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 Cinead O’ Súilleabháin [Fiche terminée]

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MessageSujet: Cinead O’ Súilleabháin [Fiche terminée]   Cinead O’ Súilleabháin [Fiche terminée] Icon_minitime18/5/2013, 22:28


Cinead Ó Súilleabháin
Feat MICHAEL PITT


PRELUDE

DATE & LIEU DE NAISSANCE Printemps 1577, Dunmore East, Irlande. ORIGINES La Marnée Noire CAMP Celui du Maître de la Ville. NOM DU SIRE Mikail Fredriksen DATE DE L'ETREINTE 1600 STATUT Caïnite DISCIPLINE Thaumaturgie, Branche du Sang. ETAT CIVIL Célibataire LIEU D'HABITATION Un night-club nommé The Fang-Tomb dans Stoner Hill. METIER Exécuteur, bras droit du Maître de la ville et Chef de la garde du Maître de la ville. CLASSE SOCIALE Aisée ETIQUETTE Au Japon il existe une caste que l‘on appelle les burakumin. Il s‘agit d‘une des communautés les plus marginalisées dans le pays du soleil levant, même si la situation semble s‘être améliorée depuis la fin du XIXème siècle. Les burakumin sont à l‘origine des hommes et des femmes occupant les fonctions que personnes ne veut exercer, toutes les professions liés au sang et à la mort. On retrouve les tanneurs, les bouchers, mais aussi les croquemorts et les bourreaux… Ils sont rejetés, vivent entre eux, mais leur savoir faire en font des membres indispensables pour la survie et la pérennité de toute société.
Si une telle transposition était possible dans le monde de la nuit, je serais un burakumin. Depuis 1850 des vampires puissants ont pu me voir en action. Ils savent que je suis discret, sans pitié et professionnel ; on me sait extrêmement adaptable, capable de passer de l’espionnage à l’exécution au moindre claquement de doigt. Cependant, ce qu‘un nombre important de mes congénères, mais aussi ce que certains autres CESS peuvent savoir dans une plus large mesure est ma difficulté à être un bon vampire. J‘ai passé les deux derniers siècles à tenter de maîtriser ma Soif, et cela ne fait que depuis une centaine d‘année que je parviens à faire entendre raison à ma Bête. J‘ai donc la réputation d‘être un immortel inconstant, pouvant basculer de la bonhommie confraternelle à la plus obséquieuse patibularité fratricide.
Par exemple beaucoup savent, par les rumeurs colportées dans le monde de la nuit, que j’ai jadis arraché la langue d’un humain ayant eu des paroles peu amènes à l’encontre de Mikail. Evidemment, le fait que ce mortel se trouva être le marqué d’un vampire bien plus respecté que moi ne joua pas en ma faveur. Mais je suis l’un des meilleurs dans mon domaine, ce qui doit en faire enrager plus d‘un ; surtout lorsqu‘ils sont forcés de faire appel à mes services de thaumaturge.

INTRODUCTION AU GENRE

Traits de caractères Tout d‘abord, je suis quelqu’un de patient. Je ne bouge que lorsque c’est nécessaire et ne parle que pour répondre aux questions de mon Sire. C’est une habitude que j’ai acquise en fréquentant Mikail ; et que je ne retrouve malheureusement pas forcément chez les plus jeunes vampires, pas même chez ma propre Infant. Cependant, comme pas mal d’immortels ayant quelques années au compteur, si je suis scrupuleusement respectueux des lois vampiriques et des ordres de mon Sire ou du Conseil, j’aime cultiver une certaine indépendance d’esprit. Je suis aussi extrêmement curieux de ce qui m’entoure, une particularité que Mikail m’a poussé à développer afin d’être en phase avec les époques. Cependant, sous le masque du vampire austère et ténébreux se cache autre chose.
Si en société je peux presque passer pour quelqu’un d’avenant, j’arbore un tout autre visage lorsque j’enfile ma tenue d’exécuteur pour extraire l’information que peut conserver un CESS peu loquace. Aux jours d’aujourd’hui, la torture est une échappatoire où je peux relâcher la pression et libérer mes émotions.
Occupation nocturne En premier lieu il y a la chasse. Je suis un vampire qui a besoin d’une quantité de sang importante chaque nuit. Cela tient à la pression qu’exerce la Soif sur moi depuis toujours. Cependant, même si je réussi désormais à m’arracher à temps de la gorge de mes victimes, les litres qu’il me faut sont toujours aussi important.
Mais la chasse à l’homme n’est pas uniquement ma première passion, celle des CESS a le mérite de bien mieux me stimuler ; à tel point que j’en ai fait ma fonction première, au service exclusif de Mikail.
Mon Sire m’a apporté beaucoup de choses, notamment un profond goût pour la connaissance. Comme de nombreux esprits du XVIIème siècle je suis un polymathe. A ce titre je possède un vaste savoir sur un grand nombre de sujets différents, héritage de recherches effectuées durant mon éternité qui se poursuivent encore maintenant, dès que j‘en ai le temps.
Ce savoir est loin d‘être inutile, surtout lorsqu‘il fait appel à des connaissances médicales de base pour perfectionner mon art de la torture, l‘une de mes occupations favorites.
Manies, habitudes & goûts Car pour moi la torture relève de l’art plus que la simple connaissance en médecine. Ayant toujours eu le goût du voyage, j’ai pu ainsi observer les formes les plus diverses de cette technique délicate, trop souvent ignorée à cette époque.
Je suis un amoureux du savoir. Je ne connais pas toutes les réponses aux questions que se posent l’humanité depuis l’Antiquité, loin de là. Je dispose juste d’une base de connaissances extrêmement large et générale. Il est rare que je me penche sur une matière dont je sais qu’elle ne m’apportera rien. En l’occurrence, je suis tout sauf un amateur des jeux de pouvoirs dont le Conseil est friand, pourtant j’ai lu Machiavel, Hobbes, Montesquieu ou encore Habermas, ne serait-ce que pour survivre au milieu des intrigues et seconder au mieux Mikail.
Récemment je me suis découvert un goût pour les motos et la mécanique.
Je suis également fumeur.
Discipline Comme tous mes congénères vampires je peux facilement plier une pièce de monnaie entre mon pouce et mon index. Notre capacité à moduler notre vitesse de déplacement m’a toujours fasciné, qui n’a jamais rêvé de rattraper un guépard en pleine course ? Cependant, je trouve que les sens de notre espèce sont souvent mis à rude épreuve, avant les villes puaient à cause des cadavres abandonnés dans les rues et des pots de chambre que l’on vidaient dans la rue ; aujourd’hui l’odeur de l’infecte engeance moderne à remplacée celle du pourrissement des cadavres. On ne peut pas vivre dans une grande ville sans attraper une migraine de tout les diables.
A l’instar de certains vampires je possède le don de lire les pensées des mortels, mais aussi dans celles de mes frères de la nuit. Quoi que concernant ces derniers, cela se limite aux vampires de moins d’un siècle et ne me permet de ressentir qu’un sentiment ou une impression.
En revanche, je suis un véritable maître dans l’art de l’hypnose, une capacité que j’ai rentabilisé ces dernières années.
Mais ce qui me caractérise en tant que vampire est ma maîtrise de la Branche du Sang, domaine réservé de la Thaumaturgie. Cependant, comme beaucoup d’humains qui sont partagés entre l’Ange et le Démon, mon don de thaumaturge va de paire avec le réveil de la Bête. Plus l’utilisation de mon pouvoir requiert de sang plus elle s’empare de moi.
Le Goût du Sang me permet, en portant quelques goutes de cette substance merveilleuse à mes lèvres, de deviner s’il s’agit d’un mortel ou d’un être surnaturel. Je peux déterminer avec précision combien de vitae est encore dans son organisme ainsi que l’énergie dont il dispose. Si c’est un vampire, je peux également savoir à quand remonte son dernier repas, son degré de puissance avec une certaine exactitude et si cet immortel a commis une diablerie. J’ai une maîtrise parfaite de cette caractéristique, elle dérange à peine la Bête.
La Rage sanguinaire, en revanche, lui fait ouvrir un œil. Avec ce pouvoir, je peux obliger un vampire sur lequel je pose la main à gaspiller sa vitae. Je maîtrise très bien ce pouvoir.
En revanche, la Puissance du sang -si je la maitrise correctement- commence à entamer sérieusement mes réserves d’énergie et de contrôle. Ainsi je peux augmenter artificiellement ma génération sur une période de quelques minutes, mais une partie de mon esprit est ailleurs, occupé à lutter contre la Bête et la Soif.
Cette pression est d’autant plus élevé avec le Vol de vitae, que je maîtrise de façon incertaine. Cette caractéristique me permet d’un simple contact du regard d’aspirer la vitae de n’importe qui. Cependant, à ce stade la Bête commence à devenir déchainée et la Soif me met au supplice.
Enfin, je ne dispose pas encore du Chaudron de sang.
Convictions Contrairement à ce que pense la plupart de mes congénères, qui me prennent pour un nouveau-né déchainé et sans humanité, j’ai des valeurs que je défends.
En effet, si j’exècre toute forme de religion au point d‘envisager d‘égorger le premier curé venu (ceux-ci me le rendent bien en m'empêchant d'entrer sur leurs lieux de culte), j’ai une véritable foi en La lignée. J’embrasse le sol que foulent Mikail et Dillon. J’éprouve aussi le sentiment d’être celui qui doit prendre soin de l’Essaim dans son ensemble, celui qui doit prévoir les rondes de sécurité, encadrer le recrutement des gardes et lister les saufs conduits en cas de pépin.
J’éprouve une sincère pitié pour la pauvre créature qui voudrait faire du mal aux gens qui me sont proches et qui ne songerait pas d’abord à me condamner à la Mort Ultime. Car celui qui fomenterait un tel complot -qu’il siège au Conseil ou qu’il soit simple nouveau-né- n’aurait pas fini de courir afin d’échapper à la Bête que je lancerais après lui.
Des croyances stupides m’ont privé de ma mère. Des chasseurs avides de sang ont éliminé l’un de mes sires. J’ai par le fait même une haine que je nourris envers certaines personnes.
Enfin, si j’applique les décisions du Conseil, je ne peux parfois m’empêcher de me demander quel sont leurs motivations. En premier lieu : la Révélation. J’ai connu l’époque où la Mascarade était moins un ensemble de règles qu’une véritable condition de survie, du jour au lendemain j’ai eu l’impression que les vampires avaient oublié cela. Qu’est-ce que cela voudrait donc signifier pour tous ceux qui ont eu à subir les conséquences d’un viol de la Mascarade ? Qu’est-ce que cela signifie pour tous ceux qui ont œuvré pour son maintien ?
Cependant, je crois en l’obéissance et le savoir vivre, je garde donc ce genre de remarques pour moi.
Signes particuliers J’ai conservé l’apparence du jeune homme de 22 ans que j’étais. Un jouvenceau aux cheveux blonds mi-longs et aux yeux bleus étrangement fixes. Ma peau blanche est dépourvue de la moindre cicatrice ou du moindre tatouage.

VIDEODROME

PERSONNAGE INVENTE, SCENARIO OU PV? Scénario. PSEUDONYME Cinead O’ Súilleabháin. DERRIERE L'ECRAN Je suis Obi Wan Kenobi. CODE DU REGLEMENT Et bien, il ne manque plus que le thème musical de Dracula, prince des ténèbres, et je crois qu'on pourra commencer. COMMENT NOUS AVEZ VOUS DECOUVERT? Christopher Lee m'a filé l’adresse du forum après m'avoir étreint. AVIS GENERAL SUR LE FORUM Il sent bon. AVATAR UTILISE Michael Pitt photographié par Hedi Slimane.


Dernière édition par Cinead Ó Súilleabháin le 13/6/2014, 00:18, édité 10 fois
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MessageSujet: Re: Cinead O’ Súilleabháin [Fiche terminée]   Cinead O’ Súilleabháin [Fiche terminée] Icon_minitime18/5/2013, 22:29


Histoires Incroyables



  « Y a-t-il une vie avant la mort ? » Seamus Heany.

  Ma vie a commencé en Irlande dans la seconde moitié du XVIème siècle. Dunmore East n’était à l’époque qu’une poussière sur le Comté de Waterford ; un hameau habité par des pêcheurs et des paysans. C’était une terre paisible que les normands avaient toujours ignoré et que les Cromwell n’avaient pas encore fait saigner.
  Les conditions de vie étaient évidemment bien plus pénibles que celles que l’on connait aujourd’hui, mais nous bénéficions d’un hivers doux et d’un été frais. Les gens de Dunmore restaient simples, si la plupart étaient de fervent croyants, tous restaient assez pragmatiques pour se consacrer pleinement à la terre ou à la mer, au lieu de se complaire à louer les faveurs de quelque idole capricieuse pour que les ventres soient bien remplis.
  Je me souviendrais toujours de mon père comme étant une force de la nature, une masse imposante de muscles et d’os qu’il devait à un passé d’apprenti forgeron. Mais les gens qui sont prêts à payer pour leurs chevaux ou pour manier une lame n’étaient pas nombreux à Dunmore. La forge avait fermé avant même qu’il puisse achever sa formation, alors il s’en était retourné à la pêche, un moyen de survie qu’exploitait déjà mon grand père. Son fils, Cesair O’ Súilleabháin, s’en était plutôt bien sorti pour un simple pêcheur. Il possédait trois barques à fond plat et deux équipes de cinq hommes chacune qui écumaient les côtes dès les premières lueurs du jour.
  Ma mère s’appelait Macha. Elle ne quittait pas l’acre de terre que nous possédions pendant que notre père partait au large. Elle était d’une douceur qui en devenait étonnante lorsqu’elle se tenait au côté de son mari, un homme si buriné. Sa peau était blanche comme le lait, ses cheveux lui tombaient sur les épaules en une pluie rousse. Quant à ses yeux, ils reflétaient à la perfection la teinte émeraude de la mer d’Irlande. Elle s’occupait de moi, de mes deux frères cadets Aodh et Dagan ainsi que de mes trois sœurs Eanna, Flaith et Seena.
  Notre mère avait un don. A l’époque l’existence des médiums et autres sorciers m’était complètement inconnu, même si la société rurale dans laquelle nous vivions était influencée par les superstitions d’anciens cultes celtes mélangés à cette nouvelle foi du Dieu unique qui s’était rependue en Irlande depuis le passage de Saint Patrick. Pour moi ma mère savait parler à la terre, elle entretenait avec un lien aussi mystique qu’inexpliqué. Elle savait tirer profit d’une glaise durcie par le gèle ou asséchée par le soleil.
  Mais Macha O’ Súilleabháin ne soignait pas que la terre, elle savait également réparer les corps et apaiser les esprits. Les propriétés curatives de ses onguents étaient reconnus dans tout Dunmore. Aussi patibulaire que pouvait être son mari, Macha allait vers les gens et les gens allaient vers elle. Infections, plaies ouvertes, fièvres inexpliquées… Tous ces petits désagréments que l’on traite aujourd’hui en gobant une pilule avant de se coucher avaient souvent raison d’une vie autrefois. Pour nous tout ça était normal, il s’agissait d’une entraide, nécessaire à la survie d’une petite communauté paysanne. Les voisins étaient tous reconnaissant à notre mère de ce qu’elle faisait, mais sans pourtant embrasser le sol qu’elle foulait. Et c’était tout à fait normal. De même que mon père mettait son don de la pêche à la disposition du village, soit en bradant le surplus de ses prises ou en adaptant les prix, ma mère servait l’intérêt général. Encore aujourd’hui, je crois vraiment que cette solidarité reposait sur une confiance mutuelle, exempte de tout profit.
  Mais que se passe-t-il lorsque la franche camaraderie se mue en une haine farouche ?

  « Méfie-toi de l’homme dont le Dieu est dans les cieux » Georges Bernard Shaw.

  Depuis près d’un siècle l’Angleterre avait entrepris de consolider son influence sur l’ile d’Irlande. Les vikings s’y étaient enfin assimilés et le Roi Bruce était mort depuis longtemps. Se limitant d’abord à la partie Ouest, l’Angleterre ne reconquit pas l’Irlande au sens militaire du terme. Elle utilisa deux éléments aussi utiles qu’une armée face à un peuple incertain et sans chef : la peur et la religion.
  Les irlandais étaient des catholiques depuis le VIIème siècle, l’Angleterre entretenait cependant une église bien à elle. La Réforme et la folie des Tudor étaient passées par là et déjà, la Papauté pouvait sentir de la part des rois d’Angleterre une indépendance teinté de véhémence.
  L’Eglise d’Angleterre était déjà installée en Irlande depuis quelques temps déjà, de même qu’en Ecosse. Cependant le terreau irlandais ne se montra pas aussi fécond, le catholicisme romain basé sur l’ancien sacerdoce celtique avait donc continué d’exister. Jusqu’à ce que le vent tourne.
  On m’avait parlé d’un homme d‘Angleterre qui avait voulu remettre en cause les principes de l’Eglise Catholique romaine, son hérésie l’avait mené au ban de la société. Mais, comme les flammes qui consumèrent ses ouvrages, sa pensée se propagea. Un flambeau dont se saisi un allemand, puis un français. Evidemment, à l’époque le monde paysan irlandais n’avait jamais entendu parlé de Wyclif ou Jan Hus. Cependant Luther et Calvin firent assez de bruit pour que même un simple village de pêcheurs soit pris dans le vent du protestantisme…
  Malgré des tensions autrement plus politiques entre la France et l’Angleterre ces idées religieuses traversaient la mer.
  Dans son ensemble l’Irlande regardait mollement les seigneurs féodaux se disputer son trône et ourdir des complots plus mesquins les uns que les autres contre les rois d’Angleterre. Le peuple quant à lui, heureux d’être ignoré, labourait les champs et tirait les filets.
  En tant que fils ainé j’avais suivis mon père sur son bateau dès mon plus jeune âge. Les mains sèches, le visage abimé par les embruns, j’avais tout du pêcheur et du marin. Dans quelques années il me laisserait sa barque et je reprendrais son affaire. Mes rares moments de libre, je les passais dans le champ des Clare, avec leur fille... Je lui avais promis de l’épouser dès que j’aurais mon propre bateau.
  C’est alors qu’un étrange personnage fit son apparition dans nos vies. Il était habillé de noir, comme notre prêtre. Il disait s’appeler le Père Conway, il était venu pour nous sauver. Les autorités anglaises, avec l’aide du Comté de Waterford l’avaient envoyé jusqu’ici pour distiller la vraie foi.
  La première semaine il ne se passa pas grand-chose. Le Père Conway arpenta Dunmore, frappant aux portes, ne demandant qu’un peu de temps pour nous parler. Cependant, affaibli par son voyage et un mauvais repas il passa la seconde alité dans la chambre que lui avait prêté l’abbé. Ce dernier vint nous chercher trois jours plus tard, demandant l’aide de ma mère. Le Père Conway était pris de frissons bien qu’il suait à grosses gouttes et il rendait tout ce qu’il avalait.
  Ma mère l’aida de bon cœur, comme elle avait aidé le reste des villageois. Le lendemain le Père Conway était debout, prêt à recommencer sa marche et à discuter. Mais il se garda bien de quitter l’Eglise. Il y resta quatre jours. Ma mère alla même jusqu’à s’inquiéter de son état auprès du clerc, un moine lui répondit simplement que le Père Conway ne désirait voir personne.
  Quelques jours plus tard deux coups sourds ébranlèrent notre porte. Le troisième la fit sauter de ses gonds. Je voulu me relever, mais un choc violent dans l’estomac me cloua au lit. Quatre hommes avaient pénétré dans notre maison ; des gardes du Comte de Waterford. J’en vis un trainer ma mère par les cheveux jusqu’à l’extérieur, tandis qu’un de ses collègues nous informait des motifs de son arrestation : sorcellerie sur la personne d’un membre de la très sainte Eglise d’Angleterre. C’est ainsi que le Père Conway avait tenu à nous remercier, en utilisant une bonne âme.
  Mon père avait beau être une masse, il ne fit pas le poids face aux hommes du Comte. C’est plié en deux sur le perron qu’il regarda ma mère s’éloigner dans une carriole ferrée.
  Un nombre impressionnant de notables de la région s’étaient déplacés au procès, tenu à huis clos dans l‘église. Le Comte était absent, mais son cousin le représentait, et présidait l’assemblée, il y avait quelques légistes parmi elle mais une majorité de clerc la dominait.
  Tout Dunmore s’était rassemblé devant l’immense bûcher dressé sur le parvis. Cette foule n’était pas curieuse de cet événement singulier. Dunmore n’avait pas la passion morbide des exécutions publiques qui s’emparaient des plus grandes villes. Ses habitants étaient simples, mais ils comprenaient que ce n’était pas de sorcellerie dont il était question, mais de religion et de politique. Les temps changeaient. L’Irlande devrait bientôt choisir quel serait son camp dans une Europe où le protestantisme mettrait le feu à ce qui serait la Guerre de Trente Ans.
  Quand ma mère parut enfin aux portes de l’église, encadrée par ses juges, je sentis mon frère tressaillir. Aodh était le seul à m’avoir accompagné. Notre père ne dessoulait plus depuis l’arrestation. Les autres, quant à eux, essayaient de réconforter Senna qui s’était muré dans le silence après avoir déversée toutes les larmes de son corps.
  Quand elle monta sur le tas de bois et de foin, ma mère ne dit rien. Elle ne maudit pas l’assistance présente à ses pieds, pas plus qu’elle ne supplia ses juges de l’épargné. Elle se montra bien plus digne que d’autres femmes que je serais appelé à voir brûler, bien plus tard. Son regard tomba sur nous, sans qu’elle n’ait eu à nous chercher. « Vivez. Vivez une bonne vie. » Ce furent les mots silencieux que ses lèvres ne cessèrent de former jusqu’à ce que la fumée émanant du foin ne soit trop épaisse pour que je puisse distinguer son visage. Le feu prit rapidement et gagna tout aussi vite le tronc sur lequel elle était ligotée. A part le craquement des buches je n’entendit aucun cri, aucune plainte, au milieu du brasier qui se forma. J’entendis juste Aodh pleurer.

  « Qui vous a desservi ne saurait vous le pardonner. » Proverbe irlandais.

  Encore aujourd’hui, cette période reste floue, perdu dans des images. Je peux parfaitement voir mon père, endormi sur le fauteuil posé sur le perron, le soleil levant projetant ses rayons sur les bouteilles vides gisant à ses pieds. Je me souviens de Senna, seule sur son lit, dodelinant de la tête sans rien dire, maigrissant de jour en jour. Je vois Aodh pris de convulsions, se balançant au bout d’une corde ; autour de l’échafaud la foule de Waterford célèbre à grand cris la mort de l‘assassin du cousin du Comte.
  Mais ce qui reste le plus vif à mon esprit n’est pas un souvenir, mais une émotion. Cette subtile douleur annonçant le passage de la simple tristesse à la plus noire des colères. C’est une sensation très étrange et difficile à discerner, mais lorsque l’on arrive à l’attraper entre ses doigts, elle se met alors à rayonner. Elle devient une énergie capable de faire surmonter le pire des traumatismes ; une force incontrôlable.
  Le vent de la mer soufflant sur mon visage ne me procurait plus aucun plaisir. Les barques pourrissaient doucement, amarrées au ponton devant la maison. Ma famille était irrémédiablement brisée.
  Cependant, une raison de vivre existait encore au fond de mon cœur, une petite flamme animant encore mon être. Vivre une bonne vie. Cet idée m’obsédait, au point de me détacher complètement du foyer qui me restait. Je ne comprenais pas le sens des dernières paroles de cette femme au milieu des flammes. Qu’est-ce qu’une bonne vie ? Selon quels critères ? Elle qui avait honorée la vie plus que quiconque, la mort lui avait ouvert les bras. Si ça n’avait pas été aussi absurde j’en aurais ri.
  D’accord, j’allais vivre une bonne vie… Mais au prix de quelques unes.
  Je ne me suis pas réveillé un matin en me disant « aujourd’hui je vais tuer un prêtre. » Mon but était avant tout de partir, d’en finir avec cette ville. Je m’en suis allé au petit matin avec l‘un de nos chevaux, sans rien à dire à personne. Mon but était de rejoindre New Ross puis ensuite Wicklow. Mais une violente averse me força à ralentir un peu avant New Ross.
  Le peu d’argent que j’avais pu économiser était déjà parti dans un repas, servis à un relais durant la journée. C’est donc trempé et fiévreux que je dus me résoudre à frapper à la porte d’une chapelle d’un village encore plus petit que Dunmore, dont le nom ne me revient plus. Un homme âgé d’une soixantaine d’année vint m’ouvrir. Il était curé depuis bien longtemps, je n’étais pas le premier voyageur qu’il hébergeait. Il me proposa de partager son maigre repas, sans rien me demander en échange. Nous avons donc soupé en silence, dans le prieuré, au milieu d’une impressionnante collection de calices en étain. Ceux-ci reposaient sur des étagères depuis tellement longtemps qu’une croute de poussière s’était même formée sur leurs rebords.
  J’étais sur le point d’avaler le reste de ma soupe à même le bol lorsque la croix irlandaise que je portais autour du cou tomba dedans. Je sentis alors les yeux de ce curé de campagne me fixer. Nous nous sommes alors regardé sans rien dire. La suite logique des choses devait amener cet homme à me dénoncer aux autorités compétentes. Mais les autorités compétentes, dans un tel coin du monde, elles s’apparentaient à une corde accrochée à la plus haute branche du village.
  C’est alors qu’il se leva brusquement, repoussant sa chaise derrière lui. Il essaya de me dire quelque chose que je ne saisis pas. A vrai dire je venais de plonger tout mon corps sur la droite, afin d’attraper la hachette rouillée qui reposait sur un tas de bois, à côté du poêle. Le mouvement ne me pris pas plus d’une seconde. Ce que me disait l’homme de foi se transforma finalement en une exclamation d’horreur lorsque l’outil le frappa au cou, juste au dessus de l’épaule. Sa tête se mit à former un angle étrange. Une autre seconde s’écoula, durant laquelle un lourd silence s‘abattit sur nous.
  Sans vraiment savoir ce que je faisais j’ai retiré la hachette de sa jugulaire. Le corps du curé sembla alors s’animer, comme si un fil invisible qui le retenait à la table venait d’être coupé. Il exécuta des mouvements grotesques avec ses bras tandis que son sang giclait de sa plaie jusqu’au plafond. Finalement, il s’effondra contre un mur, tentant de se rattraper à l’une des étagères. Il ne réussit qu’à faire tomber une dizaine de calices sur le sol, dans un tintamarre de tous les diables.
  M’approchant de lui, je l’ai regardé étendu par terre, quitter peu à peu notre monde. J’ai alors ramassé l’un des calices. Il était si petit qu’il pouvait tenir au creux de ma main. Au fond, un peu du sang avait coulé. Je ne sais si c’était la fièvre, l’adrénaline ou une folie passagère, quoi qu’il en soit je me suis rendu devant l’autel. Levant le calice face à la croix j’ai bu jusqu’à la dernière goutte ce liquide au gout métallique.
  Le lendemain j’étais de nouveau sur la route, les poches pleines de ce que les fidèles avaient versé dans le tronc de la chapelle. J’étais revêtu de la bure du curé, celui-ci, maintenant enterré sous une motte de bruyère, n’en aurait plus l’utilité.
  La pluie avait cessé, je souriais.

  « La mort est le commencement de l’immortalité. » Robespierre.

  Les jours se sont transformés en semaines, les semaines en mois et les mois en années.
  Mon premier meurtre était désormais bien loin derrière moi, comme le prouvait la petite bourse en cuir où je rangeais les trophées que je prenais à mes victimes : chapelets, bagues, boutons, dents en or... Depuis, je m’étais perfectionné, comme un couteau que l’on aiguise. Je m’étais construit un véritable personnage ; chanoine de son état, rattaché à la paroisse de Castlebar (à l’époque une poussière parfois inconnue des irlandais eux-mêmes).
  Le principal inconvénient lorsque l’on est un ancien pécheur dissimulé sous les traits d’un clerc réside dans le manque de culture, et plus précisément l’incapacité à lire. La première année fut la plus éprouvante : peu de victimes, beaucoup d’angoisse. J’ai passé un temps fou dans les églises, à écouter la messe, à écouter encore et encore les mêmes passages pour être sûr d’apprendre ces satanées lignes par cœur.
  Après, il a fallut trouver le bon phrasé, la bonne intonation, mais surtout le bon tempérament. Je ne pouvais plus me permettre de réagir comme l’enfant de Dunmore, au risque de finir bien vite au bout d’une corde. Car, même si l’on ne découvrait pas mes crimes, le simple fait d’arborer des vêtements saints pouvait valoir au laïc une extrême onction expéditive…
  Il m’a vraiment fallut attendre la deuxième, voire même la troisième année pour réussir à prendre goût à cette nouvelle vie. La crainte de se faire prendre à disparut peu à peu sous l’assurance de cacher mes traces. J’ai sillonné l’Irlande quelques temps, avant de prendre le bateau à Dublin pour la Cornouailles. En Angleterre, j’ai tout de même évité les grandes villes. Je frappais de préférence la nuit, optant pour le curé de campagne plutôt que pour l’évêque. J’ai également appris à changer mon accent, afin de passer un peu plus inaperçu dans ces contrées anglaises.
  Certes, à l’époque les gens mourraient vite (naturellement ou non). Mais les enquêtes étaient en revanche bien plus expéditives, surtout lorsque l’Autorité Suprême demandait un coupable. Comme j’étais certain que, tôt ou tard, on s’inquiéterait de ces disparitions successives, je créais des coupables. Mon coup préféré consistait à placer l’argent ou les quelques biens précieux que je pouvais récupérer chez mes victimes dans les affaires de quelque vagabond qui était arrivé dans le village en même temps que moi. Le reflexe de ces derniers était tellement prévisible : soit il allait dans la taverne la plus proche pour se saouler jusqu’au matin, soit ils entraient dans la première maison de tolérance venue. Il y avait toujours quelqu’un pour remarquer la grosse somme que pouvait transporter ce genre d’individu. Quand les malheureux montaient à l‘échafaud, j’étais déjà loin.
  L’Irlande avait vu mes premiers pas, déjà en Angleterre j’avançais plus sûrement. Mais c’est la France qui a vu mon aboutissement.
  Les raisons qui m’avaient poussé à quitter ces îles étaient diverses. En premier lieu, on commençait à s’interroger sur des disparitions d’hommes d’église inexpliquées, notamment celle d’un jeune séminariste, neveu de l’Evêque de Canterbury. La faute à pas de chance… De plus, les tensions religieuses devenaient de plus en plus forte entre les catholiques fidèles à Rome et l’Eglise anglicane, des tensions qui risquaient de dévoiler mon jeu. Enfin, je m’ennuyais. J’avais envie de chasser ailleurs, autre chose.
  J’avais de l’argent et  un esprit que je croyais affuté, j’ai donc mis le cap sur Paris dès l’instant où mon pied droit se posa sur Calais. J’ai profité de mon périple pour me familiariser avec la langue, mais il m’aurait fallut plus d’une année pour réussir à parler un français correct. Mes petits plaisirs nocturnes en furent nettement altérés.
  Paris n’était pas du tout la ville à laquelle je m’attendais. Les rois de France avaient recommencé à y résider mais le commerce sur la Seine avait repris trop tardivement après les dernières guerres. Les besoins des nouvelles populations d’immigrés provinciaux étouffaient cette ville déjà branlante et désordonnée, calfeutrée derrière des murailles éventrées. Les prémisses de la Renaissance s’étaient vite dissipés après le massacre de la Saint Barthélémy et la Journée des barricades. Paris était crasseuse, puante et dangereuse.
  Les gardes de la ville étaient dépassés de jour comme de nuit, ce n’était pas comme s’ils voulaient vraiment jouer leur rôle. Même si je ne parlais pas un traitre mot de leur langue, mes pièces d’argent et d’or plaidaient mieux ma cause auprès d’eux qu’un traducteur.
  Je pensais déjà à ma collection de trophées qui allaient bien vite s’agrandir.
  Et elle s’agrandit. J’ai traversé la France du nord jusqu’au sud, la quittant ensuite pour le duché de Savoie qui ne lui était pas encore rattaché. J’ai sillonné Gène avant d’arriver en Toscane, plus précisément aux environ de Luppa.
  J’avais entendu parlé d’un monastère franciscain. La majorité des moines avaient quitté l’édifice pour un pèlerinage, une dizaine d’hommes étaient cependant demeurés sur place. Le nombre m’obligeait à abandonner mes deux pistolets à pierre, récemment achetés auprès d’un marchand revenant de Tolède. J’en revenais donc à ma fidèle percemaille, qui ne me quittait plus depuis l’Angleterre. J’allais les clouer dans leurs lits comme des araignées exotiques sur les murs d’un cabinet de curiosité.
  Un massacre de moines et de prêtres sous le nez de la Papauté, comment y résister ? J’avais pisté, traqué et attendu, caché derrière un buisson depuis que la lune s‘était montrée. Mais qu’elle ne fût pas ma surprise en entrant dans le cloitre.
  Les corps gisaient à même le sol, comme des pantins désarticulés. A la lueur des bougies j’aperçus deux silhouettes penchées sur un moine agonisant. Je ne les avais pas vu arriver, je n’avais rien entendu.
  L’une des ombres se releva prestement, avec une grâce que j’avais rarement vu chez les assassins de bas étage que l’on pouvait côtoyer dans de sombres coupe-gorges. C’était un homme richement vêtu. Il avait le cheveux noir et un regard de braise, en me voyant il se contenta de sortir un mouchoir en soie et d‘essuyer quelque chose au coin de ses lèvres.
  J’avais été coiffé au poteau, pour un bref instant on m’avait renvoyé à cette lointaine soirée pluvieuse, au prête à la gorge à moitié tranchée par la hache.
  Je ne savais pas ce que cet individu comptait me faire lorsqu’il se rapprocha de moi à grandes enjambées décidées, je me suis alors rappelé du percemaille, dissimulé dans les plis de mon vêtement. Il allait poser sa main sur mon épaule lorsque je lui ait enfoncé cette tige de métal d’un pied de long dans le ventre. « Ils étaient à moi » me souviens-je lui avoir dit, très calme en apparence.
  C’était exactement ça, deux loups et un chien errant se disputant un troupeau de mouton. L’issue était pour moi incertaine, je n’imaginais pas encore à quel point.
  L’homme que je venais de poignarder me sourit de toutes ses dents, des dents pointues et rouges de sang. Alors il fit un pas en arrière, retira la dague de son estomac et la plia en deux entre ses doigts. Je vis alors que la seconde silhouette avait disparut de mon champ de vision. C’est alors que sans que je la visse s‘approcher, elle me souffla dans le cou. J’ai bondi d’un mètre, me retrouvant devant la porte donnant sur l’extérieur.
  C’était une femme, au teint aussi pâle que son comparse. Elle portait une robe légère en lin qui épousait parfaitement ses formes. Sa peau faisait d’avantage ressortir ses yeux bleus et ses cheveux blonds, couleur des blés. Bien que tous deux en aient l’air, j’étais persuadé que ces créatures n’étaient pas humaines.
  Il existait une issue, une chance d’échapper à ces choses qui se gaussaient de l’inégalité des forces qui m’accablait. J’avoue avoir regardé en arrière, un bref instant. La lumière de la lune, les champs, la survie.
  Pourtant je ne me suis pas enfui. J’ai laissé tomber le chapeau et la bure, retirant une lame que je gardais toujours dans ma manche, par sécurité. C’était un tucks anglais, une tige fine et triangulaire ; le genre de chose capable de cause un carnage entre des mains expertes. J’ai renvoyé son sourire à l’homme qui m’enlèverait prochainement la vie. Celui-ci ne souriait plus du tout, même si dans ses yeux perçait une impression étrange ?
  Je me suis jeté en avant, sûr de l’enchainement que j’avais préparé. Lui se transforma en un bouillard de couleurs et de formes indistinctes. Un brouillard flou et finalement le noir complet. J’avais perdu connaissance.
  Je me souviens avoir été trainé sur le sol, puis hissé dans une carriole branlante. Une douleur lancinante me traversait l’épaule, celle-ci avait dû être luxée. J’aurais probablement gémi si ma mâchoire déboitée me l’avait permis. A en juger par les difficultés que j’éprouvais à chaque inspiration je devais également avoir une ou deux côtes cassées. Je n’avais rien vu venir.
  Je ne savais pas où l’on m’emmenait.
  Par la suite la douleur me fit délirer. Je me souviens d’un plafond parcouru de voutes, très certainement un ancien édifice religieux, peut-être un couvent. Il y avait des ombres autour de moi, des silhouettes indistinctes. Ca parlait français, peut-être l’italien, il y avait aussi de l’allemand.
  Quelqu’un doté d’une force herculéenne me souleva alors par le col. Je dus batailler ferme pour parvenir à entrouvrir un œil. Je vis alors le visage de la femme blonde, toujours aussi souriante que tout à l‘heure. J’ai tenté de lui lancer quelque pique bien sentie, mais ma bouche avait cessé depuis longtemps de m’obéir. Je me résolus donc à lui cracher au visage, en réussissant à me baver dessus. Elle ne sembla pas prendre ombrage de l’outrage, se contentant d’essuyer le glaviot sur son coude.
  Elle me parla alors dans un anglais parfait, d’après elle j’avais un bon potentiel même si je manquais d’éducation. Je voulus lui demander à quoi ce potentiel allait me mener, mais je pu rien prononcer de cohérent. Cependant, elle m’avait pourtant compris, et me répondit en me mordant la jugulaire. C’était une douleur étrange, je me sentais de plus en plus léger au fur à mesure que la mort resserrait son étreinte contre mon corps. Je me surpris à trouver celle-ci supportable, apaisante même.
  Alors que les battements de mon cœur commencèrent à ralentir et à se faire de plus en plus espacés, l’inconnue s’arrêta. J’étais tombé sur le dos sans m’en rendre compte, la lumière de la lune traversa alors un vitrail, découvrant à mes yeux les murs gris qui m’entouraient. Ce n’était pas un couvent, mais une crypte funéraire ; nous étions en plein milieu d’un cimetière.
  Au dessus de moi la femme souriait, dévoilant une paire de canines impressionnantes teinté de mon propre sang. Je la vis alors se mordre le poignet et se pencher vers moi, collant sa blessure sur mes lèvres, les humectant de son sang.
  Jamais je n’avais gouté un tel breuvage. Il détonnait littéralement dans ma gorge, bouillant et chaud comme la vie elle-même. Ma précédente torpeur céda bien vite la place à une sensation de puissance exaltante, une soif de pouvoir qu’aucune conquête n’aurait pu étancher. Plaquant mes deux mains sur l’avant bras de cette curieuse créature j’ai aspiré son sang plus goulument encore. J’en voulais plus. Je la pâlir et puis finalement chanceler, son visage commençait même à se déformer en un rictus de douleur. Derrière lui je vis une silhouette s’avancer, l’homme m‘arracha au nectar. Il me présenta à son tour son poignet. La saveur de son sang était différente, presque boisée. Une soif que je ne connaissais pas s’était emparée de moi. Je le vis faiblir comme sa compagne, avant qu’il puisse dégager sa main de mes dents gourmandes. Un instant merveilleux. Il s’affaissa contre un tombeau, exténué, près de son amie.
  C’est alors que je me rendis compte à quelle point ma vue s’était améliorée, mais également mon ouïe ainsi que mon odorat. Mes blessures s‘étaient toutes résorbées. J’allais me relever pour profiter de cette acuité nouvelle quand une douleur sourde et violente me saisit. Si la foudre était descendue des cieux pour me frapper en pleine poitrine ça n’aurait pas été pire.
  Tous mes membres étaient pris de spasmes incontrôlables tandis qu’une migraine atroce me vrillait le cerveau. Les battements de mon cœur étaient devenus inégaux, bientôt je sentais que je n’arriverais plus à respirer.
  Paniqué comme un poisson sur la berge, je les vis s’approcher de moi. Bien qu’affaibli par son geste, l’homme qui m’avait donné son sang semblait paisible. Avant que je ne ferme définitivement les yeux pour ce que j’envisageais être mon aller simple de cette terre à l’Enfer, il se pencha vers moi, « Jésus ressuscita le troisième jour » me dit-il.
  Alors la nuit m‘enveloppa complètement.

  « La fin justifie toujours les moyens. » Nicolas Machiavel.

  Je n’aurai pu rêver de meilleurs Sires. Jamais Mikail ou Eleanore ne gardèrent leur savoir pour eux-mêmes, il passait à travers eux comme la lumière au travers d’une vitre. Ils n’étaient pas de ces vampires isolés du monde de la nuit, qui étaient parfois incapables de comprendre leur nature. Ils avaient vécus, il avaient appris.
  Désormais c’était à mon tour.
  Je n’eus pas seulement à encaisser le fait que j’étais un vampire, mais qu’il existait d’autres créatures de la nuit, parfois au moins aussi dangereuses que ma nouvelle espèce.
  La vie n’avait plus la même saveur. Avec mes yeux de vampire je pouvais voir des choses que je soupçonnais à peine jusque là, bien qu‘elles fussent déjà sous mon nez. J’arrivais à m’approcher des bêtes sans qu’elles ne perçoivent ma présence, les statues du cimetières où je dormais semblaient animées d’une vie propre, le ciel étoilé se révélait être d’une beauté stupéfiante à laquelle je n’avais jamais prêté attention.
  Mais évidemment, tous les avantages que pouvaient procurer la nuit, le jour me les faisait payer. Le jour mais aussi l’argent, le feu, la verveine… La notion d’immortalité me parût alors extrêmement relative.
  D’après Mikail l’immortalité n’était pas un but difficile à atteindre pour un vampire au moins au courant des us et des coutumes de sa caste et respectueux. Il me révéla l’existence du Conseil, de notre lignée, et de la responsabilité qui pesait sur mes épaules. Un brin de bon sens, un zeste de contrôle et passer le premier siècle était de l’ordre du possible.
  Cependant je n’avais pas été choisis pour rien. J’appris d’ailleurs que la création d’un Infant relevait de la seule décision du Maître de la Ville, après requête. Ma création entrait dans un processus de post-Inquisition médiévale et de pré-Inquisition espagnole et romaine. En effet, depuis le XVème siècle l’Inquisition française, suite à de trop nombreux excès, s’était vue retirée peu à peu tout ses privilèges par des rois qui commençaient à reconquérir une souveraineté que l’on croyait perdue. Cependant, comme prenant le relais de l’obscurantisme moyenâgeux, le Royaume d’Espagne poursuivait aujourd’hui la tache.
  On m’expliqua que de nombreuses créatures de la nuit s’étaient retrouvées entre les griffes de la religion. La situation avait été si critique qu’une paix fragile avait été conclue entre vampires et métamorphes. Il s’agissait maintenant pour tout le monde de pleurer les sires et infants disparus, puis de renouveler le cheptel.
  Mikail avait fuit en Angleterre peu après que le sien ne se fasse capturer et brûler en place publique. Sa tristesse avait été longue et pénible avant de rencontrer Eleanore.
  Celle-ci était d’une grâce incomparable. Mikail n’en était pas non plus dépourvu, cependant chez lui c’était une sorte de beauté sauvage qui dominait. Eleanore était elle issue de la haute noblesse anglaise, elle avait eut une véritable éducation. Elle était vive, enjouée, drôle et d’une intelligence rare. J’étais littéralement fou de cette femme, et je comprenais pourquoi Mikail, dont le tempérament froid et réservé ne l’engageait pas beaucoup à parler, l’avait choisi pour compagne.
  Nous ne parlions pas beaucoup de nos vies de mortels. Evidemment, le lien entre un Sire et son Infant est profond et empêche tout goût du secret, cependant nous ne recherchions pas à nous appesantir sur le passé des autres. Que ce soit mes sires envers moi ou moi envers eux. J’étais un jeune vampire découvrant le monde de la nuit comme un jouvenceau s’aventure dans le lit de la première femme qu’il aime.
  J’étais certes un élève en administration devant ses maîtres, prêtant une constante attention à leurs directives, mais il y avait une ombre au tableau. Humain j’avais toujours eus soif de sang, j’étais enragé contre la religion et ne rêvait que du pourrissement des anges. Mélangez tout ça, ajoutez de l’essence et mettez le tout dans une créature capable de plier un homme en deux.
  Si je n’avais pas eu Mikail et Eleanore auprès de moi lorsque mes jeunes lèvres de vampire se posèrent sur le cou de ma première victime, j’aurais chassé la population italienne jusqu’au matin. J’étais dépourvu du moindre contrôle. Pour moi la frénésie n’était pas une étape dans le summum de la barbarie mais un reflexe. Je ne reviens toujours pas de la chance qui m’a souri durant mon premier siècle d’existence. A une autre époque, si les pressions des autorités humaines sur le monde de la nuit n’avaient pas été aussi forte, on m’aurait certainement cloué dans un cercueil pour le prochain millénaire, si ce n’est pire…
  Mon intolérance envers la religion se trouva également multipliée. Ce qui est plutôt problématique dans l’Europe du XVIIème siècle. Par ailleurs, je me suis découvert une préférence particulière pour le sang des croyants ; des véritables croyants. De même que ces derniers pouvaient donner à des objets religieux une puissance que l’on ne soupçonnait pas, mon organisme semblait réagir plus favorablement aux sang de ces personnes qu’à celui d’individus moins dévots. Allié à l’individu hors de contrôle que j’étais, il m’est arrivé dans mes premières années de me faire un ou deux couvents en une nuit. De quoi faire lever les yeux de mes sires au ciel.
  C’est aussi durant mon premier siècle d’existence que j’ai découvert ce que certains vampires de l’époque appelaient le don obscur. Aujourd’hui, la poésie a déserté mêmes les esprits les plus anciens, on parle fadement de capacité. La mienne relevait d’une branche de la thaumaturgie : celle du Sang.
  Ce fut durant une nuit de chasse que mon don se révéla à moi, alors que portant à mes lèvres le sang rependu sur un mur je pus identifier son propriétaire, plus sûrement que si ce dernier n’avait été devant moi. Extrêmement avisé, Mikail me conseilla de garder cette particularité secrète. Dans ses yeux -chose peu commune- je pouvais à la fois lire la crainte, mais aussi l’excitation. La thaumaturgie était l’un des rares domaines où ses connaissances n‘avaient pas étendu leurs tentacules, les vampires la pratiquant se montrant des plus secrets sur leur nature. On les craignait et ils aimaient ça. Cela tenait à une grande incompréhension entourant leurs pouvoirs et leurs limites. Des limites que je devrais visiblement trouver seul.
  D’après lui, ma naturelle soif de sang avait peut-être joué dans l’obtention de ce don. Mais ce que ni lui ni Eleanore n’avaient prévu c’était le rôle que jouerait ma Bête. Celle-ci était déjà fortement développée en moi, pourtant l’utilisation de mon pouvoir sembla l’exciter encore davantage. A chaque usage je pouvais la sentir m’entrainer un peu plus loin de la raison ; de quoi achever le tableau du plus mauvais vampire jamais fait. Pourtant, d’après ce que j’avais pu constater a posteriori, la quantité de sang dépensé par mes sires avait été conséquente ; c‘était d‘ailleurs peut-être là le problème…
  Cependant, Mikail vit également en moi une occasion, un atout caché.
  Car si ce qui me faisait vibrer résidait dans les veines et les artères d’un être humain, mon nouveau Père arrivait à tirer autant de plaisir dans les jeux de pouvoirs. C’était une caractéristique que je ne me suis jamais expliqué et qui avait le don d’exaspérer sa compagne, bien moins attirée par les manigances du Conseil. Le fait qu’il m’envisage comme instrument politique, un poids dans la balance du pouvoir, ne lui plaisait pas.
  Mikail savait parler aux vieux vampires avec le respect qui leur était dû, de même qu’il savait trouver les mots justes pour obliger des vampires plus jeunes que lui à accomplir certaines taches dont le mérite lui revenait.
  A ses côtés j’étais un paradoxe ambulant, parfois même un boulet. Mikail était un caïnite respecté pour son tempérament mesuré, ses conversassions agréables ainsi que son savoir vivre (une notion qui, dès cette époque commençait à déserter progressivement les rangs des vampires). A ses côtés il avait un nouveau né incontrôlable, un barbare éventreur de curés à ses heures perdues porteur d’une capacité qui ferait de moi un être honni de ses pairs. Pour sûr, ma naissance lui couta quelques amitiés.
  Pourtant il ne ménagea pas sa peine, il ne fit pas uniquement mon éducation de vampire, mais refit également mon éducation d’homme. C’est lui qui m’appris les « Arts Libéraux » et je lui en serai à jamais reconnaissant. C’est grâce à lui qu’un autre monde, celui du savoir, s’offrit à moi. Je n’appris pas seulement à lire et à compter, j’appris aussi l’art de la rhétorique, la musique mais aussi l’astronomie. Si Eleanore m’expliqua ce qu’était un vampire, Mikail me montra ce qu’il devait être : un être puissant magnifique et sans aucun regret.
  Au bout de près d’un siècle d’existence je n’avais plus rien à voir avec le jeune homme de vingt deux ans, mort dans une crypte à Luppa.
  Mikail m’avait prodigué d’utiles conseils, comme celui de s’assurer de la loyauté du fossoyeur le plus proche, afin qu’en cas d’urgence je puisse trouver protection et cachette au milieu d’une centaine de cercueils. Il mettait également un point d’honneur à avancer avec son époque, à ne pas se retrouver « couper du temps » comme il se plaisait à le dire. L’une de ses grandes forces était de saisir les subtilités de la machine économique. Ce n’était pas une chose facile, pas même pour un vampire. A l’époque ce que l’on appelle aujourd’hui les « crises » étaient monnaie courante. Des familles de marchands de tissus augsbourgeois établies sur quatre générations pouvaient se retrouver sans le sou du jour au lendemain, simplement parce que des banquiers vénitiens refusaient de laisser passer de la soie turque dans leur port.
  Eleanore n’était pas de cette espèce. Elle était plutôt une chasseresse, et dans cet art elle excellait. C’est elle qui m’appris à jouer avec mes victimes, à user de subterfuges délicats. Eleanore savait gouter au sang comme un mortel aurait pu apprécier le vin. Parfois, nous arrivions à bout de familles entières…
  Mais des dissensions apparurent entre elle et Mikail. Ce dernier avait été appelé par le Conseil pour régler une affaire urgente à Florence. Il me voulait à ses côtés pour le seconder. Eleanore désapprouvait cela depuis longtemps, elle fit donc la seule chose qui aurait pu contrarier les plans de son compagnon et me faire fléchir : elle partit.
  Une nuit, en me réveillant dans l’hôtel particulier où nous logions à Venise, quelque chose me parut manquer à la place Saint Marc, une odeur s’était évaporée : le parfum au lilas dont ma sire s’imprégnait les cheveux.
  Descendant au salon j’y découvris Mikail contemplant les flammes de la cheminée, au milieu des cadavres nus de deux belles jeunes femmes. Ca ne lui ressemblait pas, d’ordinaire il réprouvait cette pratique paresseuse qu’avait bon nombre de vampire de se nourrir chez eux. Je n’eus pas besoin de lui demander ce qui se passait, ni où était Eleanore, elle qui attendait toujours à côté de mon cercueil que je me réveille.
  Il savait ce que j’allais faire. Il savait que j’allais le quitter aussi. Alors que je m’apprêtais à franchir la porte de notre demeure pour ne jamais y revenir, il me parla, sans pour autant détourner son regard du feu. « Vivez une bonne vie. »
  Mikail aurait pu me contraindre, m’interdire de la rejoindre. Mais de même qu’elle s’était refusée à me forcer à la suivre, il ne voulait pas me forcer à rester. Cela me déchirait d’autant plus le cœur. Nous étions une magnifique Sainte Trinité.
  Je mis deux nuits pour rejoindre Luppa, où je soupçonnais qu’Eleanore s’était rendue. Elle m’attendait effectivement dans une auberge, non loin du fameux monastère qui avait été le théâtre de notre rencontre. Après la mort de tous ces moines l’édifice avait été abandonné, devenue terre impie après une bulle papale. Elle logeait au sous sol, un cercueil m’attendait.
  Nous avons fait l’amour pour la première fois dans ce monastère, au milieu du cloitre sous la lumière de la lune. Nos regards bleus et nos cheveux blonds s’entremêlèrent jusqu’au l’aube.
  Après cela nous avons voyagé, laissant l’Italie derrière nous à tout jamais, les souvenirs que nous avions dans ce pays nous renvoyaient l’image de Mikail, esseulé devant un feu de cheminée.

  « Le plus grand mal, à part l’injustice, serait que l’auteur de l’injustice ne paie pas la peine de sa faute. » Platon.

  Je ne pouvais m’empêcher de penser à lui, au moins trois secondes chaque nuit. Je me demandais ce qu’il devenait, si son projet florentin avait été mené à bien. Je me posais aussi souvent une question : quel vampire serais-je devenu si j’étais resté ?
  Avec Eleanore nous avons passé une bonne partie du XVIIIème siècle à manger, à faire l’amour, parfois les deux. Quelque fois, cependant, nous nous séparions, le temps d’un mois ou d’une année. C’était pour moi l’occasion d’acquérir une certaine autonomie.
  J’ai commencé à me détacher de ce monde, m’intéressant de plus en plus à ma condition de vampire et surtout de thaumaturge. Je suis d’abord allé vers l’Est, en quête de sorciers capables de m’aider à répondre à mes questions. Je n’ai trouvé que quelques Blazek vindicatifs qui me conseillèrent vivement de déguerpir. Je ne reviens toujours pas d’avoir survécu à cette folie… Je pense que le savoir que je possédais, peut-être plus important que celui de la moyenne des nouveaux nés, allié à une certaine naïveté, m’a fait courir des risques inconsidérés.
  J’ai donc revu mes plans et poursuivi ma quête. Celle-ci me mena au continent africain. Le contact y fut plus facile. Le commerce triangulaire n’avait pas épargné les médiums ou les sorciers, même s’ils souffraient d’une certaine méfiance à mon endroit, la situation critique dans laquelle était plongé de nombreuses tribus de la côte Ouest fit taire leurs doutes.
  La plupart des ennemis des ces sorciers étant des missionnaires usant de leur fonction pour leur profit personnel, sous toutes ses formes ; je m’y retrouvais largement. De plus j’obtins quelques réponses sur les mystères entourant mon don, mais également les autres branches de la thaumaturgie, dont j’ignorais complètement l’existence.
  Après un bref passage par le Japon j’ai gagné l’Espagne vers 1850 j’y ai retrouvé Eleanore, confortablement installée à Malaga. J’en avait fini avec les voyages solitaires et les questions existentielles. Nous étions tellement heureux de nous retrouver que nous avons passé deux nuits entières dans les bras l’un de l’autre. Sa présence me bonifiait, je commençais à enfin réussir à faire rentrer ma Bête en cage.
  Ce fut l’une de mes plus grandes erreurs, car je mis également sous clef des enseignements qui aurait pu éviter une bien triste histoire…
  Nous étions du côté de Torquemada lorsqu’ils nous ont attaqué. Ils étaient une dizaine de chasseurs à avoir investis l‘auberge où nous nous restaurions sur le personnel, brandissant torches et épées en argent. C’est Eleanore qui fut la plus vive. Elle me jeta par la fenêtre du premier étage avant qu’ils n’aient pu lancer leur filet. De la rue je pus l’entendre m’ordonner de fuir, me contraignant à l’abandonner.
  Alors j’ai couru dans la campagne espagnole, droit devant, les larmes aux yeux. L’ordre aurait pu m’obliger à courir ainsi jusqu’à ce que l’aurore ne me transforme en poussière. Pourtant, je réussi enfin à faire entendre raison à mes jambes lorsqu’une douleur atroce me traversa le cœur. A cet instant précis je sus qu’elle était morte. Nous avions été négligents, trop gourmands et entêtés.
  Me réfugiant alors dans un cimetière peu avant que le soleil ne darde sur moi ses rayons, je me suis précipité dans le premier cercueil pour y étouffer mes pleurs.
  La nuit suivante les larmes avaient cessé. Je ne voulais pas revenir auprès de Mikail, j’en étais incapable ; pas comme ça. Non, ma décision était de rejoindre le monde de la lumière, un monde où j’étais certain de la retrouver. Je me suis donc mis en route pour l’Irlande, mon but était de retrouver une dernière fois la couleur que j’avais jadis tenue pour acquise dans ma jeunesse, ce vert émeraude si délicat bordant les côtes de Dunmore.
  Cependant, au fur et à mesure que mon ultime voyage approchait de sa fin, ma peine se fit dévorer par une Bête qui avait profité de la distraction de son gardien pour se libérer de ses liens. Aujourd’hui encore je serais dans l’impossibilité de dire si la colère aurait pu finalement m’empêcher de mettre un terme à mes jours…
  Tout ce que je sais, c’est qu’à l’approche de Waterford je fis connaissance avec la créature la plus fabuleuse qui soit : mon Infant.
  C’était une odeur de sang frais, de sang jeune et vigoureux qui m’avait attiré vers cette chapelle. Pour une fois la vue de ce lieu de culte ne me procura aucun effet, j’étais bien trop absorbé par celle qui se tenait sur le parvis. Seule sa tête semblait émerger de la robe en mousseline qu‘elle portait. Une tête belle et innocente, aux yeux nimbées des larmes qui dévalaient ses joues. Ses yeux, ses cheveux, tout me rappelait Eleanore, tout me rappelait ma mère…
  L’éclat argenté qui était dans sa main réussit à me distraire. L’odeur venait de ses poignets, dans quelques minutes les démons qui envahissaient ses pensées seraient loin derrière elle. Qu’aurais-je dû faire ? Je ne pouvais décemment pas tourner les talons, mais je ne pouvais pas non plus m’emparer de cette femme. Je n’avais jamais été un très bon vampire, mais je n’ignorais pas la peine qu’encourait un sire et un infant illégitimes.
  Le souvenir de la douleur que j’avais ressenti dans ma poitrine lorsqu’Eleanore était morte me revint subitement en voyant la jeune irlandaise s’effondrer dans l‘herbe.
  Je ne m’étais même pas vu bondir, ça avait été un reflexe. Prenant son couteau je me suis entaillé les veines à mon tour, je lui ai donné un peu de mon sang, afin qu’elle revienne à elle suffisamment pour qu’elle soit consciente. La soulevant comme si elle n’était qu’un fétu de paille j’ai monté les marches de la chapelle et fit sauter la porte d’un coup de pied. L’édifice était désert.
  Je l’ai allongé sur l’autel et arraché ses vêtements. Je lui ai fait l’amour comme jamais je n’avais fait l’amour à une femme. Mes crocs se plantèrent dans sa carotide, faisant gicler son sang au rythme de mes coups de reins.
  Alors que son cœur s’était mis à battre à un rythme abominable je combattis ma nature avec une violence dont je ne me croyais pas capable, me forçant à ôter mes canines de sa jugulaire. Je me suis mordu le poignet avant de le placer sur ses lèvres. Elle reprit vie au fur et à mesure que mon sang descendait dans sa gorge.
  A cette sensation de faiblesse que connaissaient tous les vampires qui procréaient, s’ajoutait ma jouissance, notre jouissance. Un fugace instant de puissance où l’on se sent capable de faire trembler même les fondations de la terre.
  Elle s’arrêta d’elle-même, en proie à la même douleur que j’avais ressenti plusieurs siècles auparavant. Je l’ai laissé expirer sur l’autel tandis que je me rhabillais sous la lumière de la lune.
  Nous étions en 1867, j’étais un vampire qui naissait une seconde fois.

« Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret. » Jean de La Fontaine.

  Mes retrouvailles avec Mikail furent à la fois douces et amères. Douces parce que ma sublime Dillon voyait enfin celui sans qui je n’aurais pas vu la nuit. Amères parce qu’elle ne connaitrait jamais Eleanore.
  Mikail, installé à Paris, était au courant depuis longtemps : l’Ulfric d’une meute portugaise lui avait rapporté l’information (j’étais toujours fasciné par les liens qu’il arrivait à tisser avec les êtres surnaturels).
  Il savait que je pleurai Eleanore comme la Sire qu’elle avait été, mais aussi comme la femme que j’avais aimé. Cela importait peu, même si son visage demeurait impassible, son regard trahissait une peine que je partageais. Il sentait qu’au nouvel amour que je prodiguais à Dillon se mêlait un sentiment de vengeance pour ma défunte Sire.
  Une soif dont Mikail voulait m’aider à m’étancher.
  Une nouvelle Trinité s’était donc formée, plus solide que la précédente, dont le regard était résolument tourné vers l’avenir. Je savais que le mien serait désormais attaché à celui de Mikail.
  Durant un petit moment, j’ai commencé à tourner autour d’Apollonide, la médium marquée de Mikail, elle me rappela mon épisode africain. Mais mon Sire me fit clairement comprendre que je n’avais pas intérêt à tenter quoi que ce soit avec elle. Pourtant, on ne pouvait nier qu’elle était d’une grande beauté et doté d’un esprit que peu de femmes de cette époque possédaient.
  J’ai donc occupé mon temps à faire l’éducation de mon infant, comme Mikail l’avait fait pour moi. Cependant, les rebuffades que je dus essuyer face mes propositions de faire d’elle une femme savante, je sus réorienter les leçons dans le sens qui lui convenait. Dillon souhaitait devenir un vampire avant tout, pas une philosophe.
  Notre relation fut d’ailleurs toujours celle d'un Sire et de son Infant, en aucun cas elle ne relevait de l'amour charnel que peuvent partager deux compagnons. Ce qui s'était passé dans cette chapelle d'Irlande avait fait partie, à mes yeux, du processus qui permis de la créer. Mais par la suite, notre amour releva très vite de la métaphysique et non des corps entrelacés.
  Et elle devint un magnifique vampire, sans peur, sans regret et sans Soif. Cette particularité m’étonna, surtout me connaissant. Le seul vestige de son humanité était une dévote croyance en Dieu. Le genre de chose qui avait le don de m’agacer au plus au point.
  Parallèlement, j’ai accompli mes premiers fait d’armes au service du Conseil, pour le compte de Mikail. Je compris rapidement la sensibilité des affaires à traiter. Il ne s’agissait pas de banals échauffourées entre quelques bandes de renégats, ou d’un vampire ayant tué la goule d’un autre, mais bien de neutralisation de nécromants, d’espionnage au sein de ceux qui deviendraient plus tard les anarchs et d’autres phénomènes mettant la Mascarade à rude épreuve. Ma vie était devenue une série d’objectifs que j’accomplissais avec une scrupuleuse régularité.  
  L’une de mes qualités fut bien vite l’absence totale de traces derrière mon passage. Plus qu’une qualité c’était une promesse que je m’étais faite, depuis la mort d’Eleanore.
  Cela me permis de voir du pays : Europe de l’Est, Moyen Orient, Asie et finalement l’Amérique.
  J’ai débarqué à New York en septembre 1990, Dillon à mes côtés. Mikail était pour sa part resté en Europe.
  Là encore il s’agissait d’une mission, de plus grande envergure que toutes celles qui avaient pu m’être confié jusqu’à présent. Mon but : regarder et attendre.
  Je devais aller à Shreveport, en Louisiane, pour m’y enterrer. J’imaginais bien que d’autres petites mains du Conseil avait été disséminés dans les autres Etats, tout comme moi. Il faut dire que la situation dans ce pays devenait préoccupante.
  Le XXème siècle avait vu l’avènement du règne de la raison, or certains de mes congénères étaient de moins en moins précautionneux. Il s’agissait évidemment là d’un phénomène global, qui ne se limitait pas qu’aux Etats Unis, mais ceux-ci par le nombre de meurtres non élucidés, d’insécurité dans les rues, étaient devenus emblématiques du théâtre que serait la Révélation.
  La chose avait été envisagée par le Conseil bien avant que ce vampire ne brise la Mascarade à la télévision. Un certain type de ménage devait être fait avant que le pot au rose ne soit découvert : des corps devaient disparaitre, des dossiers devaient bruler et des esprits devaient être effacés. Car lorsque la Révélation éclaterait, immanquablement, les autorités humaines repenseraient à tous ces crimes étranges sans aucun coupable.
  Ce qui me choqua le plus ce ne fût d’ailleurs pas la Révélation en elle-même mais plutôt ce qui se produisit après.
  D’abord je pense que les vampires avaient oublié à quel point les humains pouvaient être dangereux. En se sentant consacrer citoyens au même titre que leurs proies, certains ont cru être protégés des conséquences de leurs méfaits. Les six vampires qui brulèrent dans cette maison peu de temps après la Révélation ne comprirent que trop tard que des badauds armés de bouteilles d’essence pouvaient être aussi efficaces que des chasseurs aguerris.
  A propos de ces derniers, la fin de la Mascarade fût du pain béni pour eux. Les jeunes générations de vampires comprenaient difficilement leur dangerosité, pour eux l’Inquisition était une période que leur sire avait connu, mais ça s’arrêtait là.
  L’autre point délicat de la Révélation fut qu’elle s’entendit à d’autres espèces du monde de la nuit : métamorphes, sorciers, medium, nécromanciens… J’imagine qu’ils ont du être ravis de l‘initiative de ce membre de notre espèce…
  En revanche, ceux qui ont su s’adapter à leur époque en sont ressortis grandis : bars à vampires, boutiques de sorcellerie, département réanimateur dans les commissariats. Ca a certainement dû sembler une excellente idée sur le coup.
  Et puis le Croquemitaine a explosé, on a commencé à retrouver des lycans abattus comme des chiens, des sorcières se sont fait rôtir… Face à de tels actes les êtres surnaturels n’ont pas tous suivis la politique d’apaisement dictée par leurs hiérarchies.
  Le summum a quand même été atteint avec cette affaire de malédiction du Soleil et de la Lune : une bande d’idiots a voulu réveiller Tenebrae… Je commençais à me demander quand est-ce que je devrais intervenir, Dillon s’ennuyait ferme, terrée à Stoner Hill dans le sous sol d‘une maison saisie par les banques. Mais les directives que me transmettaient régulièrement Mikail restaient les mêmes : regarder et attendre, ainsi que renouveler chaque mois le même rapport sur l’échiquier des forces en présence.
  Vaujour, Lorenzo, Aleksandr, Mircae, Corleone… Les noms se succédaient sur l’écran de mon ordinateur, aussi vides de sens que s’ils s’étaient agit de modèles de voitures.
  21 juin 2012, un mail étrange arriva. Etrange parce que j’avais du mal à y croire moi-même, mais cela importait peu : on me demandait seulement d‘exécuter un ordre. Alors, péniblement, comme un chat qui a dormi trop longtemps, je me suis étiré.
  J’ai d’abord assassiné le chef d’une bande de motard du coin. Ensuite, j’ai proposé au groupe de me rejoindre, promettant de laisser partir ceux qui ne souhaitaient pas me rejoindre. Dillon se chargea d’éliminer ces derniers en toute discrétion, me permettant de raffermir ma prise sur les plus loyaux.
  J’ai transféré une partie des fonds qui dormaient sur un compte que je possédais à l’immortelle Banque d’Amsterdam puis j’ai acheté une parcelle de terrain défraichie dans le quartier vampire. Les travaux furent excessivement longs pour un night-club, en vérité la partie « clubhouse » n’était pas ce qui avait pris le plus de temps. En revanche les trois sous-sols secrets m’avaient couté une certaine somme…
  Au premier sous-sol se trouvait une véritable prison, avec des cellules équipées de barreaux en argent, de lampes a ultraviolet mais aussi de diffuseurs de verveine ou d‘eau pour nos amis sorciers. J’ai conçu moi-même la salle dédiée aux interrogatoires et par le fait même, celle prévue pour les exécutions : une excavation pratiquée jusqu’à la surface permettait faire pénétrer à l’intérieur la lumière du soleil lorsqu’il était à son zénith, évidemment elle ne s’ouvrait que de l’intérieur. J’avais aussi fait installer une sorte de grand réchaud à gaz au centre, pour des personnes que la lumière du soleil n’effrayaient pas assez.
  Le second sous-sol était quant a lui conçu pour le personnel. Quelques calices et goules de confiances pourraient y avoir accès. Salle d’entrainement, spa, armurerie, mais aussi laboratoire de recherche et infirmerie s’y trouvaient.
  Le dernier sous-sol était le quartier de repos prévu pour l’Essaim en cas de crise. Les chambres ne comportaient pas de cryptes froides et humides où de sémillants cercueils en bois y pourrissaient, mais de véritables chambres doté de lits, d’une bibliothèque, d’une salle de bain et d’une vaste pièce à vivre ; les murs étaient recouverts d‘écrans projetant la période du jour ou de la nuit désirée par son occupant. Poches de sang et autres denrées alimentaires étaient disponibles dans des frigos afin de faire face aux longs sièges. J’avais même fait importer des quantités importantes de la terre natale de chacun des vampires de l’Essaim pour prévenir les blessures les plus critiques. Evidemment, les mesures de sécurité étaient à la hauteur des biens à protéger : mécanismes d’ouverture biométriques, portes en argent blindées, caméras et autres détecteurs de mouvements avaient également été incorporés à l’ensemble.
  L’énergie utilisée pour faire fonctionner un tel ensemble était conséquente. Si le night-club dépendait du réseau électrique classique tout le reste du système était alimenté par une série de groupes électrogènes régulièrement entretenus. Enfin, parce que je n’étais pas le genre de vampire à laisser mon éternité au hasard, une issue de secours avait été pratiquée dans le sous sol de ma chambre. Celle-ci ne s’ouvrait qu’avec mon sang et permettait d’accéder aux égouts.
  J’ai éprouvé un bref sentiment de fierté lorsque l’immense enseigne lumineuse rouge sang s’alluma dans la nuit « Fang-Tomb » ; un homme de paille en était le propriétaire, moi je devais encore rester dans l’ombre un petit peu. Officiellement, le night-club était ouvert à tous, le clubhouse en revanche ne recevait que les CESS, quant aux derniers étages… Eh bien, ils attendaient les invités de marque.
  Maintenant que la dernière Vaujour avait été déposée, j’attendais la venue de Mikail et des autres.


Dernière édition par Cinead O’ Súilleabháin le 24/6/2013, 19:41, édité 3 fois
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