Quelque part en Angleterre, il y a 6 ans.
Les Johnson étaient un couple qui en apparence était tout ce qu'il y avait de plus normal. Ils vivaient plutôt aisément, étaient mariés depuis 18 années et s'aimaient encore comme au premier jour. De leur passion était née 16 ans plus tôt, au moins d'octobre, une petite fille, belle comme une fleur, extravertie et joyeuse, puis 3 ans après leur première enfant, au beau milieu du mois de juin, naquît une autre fille, tout aussi remarquable, curieuse de tout, délicate et toujours souriante. C'était une magnifique famille très unie qui passait à travers les hauts et les bas de la vie avec grâce, fierté et humour.
Puis vint la Grande Révélation. La nouvelle de l'existence de créatures surnaturelles fit rapidement le tour du monde, des phénomènes fantastiques et inexpliqués trouvèrent bientôt des justifications, des fanatiques de la magie jubilaient, ceux qui avaient passé leur vie à se cacher pouvaient enfin sortir de l'ombre. En bref, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et tandis que les vampires, sorciers et autres non humains s'exhibaient aux yeux de tous, une vraie vague de folie embrasait la Terre entière.
La petite famille d'Angleterre suivait sagement les informations, sans se mêler à l'excitation générale. Mais cet événement qu'ils essayaient d'ignorer, eu un peu plus tard, un sombre et fatal impacte. Car si aux premiers abords, ils avaient tous l'air de simples et innocents humains, la réalité était tout autre. De père en filles, tous étaient métamorphes. Et alors qu'autour d'eux, leurs amis qu'ils croyaient depuis toujours être des personnes "normales" se révélaient être des créatures assoiffées de sang ou des apprentis sorciers, les Johnson avaient choisit pour leur propre tranquillité, et aussi par sûreté, de taire leur véritable nature au reste du monde.
Et ils avaient bien fait ! Car peu de temps après l'euphorie de la Grande Révélation, les informations leurs apprirent les évènements de l'attentat du Croquemitaine, quelque part en Amérique, dont les victimes étaient pour la plus part des vampires. Et comme une avalanche, s'en suivit une foultitude d'autres actes sanglants, organisés ou non, justifiés ou insensés. La Terre entière semblait avoir été prise d'une effroyable folie.
Malgré tout, la famille anglaise continuait à vivre en paix, comme ils l'avaient toujours fait. Evitant comme ils le pouvaient les problèmes, coupant les ponts avec des connaissances devenues trop dangereuses, un peu plus seuls qu'avant, mais toujours aussi unis et heureux… C'était sans compter ce que fit la plus jeune des filles…
Un an après la Grande Révélation, âgée alors de 14 ans, poussée par le besoin d'appartenance, de reconnaissance ou simplement l'envie de surprendre et d'impressionner, peut-être aussi parce que le secret était trop lourd, quoi qu'il en soit, malgré le fait qu'on lui avait fait promettre de ne rien dire à personne sur ses métamorphoses, la fille de juin avait eu la funeste idée de confier son secret à sa meilleure amie. Grand mal lui en prit, car malgré les maintes promesses que la jeune amie lui avait faites de se taire, en apprenant la nouvelle elle prit peur et prévint immédiatement ses parents. Ceux-ci, membre de la paroisse, prenant toute personne "non conforme" comme être du Diable, ne tardèrent pas à débarquer avec d'autres fidèles à la maison des Johnson, afin "d'éradiquer comme il le fallait les enfants de Satan". Il fut d'une simplicité enfantine d'attendre la tombée du soir et de mettre le feu à la petite maison de campagne des métamorphes avant de prendre la fuite. Mais il fut bien moins aisé pour la famille d'en sortir. Le père et les deux filles se sauvèrent de justesse, avec plus ou moins de brûlures, mais l'on entendit encore longtemps dans la nuit, les cris et les pleurs des jeunes filles auxquels ceux de leur mère au milieu du vacarme des flammes répondait, puis comme le feu, dans de déchirants hurlements, fini par s'éteindre.

Pendant les deux longues années qui suivirent, les Johnson parcoururent l'Angleterre avec sur eux, tout l'argent qu'ils avaient récupéré des comptes en banques. Ne payant plus qu'en liquide, essayant de se faire le plus discret possible, logeant dans les hôtels, restant le moins de temps possible dans les villes, fuyant les formulaires à remplir et s'il fallait vraiment apposer un nom sur quelque feuille que ce soit, on s'appelait Black, ou Smith, car les Johnson avaient été décrétés morts. Tués par un "feu accidentel" comme l'avaient dit les journaux. Personne n'avait jamais sut que seule la mère avait péri.
Mais même si elle avait survécu, la famille anglaise n'était plus la même. La seconde fille qui avait maintenant 16 ans était consumée par la culpabilité tandis que l'ainée de 18 ans avait renfermée en elle tout son malheur pour soutenir sa sœur, qu'elle aimait plus que tout et leurs liens se resserrairent encore d'avantage lorsqu'au fil du temps, leurs père se mit à noyer son indescriptible chagrin dans l'alcool.
La plus grande des filles, celle d'octobre, aurait voulut s'enfuir avec sa sœur, le plus loin possible, dès la mort de leur mère, mais elle ne voulait pas abandonner leur père et lui refusait de quitter le pays. Alors elles étaient restées, fuyant perpétuellement, jusqu'au second évènement qui changea à nouveau le sens de leurs vies.

C'était à la fin de la deuxième année, en 2011, alors que la famille occupait un hôtel modeste dans une petite ville du sud de l'Ecosse. Les deux sœurs dormaient déjà, alors que M. Johnson était allé dans un bar du village. Quand soudain, un bruit de verre cassé et une lumière aveuglante avait réveillée les deux jeunes femmes en sursaut. A l'entrée de la chambre se tenait leur père, ivre, une bouteille brisée à la main, s'appuyant au battant, l'air fou. Il semblait avoir totalement perdu l'esprit, tournait sa tête de tous les côtés, jusqu'à ce que ces yeux gonflés de sang et ternis par des années de buveries s'arrêtent brusquement sur la plus jeune des sœurs. Pendant quelques secondes, on aurait cru que le temps s'était arrêté. Puis comme s'il devait rattraper le temps qu'il avait perdu, tout s'était enchainé à la vitesse de l'éclaire. Le père avait bondi sur sa plus jeune fille, l'écrasant de tout son poids sur le lit, tenant d'une main sa gorge, de l'autre sa bouteille. Pendant ce temps, l'ainée recroquevillée sur le lit était resté figée, pétrifiée, incapable de faire quoi que ce soit face à ce qu'elle voyait mais n'arrivait pas à croire. Elle pensait être dans un cauchemar, mais c'était bien réel et se furent les cris étouffés de sa jeune sœur entrain de perdre son souffle qui la firent réagir. Aussitôt, elle bondit de son lit. Au même instant, le père se souvint qu'il avait dans sa main quelque chose de bien plus pratique pour assouvir sa colère et pour mettre fin à la vie de celle qui lui avait, d'une certaine manière, enlevée sa femme. Alors il leva dans les airs sa bouteille aux bords tranchants et au moment où il allait l'abattre sur la gorge de sa propre enfant, une masse lourde tomba sur son crâne et il s'affala sur le sol. Au dessus de son corps se tenait la fille d'octobre, un extincteur entre ses frêles mains. Quand elle vit que son père respirait encore, pleine de peur et de colère, une incroyable force la poussa à frapper, et frapper encore. Le sang glissait entre les lames du parquet, les pleurs de la plus jeune des filles résonnaient en alternance avec les bruits d'os qui se brisait et bientôt, il n'y avait plus grand chose à casser... Finalement, l'ainée ne put s'arrêter que quand sa sœur sortie de son état de choc la tira de toutes ses forces loin du corps au visage méconnaissable de ce qui avait été leur adorable père il y avait des ça des années plus tôt…

Après, les deux sœurs avaient rapidement ramassé l'argent, avaient difficilement trainé le corps dans la forêt avant de l'immoler puis elles étaient parties, comme elles avaient toujours voulut le faire.
Grâce à une échappée illégale sur un bateau de commerce, les deux orphelines avaient pris le large pour le pays qui avait depuis toujours été terre d'accueil : l'Amérique. Une fois arrivées là bas, il avait été facile avec l'argent qu'elles avaient précieusement gardé de changer de nom et de faire le nécessaire pour pouvoir accéder à une nouvelle vie. C'est ainsi qu'en 2012, June et Edwige Bërry s'étaient par hasard retrouvées à emménager à Shreveport, ignorant la plus part des horreurs qu'il s'y étaient passés. Elles ont rapidement prit connaissance de toutes les histoires de la ville, pourtant, convaincues que n'importe où dans le monde, la vie ne doit pas être meilleure et ayant trouvé un emploi et un logement, les deux nouvelles habitantes ont décidé de rester. Cette fois-ci, elles se sont promises de cacher leur vraie nature et de rester aussi discrète que possible et se tenant à l'écart de ce qui ne concerne pas la vie "normale". Toutes deux veulent oublier les malheurs de leur passé et se construire une nouvelle vie sur cette Terre, aussi pourrit soit elle au fond. Mais qui sait ce que l'avenir leur réserve ? Et après tout, tout le monde sait qu'on ne peut pas oublier son passé et quand le sort à trouver des poupées avec lesquels il s'amuse, elles restent pour toujours ses jouets favoris…