La poussière s'est accumulée sur les objets, bien moins que lorsqu'elle avait repris cette boutique néanmoins. Il est évident que les anciens propriétaires n'ont jamais conçu les énormes ressources dont ils disposaient. Ces idiots étaient assis sur un tas d'or et ne le savait même pas. Imbéciles qui n'avaient pas vu le coup venir, qui n'avaient que put supplier, verser d'ignobles larmes. Rien de tel pour agacer la madone. Le sang. Il est stocké ici dans des pots en verre, comme de la confiture mais en plus liquide et infiniment plus précieux. Il faut juste savoir à qui l'on s'adresse. Avant qu'elle ne s'empare de ce commerce, la magic box ne vendait qu'aux miséreux sorciers du coin, elle a vite compris qu'on pouvait obtenir bien plus en vendant ces mystères à plus riche et qu'il y avait plus à gagner en offrant de temps en temps aux sorciers. Elle voyait en ces enfants perdus un moyen de reconquérir son ancien royaume. Vague souvenir évanoui.
Un par un, elle les avait conquis. Ils cherchaient tous quelque chose, un foyer peut-être, un moyen de survivre sûrement. Elle l'avait compris en engageant Shamina. Elle avait été la première. Depuis d'autres avaient rejoint les rangs. Ils bossaient pour elle, pour la Box, et ça leur rapportait beaucoup plus que les boulots de merde qu'ils auraient pu trouver chez les humains. La révélation avait fait des vampires des gens très riches, pourquoi ne pas en faire de même? Les sorciers avaient au fond bien plus à offrir. Les chimères sont après tout leur création, leur art. Elle n'avait qu'à regarder autour d'elle. Ces enfants là ne semblaient plus perdus. Ils avaient tous trouvé quelque chose ici. Il fallait maintenant mettre des mots sur tout cela, rendre la nuit moins noire, moins froide sans pour autant la rende trop lumineuse.
Ils étaient venus, progressivement, posant un pied, timidement, puis l'autre. Il y avait eu de longues discutions, animés, et l'on avait vu qu'il n'y avait ici ni obligation ni hiérarchie, ni lois ni règles, si ce n'est celle du secret. Personne ne doit en parler, à quiconque, cela avait été décidé très vite. Il n'y avait eu besoin d'argumenté. Tout le monde savait pertinemment ce qu'ils pourraient encourir si cela se savait. La Blanche Confrérie n'aimait voir ses agneaux s'égarer ailleurs que sous ses jupes. Et comment prédire la réaction qu'aurait le gouvernent humain, les vampires? Aucun d'entre eux n'avait l'envie de le vérifier.
Ici c'était leur clan à eux, un endroit où ils seraient libre de faire la magie qu'ils souhaitaient et le simple fait de se réunir était déjà beaucoup. Tromper l'ennui, certes, se rencontrer, discuter, partager connaissances et pouvoirs, réalise des choses qu'on ne peut faire seul, tirer profit de ce qu'ils sont, de leurs capacités, mais aussi se protéger. Freyja les considérait tous comme les membres de son foyer, son nouveau foyer. Ce n'était pas par goût du pouvoir qu'elle avait lancé tout cela même si elle n'était plus certaine qui avait évoqué l'idée en premier, peut-être que tout cela s'était produit sans qu'on ne s'en rendre compte. Quelqu'un avait parlé de cette cave où l'on entreposait les reliques et objets rares, dangereux parfois, et aussitôt les lieux avaient été investi.
En abattant un mur on avait découvert un passage vers une autre cave, visiblement le propriétaire l'avait muré. Les ossements retrouvés expliquaient sans doute le mur. Une fois l'endroit nettoyer, les os décorait désormais le lieu, ce n'était pour autant pas de la violation de sépulture mais plutôt un moyen de rendre hommage à ces os. Quelques nécromanciens présent dans les rangs ont fait une petite cérémonie et cela avait l'air de ressembler à un début de quelque chose, au lancement d'une aventure. Il y avait quelque chose de si solennel. Tout le monde avait pu le sentir.
C'était il y a trois jours. Cette nuit, l'atmosphère était tout aussi chargée en électricité. Ils avaient décidé cette nuit de mettre en place les règles et un minimum de hiérarchie, d'attribuer des rôles à chacun.
Lentement la cave se remplissait, et chacun discutait à voix basse comme conscient que quelque chose allait arriver, quelque chose de nouveau et de différent, quelque chose qu'on n'avait encore jamais vu et qui allait durer dans le temps.

Shreveport palpite. Comme un cœur malade, pompant avec l’avidité d’une putain la sève qui coule dans nos veines, nous saignant comme les plus insignifiant des poulets. Chaque nuit, on nous aspire, on nous tète, on nous gobe. Chaque nuit, nous perdons de cette si précieuse essence qui nous irrigue sans qu’aucune reconnaissance ne nous soit jamais portée. C’est ainsi, car nous inspirons la crainte, la haine. Nous suscitons l’angoisse, au mieux l’indifférence. Nulle gratitude ne nous a jamais été témoignée. Et pourtant, Shreveport palpite aux creux de leurs entrailles à elles, ces sombres et fluides silhouettes, qui évoluent entre les cierges. Leurs ombres difformes s’emmêlent et se confondent, projetant sur les voûtes l’image d’un peuple ayant préféré vivre cacher pour vivre heureux, ayant naïvement cru que cela était possible. Parce qu’ils les ont écouté, trop longtemps, ces vieux Gandalf et autres Dumbledore de la Blanche Confrérie, prêchant la bonne parole entre deux couvertures du Times. Ces vieux bourgeois drapés d’arrogance, coiffés d’orgueil, sont pris au piège de leur propre dépravation. Patients, nous attendons, dans l’ombre, que leur tour d’ivoire d’antan se change en potence. Aujourd’hui, la donne est sur le point changer. Il suffit de tendre l’oreille, d’écouter ce cœur qui palpite sous nos pompes

Emergeant de l’obscurité, les silhouettes de ce rêve que je n’osais formuler de peur de le corrompre se lient, se nouent, en une impénétrable jungle. Je n’saurais dire pourquoi, mais j’en tire une certaine fierté. Je me souviens, ces nuits sans promesse d’aurore, pendant lesquels nous refaisions ce monde qui nous a rejeté et qui nous ressemble désormais si peu. Dans le secret de ces caves, nos auras se reconnurent. Enfants damnés et condamnés, nous retrouvions en nos récits échangés les accents désespérés de nos consciences. J’en tire une certaine fierté, oui, parce qu’au fond je n’me pensais pas moi-même capable de tant de chaleur.

L’éclat de certains regards m’apostrophent. J’en reconnais quelques uns, en découvre d’autres. Mais c’est à tous, que je m’adresse.

« Bienvenue, et... merci. D’être venu, revenu. La nuit promet d’être longue, nous devrions... commencer ? »

Mon ton est mal assuré. Je n’ai pas l’habitude de m’exprimer devant tant de monde. Mais j’ai l’audace de croire qu’ils sauront faire preuve de complaisance en n’y prêtant pas trop attention. Trop de style, trop de superficialité, a tendance à entacher la parole vraie. Et c’est précisément cela, qu’ils sont venus chercher. Une autre façon d’appréhender ce réel dont on a voulu nous bannir, et, non seulement y croire, mais la défendre. Car chacun sait, ici, que de répit il n’y aura, tant que l’un d’entre nous sera encore debout pour se battre. Oui, c’est une guerre à laquelle nous devons nous préparer. Une guerre sans trêve. Une longue, très longue nuit.

« La.. la dernière fois, quand nous nous sommes quittés, Ida a proposé qu’on s’mette d’accord sur les objectifs... Les grands travaux, quoi. Donc, hm... On peut commencer par ça. Ok ? Et ensuite, on verra pour les règles. Ida, tu peux... écrire ce qu’il se dit ? »

La sorcière décatie hoche la tête et s’approche d’une bougie, a priori pour tâcher d’y voir clair. Elle s’empare alors d’une plume et d’un parchemin. Bon, oui, c’est très kitsch. Mais ça donne un p’tit côté solennel pas délirant. Et puis, un ordinateur aurait cruellement pété l’ambiance.

« Quand vous prendrez la parole, donnez un nom pour Ida... peu importe que ça soit le vrai ou pas, du moment que vous donnez le même, en fait, à chaque fois. C’est important, pour qu’on s’y retrouve. J’vous rappelle que toutes les paroles, ici, se valent. Donc n’vous privez pas d’intervenir. »

Je marque une pause, tandis que les derniers arrivés s’installent. L’atmosphère se charge en ondes diverses, et je crois qu’ici, nul n’a réellement besoin de lanterne pour se reconnaître. Tziganes, nécromants, et les puissantes familles qui ont fait, grâce à leur maîtrise des arts vaudous, la réputation de la Louisiane. Les voir là, rassemblés, dans la paix et la concorde est un exploit. Un exploit que nul ne pourrait simplement croire sans le voir de ses yeux propres. Et puis, il y a ces âmes errantes, indépendantes, ne représentant qu’elles-mêmes ou presque, qui agissent comme un ciment, comblant les vides entre ces identités fortes.

« On peut y aller, je crois. Que celui qui a quelque chose a dire se lève, et parle. »

Ma dernière clope. J'ai dû m'asseoir dessus sans m'en rendre compte tellement elle fait dans la résistance tandis que j'essaie de la sortir de la poche arrière de mon jeans. T'as beau être toute fripée et à agoniser sur ton triste sort d'écorchée vive, même pas en rêve que je vais te laisser filer belle demoiselle!

J'attrape le filtre entre mes lèvres tandis que je pars à la recherche de feu. Trois poches plus tard - combien peut-on en avoir dans une seule veste bordel?!! - j'extirpe un briquet bad gamme acheté in extrémis à la superette du coin. Ou tout simplement trouvé à terre un jour de pluie. Allez savoir. J'ai beau avoir une mémoire infaillible, parfois je n'ai franchement pas envie de faire appel à elle (bon d'accord, je me rappelle exactement où, quand et dans quelles circonstances je l'ai trouvé cet allume-feu mais là n'est pas la question!). Bref, reprenons. Je penche tête légèrement vers le côté et enclenche le mécanisme de roulette. Ni une ni deux une flamme du feu de Zeus manque de m'éborgner. Je n'ai que le temps d'un réflexe bien placé. J'ai des cheveux qui brûlent. Quantité négligeable. Archi a encore dû jouer avec mes affaires!!! Je n'ai pas la tête à le maudire de tous les noms - de toute façon c'est monnaie courante entre le clébard et moi - que je me lance dans une nouvelle tentative ... si ce n'est pour me rendre compte que ma main est vide ... et que je me retrouve au-dessus d'une trappe d'égouts. Inutile de vous faire un petit dessin.

Et là OUI, je le dis - je le répète - et je le clame bien haut et fort: JE-MAUDIS-LE-CHIEN. Je vous épargnerai les détails quant au langage utilisé. N'avez qu'à fermer les yeux et laisser libre court à votre imagination. Vous multipliez par trois virgule sept et vous aurez un aperçu du mal que je lui souhaite.
Merde quoi, mon premier petit plaisir après une lourde journée de taf. Tout est relatif, certes, mais tapez-vous un peu la trois-quarts d'une classe de mômes shootés au v-juice et on en reparlera. Dernier jour avant le week-end. Le temps qui laisse à présager des sorties surprises organisées par les parents (surprises mon œil oui!!). Mélangez le tout et faites en sorte qu'une de vos collègues tombe dans l'escalier et se déboite le col du fémur. Welcome to my life!

Alors NON je n'ai pas envie de rentrer illico presto à l'appart. NON je n'ai pas envie de trouver un petit mot d'amour qui me demande de m'occuper du chien - je cite - "exceptionnellement". NON je n'ai pas envie de trouver un nième facture sous ma porte.
A défaut de mieux, j'ai juste envie de fumer mon cancer et de le laisser mûrir en paix!

Comme par hasard (...) la rue est aussi vide que dans ces vieux westerns. Manquerait plus qu'un ballot de paille pour compléter le tableau. Je fourre mes mains dans mes poches et traine des pieds en direction d'une destination inconnue. Tant qu'à parier hasard et destin, autant bien le faire!

Je ne sais pas trop qu'est-ce, ni qui, ni comment - fait est de constater que lorsque je prends finalement halte et que je redresse la tête pour découvrir l'étendue des dégâts, je me retrouve face au Magic Box. Je me permets un haussement de sourcil. C'est comme si une vieille amie me souriait depuis sa couche de poussière. Je devais bien être une des rares constantes dans ce bled paumé. J'ai dépensé plus de fric ici qu'à ladite superette du coin avec ces briquets foireux. Douce nostalgie quand tu nous tiens. Fichue faillite de mes deux ...

Je perçois plus que je ne vois un attrait non-négligeable pour cet endroit. Il y a trois jours je me suis retrouvée ici quasi à l'identique. J'ai comme l'impression que mon corps bouge tout seul - à moins que ce soit mon cerveau qui ait pris le dessus de mes fonctions vitales. Faudrait pas en rire!
Il y a trois jours j'ai fait demi-tour. J'ai rebroussé chemin. Je n'avais vraiment pas la tête à faire face à un attroupement pseudo-fanatique qui aurait déplacé des montagnes dans le seul espoir de m'attirer dans leur secte. Bon d'accord, j'exagère un peu la donne. Il y a trois jours j'ai dit non, pas envie. Aujourd'hui je me dis que je n'ai quand même - plus - rien à perdre. Et peut-être que quelqu'un aura la bonté d'âme de me passer du feu.

Je me glisse entre les autres convives. Personne ne me prête la moindre attention. Ça m'arrange. Je reluque la déco qui donne dans le kitsch. Pour ma part ce ne sont pas les os qui m'intriguent le plus, mais bien le contenu des fioles qui sont disposées en offrande. Je m'égare. Je reporte mon attention sur l'épicentre de ce petit attroupement magique. Je reconnais le visage sombre de notre interlocutrice commune et sent mes lèvres se muer en léger sourire. La pression du public ne lui scie guère. Encore moins lorsque son offre ne trouve pas preneur.

Je m'apprête à prendre la parole - histoire de lui sauver un tantinet la mise, je pourrais toujours monnayer mon intervention plus tard - mais suis prise de court par quelqu'un qui m'est inconnu. Ses paroles sont belles, mais franchement trop utopistes que pour y croire une seule seconde. Il évolue dans quelle réalité là le beau gosse?
Je m'avance d'un pas et me détache ainsi du cercle formé par mes confrères.

J'aurais pu opter pour Sierra - mon second prénom tombé dans les oubliettes. Ou encore Valence, question d'exotisme et de voyage. Mais j'ai toujours préféré le Proche Orient et je n'ai pas besoin de me cacher sous un pseudonyme. Je m'en fiche royalement que les gens me reconnaissent dans la rue. Vous ne croyez pas qu'un nom de code fait vachement plus louche en société?

Confort? Laisse-moi rire. Je trime déjà assez toute seule, je n'ai pas besoin qu'on vienne me rajouter du leste supplémentaire sur les épaules à la fin de ma journée.

Je me retourne et pars en sens inverse direction sortie. Je plonge mes mains dans mes poches et y rencontre mon cadavre de clope.
Et merde, j'ai oublié le feu.

La petite sauterie a rameuté un bon paquet de rats d’égouts dans le cloaque de la Magic Box, et bien que réticent face à ces rassemblements trop éclectiques à mon goût, je n’ai pas vraiment de raison suffisante pour bouder plus longtemps la marche du monde. A dehors tout s’agite, je le sais. Il faudrait être inconscient ou stupide pour ne pas s’apercevoir que de nouvelles options émergeaient quant à ma situation inconfortable de membre involontaire de la Blanche Confrérie.
Shamina est responsable de ma venue ici et c’est elle, surtout, que j’observe ce soir. Mal à l’aise, ça crève les yeux, elle fait pourtant ce qu’il faut pour remplir le rôle qu’on lui a écrit. Et malgré ça, malgré l’effort commun qui a réuni ce qui se fait de plus isolationniste dans notre microcosme, pratiquement personne ne se montre réellement investi. Ce qui m’arrache un rictus aigre, depuis mon coin de salle où, adossé au mur, je prends le temps de jauger l’ambiance.

Finalement un type basané fait une première tentative, suivant le pas orchestré par la belle. Un monde solidaire, voilà ce qu’il faut bâtir ! Il n’a pas tort, même si c’est précisément ce qui me fait grincer des dents, mais son discours s’arrête là, sans émettre de propositions concrètes. Déception.
Une greluche prend la parole à son tour, semble-t-il pour entamer le débat, mais au final ce n’est que pour mieux en sortir. Elle donne un nom, réclame sa suppression au bout d’une minute et se tire.

Elle est belle la foule en rogne. J’y ai cru, pourtant. Soupir.

Le silence ronronne, pesant, parmi l’assistance. Ce gros pacha n’a même pas décollé d’un pouce. Mais que diable suis-je venu faire ici ? Bon sang, quelle idée de se déplacer tous alors qu’on aurait pu rester tranquilles devant un verre ou dans un pieu, à poursuivre nos petites vies autonomes… La situation commence vraiment à ressembler à une farce bidon qui ne tirerait pas une risette du plus benêt d’entre nous.

« Bon. Quelqu’un d’autre a envie de parler pour ne rien dire ? Auquel cas profitez que la porte soit ouverte pour prendre la tangente. »

Regards courroucés, gênés, blasés. Certains visages se baissent et d’autres pivotent vers l’entourage.

« Notre maîtresse de cérémonie a donné le feu vert pour que chacun prenne une aiguille et perce l’abcès. Qu’est-ce qu’on attend ? Personnellement je ne suis pas là pour enfiler des perles. »

Puisque quelques-uns se dandinent pour m’observer tandis que je parle, je décide de me déplacer pour leur faire face, tant qu’à faire vers la seule personne du lot en qui j’aie à peu près confiance : Shamina.

« Il y a entre nous plus de raisons de se méfier, voire de se combattre, que l’inverse. Ici nous avons des nécromanciens, des mages noirs, des démonistes ; là nous avons des chamans, des mages blancs, des exorcistes. Dans le coin là-bas, des gitans, et moi j’ai été élevé par des gens qui les auraient faits fusiller ou gazer il y a soixante-dix ans. »

Réactions immédiates parmi ces derniers : un homme serre les poings, un autre prend une lourde inspiration, et une femme crache entre ses dents un mot que je ne comprends pas.

« Avez-vous vraiment décidé de venir en espérant autre chose ? Je crois que si c’est le cas il est temps de prendre les paris et de commencer à tailler dans le lard de son voisin. »

La tension commence à poindre. Je sens que certains commencent à se demander qui je suis et pourquoi je suis venu.

« Misu a raison. Et croyez bien que ça ne m’enchante pas de devoir admettre que je suis prêt à mettre mes jours en danger pour protéger le cul d’un paquet d’inconnus. Mais on n’a pas le choix. La Blanche Confrérie veut votre mort. Les vampires veulent vous assouvir. Les garous n’ont rien à foutre de votre vie et sont actuellement à vif. Les seuls qui voudront bien de vous (et encore, à quelques exceptions près), ce sont des fouteurs de merde qui seraient bien content de vous faire faire le boulot ingrat si ça pouvait les garder au frais. Et si une petite pétasse n’a pas su voir ça, c’est soit qu’elle sort d’une grotte, soit qu’elle est complètement conne, soit, et là c’est un problème pour nous, qu’elle est suffisamment puissante pour défaire toutes ces menaces quand elle le veut et en l’occurrence, ça veut aussi dire nous dégommer maintenant qu’elle sait ce qu’il se trame ici. »

A priori, l’auditoire accepte d’écouter, c’était déjà pas si mal.

« T’es pas en train d’exagérer un peu, le nabot ? On n’est pas en guerre, nous. On peut très bien s’occuper de notre propre protection, intervient un mage quelconque.
- Dans ce cas la sortie est par ici, réponds-je en présentant la porte précédemment prise par la jeune femme. J’en déduis cependant que tu as de la merde dans les oreilles et que tu n’as pas compris que toute personne ici présente qui déciderait de franchir cette porte non seulement ne remettra pas les pieds ici, mais peut dors et déjà faire la liste des gens qui viendront potentiellement lui rendre une visite peu courtoise un de ces jours, et il saura pourquoi. Peut-être ne te trouves-tu pas suffisamment d’autres menaces potentielles ? »

Le jeune homme garde les lèvres entrouvertes, paré à répliquer, mais ne trouve manifestement rien à la hauteur de ce qu’il pense, ce qui me laisse poursuivre.

« Je suis peut-être un nabot, mais que vous le sachiez, je suis aussi de ceux à qui on donne précisément ce genre de tâches à accomplir. Je suis bien placé, en ce sens, pour vous dire que les menaces que je viens de proférer, je les entends tous les jours de la part de nul autre que la Blanche Confrérie, à qui je sers de chien de chasse. Au cas où vous les preniez encore pour des rigolos, sachez que quand je vous dis qu’ils veulent votre mort, ce ne sont pas des paroles en l’air. »

Une femme parmi les gitans éleva la voix.

« Et comment on sait qu’t’es pas là pour leur compte ? On a même pas ton nom. On sait pas qui t’es. Tu parles comme pour nous emmener buter des gens, moi j’suis pas là pour ça. »

D’autres négations fusent, je considère donc avoir agité quelques neurones. Je ne perds pas pour autant mon masque de neutralité une seconde.

« Un : je suis seul, et je viens de me coller une cible sur le front en territoire hostile. Deux : je viens justement de te dire que je suis un tueur, et à part ça je suis célibataire mesdames. Trois : vous m’appellerez Crow, et je suis là parce que je veux que tous ceux qui nous font bouffer leur merde tous les jours comprennent qu’on peut à tout moment leur dégueuler sur les pompes et que ce moment est peut-être bien arrivé.

Nous devons non seulement surveiller les menaces pour protéger l’ensemble que nous formons, mais aussi se prémunir contre elles. Être discrets tant qu’on est faibles. Acquérir toutes les informations qu’on peut. Apprendre ce que savent les autres sorciers, ici et en dehors, sans s’enfermer dans le savoir. Se rendre des services. Communiquer. Comprendre comment fonctionnent les systèmes qui peuvent nous mettre en difficulté – ceux que j’ai cités auparavant en l’occurrence. Quant à se faire confiance les uns les autres… »

Il y a une table derrière moi, je m’y pose et sors mes cigarettes de l’intérieur de mon blouson.

« J’attends que de meilleurs que moi en la matière fassent des propositions, mais à mon avis on a pas le choix. »

Je craque une allumette et jette un regard goguenard à la scribe.

« Tu veux un coussin pour ton poignet ? »

La grande brune observa l’assistance. Le discourt mené par l’allemand avait jeté un froid dans l’assemblée plutôt timide. Elle darda ses prunelles bleues sur sa comparse. Au fond l’inquisitrice était l’auteur de tout ceci, sans elle ils n’auraient pas été beaucoup ici. Son regard de glace s’arrêta ensuite sur celui qui venait de lâcher le pavé dans la mare au canard. Il n’avait visiblement aucun tact et ne semblait pas vraiment souhaiter en posséder. Sa présence ici était étonnante, un traqueur à la solde de la BC, probablement un descendant d’une famille de chasseur. Que venait-il chercher ici ? De l’indépendance ? De l’action ? Elle ferma les yeux, doucement, puis les rouvrit. Le froid glaçant s’était mué en un regard plus doux, un sourire patient et gentil se colla sur ses lèvres, un masque d’amabilité.

« Ce que vient de dire Crow n’est pas dénué de sens. Vous tous n’êtes vous pas venu ici pour chercher un moyen de vous délivrer de cet esclavagisme que vous impose la société ? Sortir de l’ombre menaçante de la Blanche Confrérie et de ses assassins ( elle jeta un rapide coup d’œil à l’allemand qui continuait de susciter l’inquiétude de l’assemblée) ? De ne plus laisser les humains et leur société stupide nous coller leur vieux clichés sur le dos ? N’avez-vous pas conscience du fait qu’ils nous bruleraient plutôt que de nous laisser faire réellement de la magie ? »

Salem. Un endroit charmant qui était devenu un nom effrayant pour n’importe quelle personne pratiquant la magie. Le massacre opéré par l’Eglise avait une origine trouble. Certains affirmaient que c’était les Inquisitrices qui alors dirigeait le monde de la magie qui avaient lancé cela et que la chose leur avait échappé par la suite. D’autres pensaient que c’était les vampires qui voulaient se débarrasser des nécromants. Peu importe. La haine des humains envers ce qu’ils ne comprennent pas était la cause direct de ce génocide. Tout sorcier avait en lui imprimé ce douloureux souvenir même si, très peu savaient vraiment ce qu’il avait pu se passé, ce que c’était alors pour ceux qui étaient traqués et brûlés vif en place publique.

« Vous êtes venus ici en quête de protection, parce que nous sommes tous menacé d’extinction, pas seulement par la blanche confrérie (elle regarda les démoniste en disant cela) pas uniquement par les Humains d’Abord et leurs partisans, mais aussi par cette société et par nous mêmes. Notre essence même est en danger. »

L’assemblée écoutait à présent ses paroles. Certains comprenaient ce qu’elle voulait dire, d’autres non. Qu’importe le trouble inquiétant suscité par l’allemand s’était doucement mais sûrement mué en un murmure entêtant, une question qui se creusait dans la cervelle de chacun, une phrase s’imprimant dans les chairs. Et si nous pouvions être réellement libre, d’être nous-mêmes, divergeants, différents, unique, biaisés, faibles, tordus, pervers ou sataniques ? Il n’y avait pas là une élite, pas de grand mage destinés à marquer l’histoire de la magie, mais des gens qui ne rentrait pas le moule que la Blanche Confrérie avait fondu.

« La confiance en chacun d’entre nous, il nous faudra la gagner, la sécurité c’est par nous-même que nous l’obtiendrons, le savoir nous l’accumulerons par nos recherches, nos plans pour remporter sur eux, affirmer nos valeurs et notre différence, cela prendra du temps mais il n’est de quête intéressante que si les défis que nous relevons sont assez grand pour qu’on ne les perde pas de vue. »

Elle regarda ensuite Shamina. Il fallait s’assurer que tout le monde aille dans la même direction mais surtout construire des bases solides or pour le moment tout ce petit monde semblait plus paumé et dubitatif qu’autre chose même si ses paroles semblaient avoir tranquilliser certains. Elle voulait les animer plus que les rassurer, et quelque part en cela, elle rejoignait l’allemand.

Evidemment, je ne m’attendais pas à un débordement euphorique.

Si. En fait, si. Oui, putain, je m’attendais à ce qu’on se coupe la parole dans tous les sens, et qu’on s’apostrophe à grand coup de rhétorique bien maîtrisée. On m’avait pourtant prévenu, ce qu’on s’apprête à faire là, c’est comme redonner des jambes à un homme tronc. S’attend-on dans ce cas-là à ce qu’il courre un cent mètres ? Non. Ses nouvelles jambes ne répondent probablement pas comme il le veut, et avant de pouvoir courir, il lui faudra apprendre à se relever. Car les chutes seront nombreuses, périlleuses. Heureusement, Yuma brise le silence et ses paroles sont certes attendues, convenues, mais elles incarnent l’âme même de ce qui nous rassemble.

Un signe de tête adressé à Noah, lorsque Laughlin fait mine de nous quitter, suffit à le lancer à sa poursuite. Trois jours auparavant, il avait déjà repéré son hésitante présence dans le quartier et me l’avait rapportée. Nous nous attendions, lui, Freyja et moi, à ce que notre petite association attise certaines hostilités. Mais, si aucun incident délibérément hostile à notre encontre n’a encore été à déplorer, c’est probablement parce que nous n’avons pas lésiné sur la sécurité. Aussi discrète soit-elle, nul n’entre ou ne sort d’ici sans que les informations qui courent à son sujet ne soient récoltées et analysées. Au moindre truc louche, la consigne est de fouiller. Or il se dit tant et plus de choses à propos de Laughlin... Il s’en disait autant de moi, et à raison parfois.

Après ces deux interventions, plus ou moins délicates, celle de Vinzent agit comme un séisme. Il n’en a peut-être pas tout à fait conscience, mais ce qu’il dit résonne particulièrement à chaque oreille. Chacun ici est visé par ces flèches qu’il décoche. Il me tourne le dos, mais dans le regard de l’assemblée je distingue les reflets de ses prunelles incandescentes. Celles-là même qui m’ont moi-même mystifié en d’autres occasions. Comme je m’y attendais, Freyja s’engouffre dans la brèche. Après la brûlante claque, la glace. Celle-ci semble, dans ces circonstances, apaisante et inoffensive. Lorsque nos regards se croisent, j’esquisse un sourire amusé et même presqu’admiratif. Cette femme n’a pas son pareil pour posséder les gens...

« J’vais être honnête. L’altruisme, la confiance... J’m’adresse pas à vos idéaux, moi. Vous pouvez croire que ce qu’on a à accomplir nous dépasse, nous transcende. Ou vous pouvez penser que c’est un bon moyen de se faire des couilles en or. C’est votre histoire. Et même si elle nous intéresse, au fond c’est pas nous qui allons devoir vivre avec. Mais putain... pardon... mais, zut, c’est par égoïsme déjà qu’on devrait prendre tout ça au sérieux. J’veux dire... moi, personnellement, j’vaux pas grand chose. Y a pas d’feu au bout d’mes doigts, et j’connais pas le futur. En plus j’ai pas fait d’études, et j’ai assez de doigts pour vous montrer combien d’fois j’suis sorti de la Louisiane. Sans vous, j’suis foutue. »

C’est la vérité. Aussi désobligeante sonne-t-elle.

« Mais peut-être qu’il y a un mec ici qui s’en sortira grâce à moi. Parce que j’peux peut-être pas faire apparaître de feu, mais avec ces mains-là, j’peux l’empêcher de se propager dans votre chair. J’suis peut-être pas éduquée, n’empêche que j’sais d’emblée quand on essaye d’m’enc... m’embobiner. Et ça, bah... c’est peut-être ce qui peut sauver un ou deux culs ici, nan ? »

La plupart d’entre eux sont venus parce qu’ils connaissent cette Shamina-là. Celle à laquelle le commun peut s’identifier, sans s’en sentir menacé pour autant. Ma mère aussi avait ce don-là, de savoir mettre les gens en confiance sans forcer, sans feinter.

« En agissant chacun de notre côté, on leur a donné des centaines de prétextes pour nous écraser et nous soumettre. Tout ce qu’on vit, là, c’est juste de notre faute. La Blanche Confrérie et tous les connards d’extrémistes, ils ont bon dos ! Mais c’est parce qu’on a été trop cons, depuis le début, qu’ils ont prit l’avantage ! Alors non, c’est pas le moment ou jamais. Si on échoue, les prochaines générations réussiront. Ca sera juste plus dur à chaque fois. Mais bon, dans l’intervalle, on peut être l’épine dans leurs souliers. Rien que ça, déjà, ça sera une réussite. Et moi, perso’, j’ai rien à perdre. »

J’espère, en prononçant ces dernières paroles, que Laughlin les aura entendues. Elle, et tous les sceptiques, au nom desquels elle semblait parler.

Cette clope j'en ai, mais alors vraiment de chez vraiment, envie. Et pas seulement pour puer la nicotine froide à des kilomètres à la ronde - même si l'amende est honorable pour foutre en rogne ma charmante coloc qui banni toute forme de délit mineur tout en s'adonnant au vice majeur elle-même nuit et jour. Non, l'odeur c'est un petit plus personnel. La dernier raison à faire témoigner en sa faveur quand on sait que le procès est sur le point de tourner en sa défaveur.
Mais ici, ce soir et maintenant, c'est juste une envie insaisissable qui se rapproche dangereusement du besoin. Je n'irai pas jusqu'à dire que je suis accro, une sorte de junkie de soft ... mais c'est tout comme. Surtout dans des moments pareils. Dans des endroits glauques qui foutraient la pétoche à un quelconque individu normalement constitué. Avec les craintes et les espoirs de monsieur et madame tout-le-monde. Les stéréotypes d'une société qui se voile la face en prétendant qu'elle ne court pas à sa propre perte: une maison, une femme, un gosse. Eh bien figurez-vous que ce beau petit tableau n'est qu'une vaste blague! Je squatte un appart, de luxe certes, mais qui me coûte la blinde même si ma toujours aussi charmante coloc aboule plus de la moitié des billets. Avec un chien qui tient le rôle de môme insupportable et indésirable de surcroit, et une vie affective qui tiendrait une place d'honneur dans les auditions pour le remake des feux de l'amour.
Et encore, je ne parle que de mon propre vécu de la gloire éternelle. Inutile de préciser que je m'en tire plutôt bien pour une erreur de la nature.

Soyons honnête un instant, c'est ce qu'ils se disent tous là juste de l'autre côté de cette porte dont je me rapproche de plus en plus. Pas moyen d'évoluer parmi la "normalité" quand on cache dans ses gènes un truc aussi infect qu'infâme. Mentir, mentir et re-mentir. Et pour quoi?! Pour garder un job que vous maudissez chaque jour un peu plus? Pour se permettre de courser une nième le clébard dans le parc sans se faire tirer dans le dos? Pour se faire recaler tout autant de fois au commissariat de police le plus proche qui ne rêve que d'une chose: élire un nouveau politicien aux convictions Humains d'Abord afin d'obtenir carte blanche pour lattage de gueule en bonne et due forme?
Et la justice dans tout ça? Hey guys, time to wake up! Marche ou crève! Soit tu te la joues Watchmen, soit tu te terres dans ton trou jusqu'à ce qu'une nouvelle ère s'ensuive. Et comme ça n'est pas près d'arriver tant que ...

Mon pas prend halte à quelques mètres à peine de la porte qui m'a vu entrer ...
Je déteste quand ma mémoire fait ça. Quand elle passe en boucle tous les visages précédemment rencontrés. Quand d'elle-même elle leur colle des étiquettes de couleur. Quand elle enfonce le clou en me rappelant que de nos jours être "sorcier" - Dieu que je déteste cette vulgarité gratuite - c'est pas un cadeau du ciel et que tu ferais mieux d'y réfléchir à deux fois avant de refaire exploser la spa du coin. Bon d'accord d'accord, erreur de calcul! Mais je persiste et signe que Archi est le premier responsable de ce carnage!

C'est à ce moment-là que j'entends un bruit de pas dans mon dos. Un pas qui court. Quelqu'un tente de me rattraper. Quelqu'un tend le bras au vu de me saisir l'épaule. Quelqu'un a oublié que dans un monde où ce genre de réunion est devenu quasi inévitable, c'est la loi de la jungle qui règne.

Même pas besoin d'années et d'années de cours de self-défense pour sentir le coup fourré arriver. Pour cela il suffit de porter le nom de CESS dans une ville américaine.
J'aurais pu lui foutre un direct du droit en plein face. Prenant en compte sa vitesse de croisière et un soupçon de mon pouvoir dans les phalanges, ça aurait fait une anecdote mémorable. J'aurais pu. Et croyez bien que ce n'est pas l'envie qui m'en manque.
Est-il que j'ai encore d'autres chats à fouetter avant de pouvoir me permettre de porter - supporter - le mauvais rôle de ce conte de fées morbide. Et puis, il y a cette histoire de clope aussi.

Du coup je ne fais qu'esquiver. Il est arrivé trop vite. Trop sûr de lui. Un pas de côté et voilà déjà qu'il me dépasse. Je ne lui porte aucune attention. Déjà je retourne sur mes pas. Mes mains dans les poches. Je ne peux empêcher un soupire de faire écho dans le couloir. Mais pourquoi ne suis-je pas tout simplement aller me soûler la tronche dans un bistrot du coin?!!

Mais putain ...
Voilà les premiers mots auxquels j'ai droit quand je retourne dans la pièce de cet attroupement de CESS anonymes. Pourquoi ne suis-je pas étonnée de découvrir que c'est Shame qui lui a donné naissance? Au moins ça a le don de m'arracher un semblant de sourire.
Je me fraye un chemin entre les convives et prend place sur une table d'artefacts magiques. Bah quoi, ils n'avaient qu'à prévoir des chaises en suffisance. Ils doivent bien avoir un médium dans le tas non?

Pour l'instant je la ferme et je me contente d'écouter les autres déblatérer leurs idéaux. Entre Shame qui nous fout la claque magistrale du "ceci est notre faute, arrêtez de vous cacher sous des excuses à deux francs" et l'homme qui se sait pousser les ailes d'un justicier j'avoue que j'ignore si je dois en rire ou en pleurer.
Rapidement une autre voix s'élève du public et vient réclamer son instant de gloire. Mais est-ce qu'ils se rendent seulement compte du rendu que ça donne? Du message sous-jacent que ça prône? C'est moi où ça frôle la propagande terroriste là? Décidément, il me plait de plus en plus ce petit rassemblement en schmet!

Allez hop je me lance, avant que quelqu'un vienne me couper dans mon élan semi-euphorique.

Tandis que toi, de par ta nature que tu n’as pas décidé d’arborer, tu te noise dans tes propres boyaux en attendant qu’un vagabond vienne te soustraire ta moelle épinière pour la vendre contre quelques grammes de shit.

Bien que, la prime m’aidera peut-être à glisser une tranche de beurre maigre dans les épinards.

J’ai beau ne pas être la femme parfaite, ça n’empêche que j’ai pas envie de trainer des innocents dans ma boue à moi …

Le nécromant qui avait jusqu’à présent assister à la réunion d’une manière somme toute lointaine. Il était venu pour le fric, ici il pourrait revendre ses artéfacts à des connaisseurs, il en avait l’assurance. On lui avait dit de venir ici ce soir, et il avait obéit, parce qu’il ferait n’importe quoi pour quelques billets de plus. Que voulez-vous, ça doit être son côté gitan, on dit que ce sont tous des voleurs. Quoi qu’il en soit, il écoutait ce petit monde, ceux qui pensaient n’avoir pas besoin des autres, ceux qui voulaient en découdre avec la Blanche Confrérie, ceux qui avaient peur de s’en prendre une en retour, les oreilles grandes ouvertes, il examinait chaque témoignage et notait mentalement qui possédait tel caractère ne doutant pas que tous allaient devenir ses partenaires de crimes. Seule Shamina parlait un langage qu’il connaissait. Le Balan n’en avait rien à cirer de la Blanche Confrérie, qu’elle vienne le chercher, qu’ils viennent tous, ça faisait des années qu’il brisait les lois, toutes les lois, et personne n’était venu. Si on était un minimum intelligent on ne se faisait pas pincer. Et puis, au pire quoi ? On grillait sur une chaise électrique, beau programme tout ça, au moins on se sera bien marrer.

Au fond, il espérait que les choses tourneraient ainsi, qu’on allait vraiment construire quelque chose dans cette cave sentant le renfermé et l’humidité. Tout le monde s’emmerdait, soyons franc, ramener du pain sur la table le soir, se taper la popote, c’était chiant à mourir, même lui se faisait chier dans son trou à rat certes confortable mais totalement indifférent. Parfois il s’amusait avec un vampire un peu curieux, un humain qui savait courir assez vite, ou n’importe qui le surprenant, mais ça ne suffisait pas, jamais. Il avait besoin de plus que ça. Ils avaient tous besoin de plus que ça. Le méritaient-ils ? S’ils s’enfonçaient dans de larmoyantes et lâches justification à leur comportement minable, probablement pas, en revanche s’ils acceptaient le jeu et ses règles, carrément. Qu’ils se fassent de la thune ensemble, sur leur dos à tous, ces troufions qui les prenaient pour des bêtes de criques, qu’ils leur fasse manger à tous leur stéréotype et surtout qu’ils la leur enfonce bien profonde. N’était-ce pas ainsi qu’il dirigeait désormais sa vie ? On l’avait accusé d’être un enfoiré, un tueur, à tord au début, maintenant il l’était. Ne jamais chercher à fuir, à retirer l’étiquette, on vous l’enfoncera si vous luttez, en revanche, si vous la portez fièrement, personne n’osera plus vous emmerdez.

« On est tous fiché, tous surveillés, que ça soit par les uns ou les autres, qu’est-ce que ça change ? Oui, ils finiront par nous avoir, on n’est pas dans putains de sorciers de la mort, et comme dit Shamina nous n’avons pas tous des flammes au bout des doigts, mais vous voulez vraiment vous terrer dans le noir en attendant qu’ils viennent vous chercher ? Moi pas. »

Oh que non, il n’en avait jamais eu l’intention. Quand la BRIS viendra le trouver ou la BC, et selon les dernières news il y avait des chances pour qu’ils viennent ensemble, main dans la main, si l’accord était réellement passé, il y aura un beau tas de cadavre et tout une histoire follement amusante à leur propos, et son nom à lui s’écrira dans les gros titres, il laissera une trace et avec un peu de chance, il ne s’arrêtera pas là. Soit il est dérangé, et probablement qu’il la vaut la taule qu’on lui promettra, même la chaise électrique, il la mérite, n’empêche qu’il les fera chier jusqu’au bout.

« Nous ne sommes peut-être pas des mages surpuissants, et sans doute pas des caïds, mais ensemble on peut la leur mettre bien profond, et au passage s’enrichir, que ça soit en pièces sonnantes et trébuchante ou en magie. »

Il observa l’assemblée, ces visages silencieux et inquiets aussi bien que les yeux vifs et brillants qui étincelaient d’une excitation nouvelle. Voulaient-ils vraiment retourner dans leur misère quotidienne ?