’était si plaisant. Le pouvoir contenu dans cette chambre, ça lui brûlait la peau, le plaisir qu’il ressentait, ça le rendait si fébrile, si électrique, et la douleur rendait tout cela plus réel. Il s’abandonna dans les bras de la vampire. Lorsque soudain son esprit s’ouvrit à Vassily. Il ressenti la soif, la puissance, la force de la nuit, le sang frais qui coulait dans ses veines, et une chose étrange, la peur. Son esprit se connecta à la louve que Vassily avait asservit à son pouvoir. Elle était en mauvaise posture. D’ordinaire il aimait sentir la bête en elle, surtout dans ce genre de situation, ça rendait cela divin, mais là… elle était enragée, elle luttait, elle se battait pour sa vie. Valentin releva son visage et chassa la vampire d’un geste de la main. Elle grogna, montra des dents, mais se laissa faire. Tous regardèrent avec désir le jeune homme. « Arrêtez ! » ordonna le jeune homme. « Cessez donc ! Nous sommes attaqués ! »
Quittant sa chambre, il revêtit un long manteau et se glissa dans le froid couloir. Ses bottes claquaient sur le carrelage hors de prix. Il devait retrouver Vassily, et pour cela il fallait qu’il se connecte à nouveau à son esprit. Descendant l’escalier, il senti immédiatement l’odeur de chien mouillé. Des loups-garous. Ils étaient à l’intérieur de la somptueuse demeure du maître de Moscou, comment cela était-il donc possible ? La révolution grognait au dehors, mais Vassily avait prouvé que les vampires profiterait de celle-ci, qu’ils s’imposeraient enfin aux humains, que le moment était venu de révéler leur existence et de prendre le pouvoir. Les loups-garous ne feraient rien, car il les possédait. En laissant les loups qu’il était capable d’appeler boire son sang, il s’était constitué une armée puissante. Alors pourquoi y avait-il des loups enragés dans la demeure ? Le jeune homme se mit à courir pour rejoindre son maître. Une épée en argent à la main, il l’enfonça jusqu’à la garde dans le corps d’un loup qui s’approchait un peu trop de lui. Si les loups l’avaient ignorés jusqu’à présent, désormais ils voyaient en lui un ennemi, heureusement la bataille règnait et il n’était pas le seul à les combattre. Il pu rejoindre Vassily malgré la peur qui le rongeait. Jamais il ne s’était battu. Il n’avait guère le temps de relever une armée de zombie, et s’il savait se battre, ce n’était que de l’escrime en cas de duel.
« Que se passe-t-il ? » demanda-t-il à son maître essayant de ne pas laisser transparaître sa peur. Mais son maître pouvait lire dans son esprit, peut-être même que sa peur l’envahissait. Il fallait qu’il se reprenne, la peur vous empêchait d’agir. « Les sorciers ont déclarés la guerre, les loups se retournent contre nous, les vampires sont la cible. » Quoi, quoi, quoi ? pensait Valentin, mais il fit taire ses questions et sa peur. L’heure n’était plus à l’interrogation, la guerre était en route et personne ne serait épargné. Si les loups se retournaient contre leur maître alors tout était perdu. Il fallait les tuer désormais, tous, car ils avaient en eux le sang de Vassily, ce genre de pratique n’était certainement pas autorisé. Si jamais un autre maître vampire tombait sur ces loups… Vassily risquait alors le courroux du conseil. Il se rangea à la gauche de son maître et leva sa lame. Le combat serait rude, mais désormais, il savait ce qu’il avait à faire. Effaçant la moindre pensée de son esprit, il laissa les tactiques habiles de son maître envahir son esprit. Vassily avait déjà connu les guerres, et il savait comment se battre. Il suffisait de l’écouter.


PARIS, 1934
« Je t’en prie, Valentin, ce n’était qu’une humaine. » insista Vassily, au bord de l’agacement. L’attitude de son protéger était ridicule, s’enfermer tout seul des heures durant dans le noir, ne pas quitter ses vêtements qui commençaient sérieusement à puer, pleurer en silence tout seul dans le noir, et cette fichue robe qu’il serrait entre ses doigts, c’était absolument ridicule. « Mais je l’aimais ! » hurla le nécromant crachant sa peine et sa colère. « Je l’aimais ! » répéta-t-il en hurlant plus fort encore. Le vampire poussa un soupire en allumant les cierges. « Mon dieu qu’il fait noir ici, plus noir encore que dans mon cercueil. » Valentin se referma sur lui-même, comme si le vampire ne l’entendait pas pleurer. Bon sang, depuis qu’ils formaient un triumvira, il pouvait sentir tout ce que ressentait Valentin et en cet instant, c’était très douloureux, et inutile. Il voulait chercher dans l’esprit du nécromant le moyen de le sortir de sa torpeur mais le vampire n’était pas certain de vouloir connaître l’immensité de la peine du jeune homme. « Tu ne vas tout de même pas rester enfermé ici pour l’éternité. » continua Vassily d’un ton consolateur mais un brin moralisateur. « Ton attitude est ridicule. » Valentin arrêta les sanglots, aussi le vampire ne pu s’empêcher de sourire. Cruelle erreur, le jeune homme venait de se retourner et prit mal ce sourire. Il était tellement susceptible aussi, tellement fragile par moment. « Vous n’avez jamais aimé, comment pourriez vous comprendre ? » lui cria Valentin. Le vampire poussa un lourd soupire et s’accroupit en face de Valentin qui quand à lui s’était assit ou plutôt recroquevillé à même le sol.
« Tu crois que je n’ai jamais aimé, tu crois que je n’ai jamais pleuré une âme perdue ? Voyons, Valentin, j’ai plus de mille ans d’existence, crois-tu vraiment que je n’ai jamais aimé ? » commença le vampire d’une voix douce. « J’ai aimé et tant de fois, j’ai pleuré et j’ai même cru que j’allais mourir. C’est normal que tu souffre ainsi, c’est la première fois que tu aime, la première fois que tu perd l’être aimé. Tu continuera de la pleurer pendant quelques temps, et puis, le temps pansera tes plaies. Crois-moi, tu finiras par oublier ton chagrin pour ne conserver que les meilleurs souvenir d’elle. » Le vampire posa sa main sur l’épaule de Valentin. Ce dernier souffrait tellement. S’en était presque douloureux. Il pouvait voir les images qui hantait l’esprit du jeune homme. Le corps de sa bien aimée pendu au bout d’une corde, elle n’avait pas accepté sa nature, elle n’avait pas accepté qu’il puisse faire le mal, elle l’avait appelé le diable avant de disparaître. Il voyait aussi des flammes. Bon sang, Valentin rêvait de se suicider, il voulait mettre le feu à cette pièce et s’y enfermer, il voulait brûler vif. Que de culpabilité, que de souffrance. Vassily serra l’épaule au creux de sa main. « Je peux effacer la souffrance si tu le désire, Valentin. »
Le jeune homme sanglotait. La souffrance était si terrible. Elle était la seule chose qu’il ai jamais aimé, et il l’avait traité avec tant d’arrogance, tant de mépris. Lorsqu’elle lui avait demandé de l’épouser, il avait rit, et s’était moqué d’elle. Tu veux savoir ce que je te cache ? lui avait-il demandé lorsqu’elle s’était mise à pleurer. Il l’avait entrainé de force jusqu’à la cave où s’empilait les cadavres, un vampire était en train de boire le sang d’un humain proche de la mort. Il riait, de colère, et anima un cadavre qui s’avança vers la pauvre humaine qui pensa perdre la raison. C’est cela que je suis, c’est cela que tu veux épouser ! avait-il hurlé. Elle s’était enfuie en courant, en l’appelant le diable. Et le lendemain elle mettait fin à ses jours. Ce devait être son frère qui la trouva et qui jugea de bon goût d’amener la robe que lui avait offert Valentin dans laquelle elle s’était pendue, ainsi que la corde. Lentement il se tourna vers le vampire, toute cette souffrance, c’était insupportable. Il pouvait presque voir le visage congestionnée de la morte, se balançant au bout de la corde, ses chaussures au sol avec le tabouret. Il hocha la tête pour dire au vampire qu’il voulait oublier la souffrance et le remords. Alors Vassily prit le visage du jeune homme entre ses mains et l’approcha de sa nuque dont il avait transpercé la peau. Et le jeune homme bu.


MOSCOU, 1999
Un nouveau siècle allait venir, et Valentin ne ressentait rien. Il aurait du ressentir de la joie, mais non, il n’y avait rien dans son cœur, ni joie, ni excitation, ni peur, ni tristesse. Jamais il ne s’était senti aussi vide. C’était comme si tout d’un coup on lui avait enlevé son âme et à ce sentiment, il songea qu’il n’avait peut-être plus son âme depuis longtemps. De la joie qu’il avait éprouvé à vivre éternellement, de la jouissance de ces soirées où les corps s’emêlaient dans des cris d’extase, de la pure cruauté de se sentir puissant en infligeant la mort à un autre et de s’en sortir sans rien, de l’excitation juste avant de lancer un sort puissant, il ne conservait rien. Ni la fierté qui le possédait lorsqu’il sentait le regard de Vassily sur lui, ni le bonheur d’entrer en communion avec l’esprit de la louve et du vampire, ni même les simples petits bonheurs de ces femmes qui partagent sa couche, rien de tout cela n’animait encore son cœur. La seule chose qu’il ressentait c’était de la lassitude, et un vide immense là où devrait se trouver son cœur. Depuis quelques années à présent, il commençait à ressentir cette lassitude, il avait senti ces plaisirs divers diminuer en force, et tout ce qui lui plaisait tant auparavant ne semblait plus rien lui apporter. Comment Vassily pouvait-il encore éprouver du plaisir, comment faisait-il pour traverser ainsi les siècles sans se sentir lassé de tout cela ? Le nécromant pencha son visage. Nulle larme ne coulaient sur ses joues, il n’avait plus pleurer depuis si longtemps, il ne savait plus ce qu’était la tristesse ou le remords. Vassily lui avait enlevé sa peine comme il le lui avait demandé, et aujourd’hui il réalisait qu’il ne ressentait plus rien.
« Le vingt-et-unième siècle mon ami, un nouveau millénaire s’ouvre à nous. » fit le vampire en entrant dans le fastueux appartement qu’il avait offert à son protégé. Le vampire tendit une coupe de champagne à son cher nécromant. Ce dernier prit le coupe, et esquissa un sourire, mais ce sourire n’exprimait rien, ni joie, ni cruauté, ni tristesse, rien. « Moscou n’est que le début, mon ami. Je possèderais bientôt une place au conseil, je gouvernerait le monde. Et tu seras à mes côtés. » Valentin sourit un peu plus, légèrement amusé, Vassily avait toujours voulu gouverné le monde et sans doute y parviendrait-il. Il était talentueux, excellent tacticien, et très bon orateur, il plaisait facilement et savait vaincre les autres vampires. Mais parfois, il se laissait berné par son ambition et en oubliait les obstacles éventuels, comme durant la révolution où il n’avait pas vu que les sorciers réagiraient à son désir. Vassily pensait que les vampires devaient dominer le monde, et n’avait jamais vraiment prit en compte les sorciers. A présent, sans doute était-il plus prudent, mais Valentin ne voulait pas dominer le monde, et même dominer une âme ne l’amusait plus. La seule chose qui lui faisait encore éprouver des choses c’était la drogue. Parfois il s’en injectait et restait à délirer durant des heures, mais cela était devenu si routinier. Même pratiquer la magie noire n’était plus divertissant. Il se sentait si las. Mais Vassily ne devait pas savoir. C’est pour cela qu’il lui avait totalement fermé son esprit 5 ans auparavant et aujourd’hui il ignorait même s’il pouvait rouvrir son esprit à son maître.
« Vous n’êtes pas inquiet vis-à-vis de Alexei ? » demanda Valentin, d’un ton qui se voulait faussement badin, mais en réalité, il n’éprouvait rien à l’idée de ce jeune vampire qui voulait être roi à la place du roi. Il avait à peine six ans, mais il était manipulateur et aimait les complots, on disait qu’il possédait désormais la moitié de la ville, et il renverserait Vassily. « Voyons, ce petit imbécile est persuadé de pouvoir me renverser. Laissons-le rêver un peu… avant de l’écraser. » répondit Vassily en un rire cruel. « C’est ainsi que nous traitons les comploteurs et les traîtres, n’est-ce pas ? » Le vampire posa sa main sur l’épaule du nécromant en tapotant légèrement. « Tu te souviens de cette vampire.. tu l’avais séduite, tu lui avait fait croire que tu l’aiderais à obtenir le pouvoir… et tu l’avais enchaîné à cette table. Nous nous étions tellement amusés. J’étais si étonné qu’elle reste consciente aussi longtemps. Les vampires sont les meilleurs sujets pour la torture. C’est toi qui me l’a apprit. » Valentin rit doucement. Il aurait aimé pouvoir sentir de la joie ou de la nostalgie, mais non, il ne ressentait rien. A l’époque, il était tellement joyeux, comme un enfant devant le sapin de noël et tous les cadeaux à son pied, mais aujourd’hui ? torturer Alexei ne lui ferait rien, absolument rien. Planifier sa mort, lui serait parfaitement égal.

SHREVEPORT, 2010
La mort de Vassily avait entraîné la mort de tous ceux qui y étaient liés, des deux autres membres du triumvira. La louve, la belle et brave Ivana était morte, et Valentin était mort. Le complot de Alexei avait finalement réussit. Il était parvenu à obtenir le soutient des conseillers de Vassily, et ils l’aidèrent pour tuer tous les gens de Vassily. Capturer la belle Ivana fut facile pour lui, et il eut l’intelligence de la garder en vie. Il comptait la tuer pour mettre ainsi fin à l’existence de Vassily et de son maudit nécromant, mais il n’en eut pas besoin. Vassily était tellement orgueilleux, tellement sûr de lui, qu’il pensait jusqu’au dernier moment réussir à vaincre cet impudent qui se dressait contre lui. Valentin n’était pas auprès de son maître à ce moment là. Il était en ville, en train d’acheter des ingrédients pour un rituel. Les témoins autour de lui crurent à une crise cardiaque. Aussitôt on appela une ambulance et quelqu’un lui fit un massage cardiaque. Ils réussirent à le réanimé. Valentin était resté pendant trois minutes dans l’au-delà. Pas de lumière blanche, pas de proches l’attendant, juste un long couloir sombre avec des silhouettes inquiétantes. On le garda à l’hôpital, personne n’avait son nom puisqu’il n’avait pas de papier sur lui. Une journée, il sorti de l’hôpital et disparu. Changer de nom, fut facile, il reprit le nom de famille de son père humain, et il gagna les Etats-Unis. C’était le seul moyen de les fuir. Il ne voulait pas qu’on le retrouve. Alexei aurait cherché à le tuer ou à l’utiliser. Il ne voulait ni l’un ni l’autre. Ce couloir inquiétant, il ferait tout pour y échapper.
La chaleur était quelque chose de si étonnant pour le jeune homme, ressentir à nouveau était aussi très étonnant. Lorsqu’il était revenu à la vie, c’était comme si on lui accordait une seconde chance. Il était humain, totalement humain, à nouveau. Au début, il ignorait à quel point il était revenu humain. Lorsqu’il se blessa pour la première fois, il regarda le sang couler avec joie, la douleur qu’il ressentait, c’était si plaisant, c’était la première fois qu’il ressentait à nouveau. Aucune guérison miraculeuse. Il sentait toujours la magie autour de lui, cela était resté. Il était toujours un nécromant, un médium, un sorcier. Mais son corps était humain. Son âme était-elle sauvée pour autant, de cela il en doutait sérieusement, mais il ne voulait point y réfléchir pour le moment. Mieux valait oublier ce détail. Il avait une chance inouïe. Combien de personne ont droit à une seconde chance ? Combien peuvent revenir en arrière et effacer le tableau ? Il n’aurait jamais pu quitter Vassily, et quand bien même il l’aurait fait, il en serait mort, sans le sang de vampire il serait mort. Mais on l’avait ramené à la vie et il était à nouveau mortel. C’était un véritable miracle. Il en aurait pleuré de joie. Mais à l’hôpital, il n’avait pas pleinement réalisé. Aujoud’hui il en était parfaitement conscient. Cela faisait à peine une semaine que Vassily était mort, et Valentin découvrait tout juste sa nouvelle vie, son corps à nouveau humain, parfois il était imprudent, il oubliait qu’il n’était plus immortel, mais quel bonheur de sentir à nouveau, de souffrir à nouveau, de pouvoir pleurer ou rire. Il était à nouveau humain.
Pénétrant dans le petit restaurant il regarda ces gens poser leur yeux sur lui. Sa peau pâle attirait l’attention. A force de fréquenter un vampire, il en avait sans doute un peu l’apparence. La petite télé juché au-dessus du bar montrait une magnifique créature à la peau blanche, et soudain il réalisa. Bien sûr, la révélation. En Russie, il ne l’avait pratiquement pas vu passer. Les gens n’y avaient pas vraiment cru. Aucun vampire n’avait fait de campagne, et l’état ne s’était pas prononcé sur le sujet, du coup, certains y croyaient d’autres pas, mais aux Etats-Unis on avait accordé la civilité aux vampires et on cherchait un vaccin contre la lycanthropie. C’était pour cela qu’on l’observait ainsi, ils étaient en train de se demander s’il était un vampire. Ignorant ces regards il s’assit à une table et commanda le plat du jour. Un nouveau continent, un nouveau corps, une nouvelle vie, rien ne pouvait gâcher cela. Tout était possible désormais, et il espérait pouvoir à présent faire le bien ou plutôt ne plus faire le mal. Les vampires étaient partout ici, il faudrait qu’il se montre méfiant, mais il espérait que l’on n’apprendra pas qui il était. Ce qu’il avait réalisé pour Vassily, avec Vassily, aucun nécromant ne l’avait encore fait, il avait été si loin dans la magie noire, et ce potentiel, ce pouvoir, était encore là, quelque part en lui. S’il était inquiet qu’on cherche à le posséder, à l’utiliser, oui, mais il espérait que la loi le protègerait, et qu’ici il resterait un inconnu.


Orphelin, il n’a jamais connu ses parents. Sa mère était issue d’une bonne famille anglaise, alors que son père était un roumain immigré. Si leur mariage fut d’amour, la maladie les emporta tous les deux. Ce fut le grand-père maternel de Valentin qui le recueillit à la mort de ses parents. Mais sa haine envers son beau fils se transposa sur son petit fils. Il le maltraita, le battant, en lui répétant qu’il était mauvais, qu’il avait tué sa fille. Dès qu’il pu s’en débarrasser, il le fit. Valentin fut ensuite retrouvé par sa grand-mère paternelle, qui l’éleva au sein d’un campement de gens du voyage. Elle lui enseigna les traditions et la magie des roumains. Elle lui apprit aussi à s’ouvrir au monde des esprits comme à s’en protéger. Il l’aimait beaucoup. Mais lorsque son grand père vint à mourir et qu’il hérita de tout, elle le persuada d’aller chercher son héritage. Il ne l’a jamais revu par la suite mais lui envoya une belle somme. Valentin a toujours regretté de ne pas l’avoir accompagné jusqu’au bout.