JORAH   HARLOW   LANNISTER

Feat Ryan Reynolds

PRELUDE

Traits de caractères A lire quoi dans ses yeux, d’abord ? Il parait que ça a un nom. Cela s’appelle le Trouble de Stress Post-Traumatique, à quelquechose près. La même psychose que les soldats revenus du Vietnam, sauf que ces soldats là n'avaient jamais la crainte que de ne mourir une seule fois. Même si Jorah refuse de psychanalyser son état et refuse de le reconnaître. Il y a deux mois encore, il était aux griffes de vampires s’amusant comme des petits fous de sa capacité de régénération. Souffrir, puis mourir jusqu’à plusieurs fois par nuit n’avait rien d’un plaisir, et le chasseur y a laissé une partie de sa santé mentale. Son éducation l’avait préparé à beaucoup, mais sans doute pas à tant.
De jour, ou en l’absence de stimuli propices à sa névrose, Jorah arrive à se contrôler sans trop de mal. Il peut passer facilement pour l’homme qu’il semble être. Souriant, charmant, amical sans être une chiffe. Il a l’air un peu fatigué, certes, mais qui ne l’est pas dans la vie active de cette époque troublée ? Bien sûr, s’il reste un chasseur, et l’action ne l’effraye en rien, mais par défaut, il serait plutôt désormais du genre à réfléchir… non, à hésiter, avant d’agir. Au moins a-t-il gagné un peu de sagesse, les dernières péripéties ont largement freiné son goût du risque.
Depuis sa désastreuse expérience vampirique, la nuit a sur lui une exécrable influence. Difficultés à s'endormir ou sommeil interrompu; irritabilité ou accès de colère; difficultés de concentration; hypervigilance; réaction de sursaut exagérée, tous les symptômes du stress le prennent à la gorge. Il subit également de troublantes pertes de mémoire, ou plutôt son esprit élude t’il des minutes, passages nocturnes uniquement et très récents, dont il n’arrive pas à se souvenir. Mais ce qui l’effraie surtout est cette fascination qu’il a désormais vis-à-vis de la destruction. De la barbarie, du sang, le sien, ou celui des autres. Le voir, le toucher, sentir son odeur. Il ne sait pas exactement d’où cela découle, ce qu’ils ont dû lui faire, mais cette nouvelle partie de lui le dégoûte, lui fait peur, et l’excite aussi terriblement. Comme Dr. Jekyll et M. Hyde, mais la tête de monstre en moins.
Ce qu’il redoute aussi, c’est de recroiser un vampire. Oh, cela arrivera, c’est certain. Il songe d’ailleurs tous les jours à se venger de ses tortionnaires, mais il n’est pas encore prêt pour la confrontation, il le sent, et en arrive à perdre tous ses moyens rien qu’à cette idée. Il évite donc avec précaution tous leurs lieux de rassemblement… Hélas pas facile quand on habite et travaille à Stoner Hill.
Voir un psy ? Ce serait une solution, si Jorah était un homme normal, se considérant comme normal, avec un problème normal, et un passé normal. Non, comme tout chasseur qui a appris depuis tout petit que la vie est une pute, il pense devoir se débrouiller seul. L’homme aux traits fatigués qu’il est est persuadé qu’il peut s’en sortir par lui-même.
(Nota : future évolution à jouer en RP : meurtres d’humains et CESS au programme, folie morbide, et vendetta. Whouhou !).
Occupation nocturne Quand on nait chasseur et qu’on grandit comme tel, on ne pense pas vraiment qu’il faudra un jour se recycler. On ne pouvait pas prévoir la Révélation, aussi Jorah n’a-t-il jamais vraiment appris de métier, sauf celui qui consiste à zigouiller des CESS. Et il était doué. Cependant il ne manque pas de connaissances générales, c’était un gros liseur (ça occupe pendant les trajets en voiture), et il est en train d’acquérir de bonnes bases en gestion d’entreprise (merci les cours sur le net). Gérant du Silver Bullet, c’est désormais son nouveau métier, définitif ou pas, il ne sait pas encore. La journée, vous le verrez par là, ou en ville, vaquer aux affaires d’un humain à ce qu’il semble tout à fait normal. Il avait connu l’ancien propriétaire étant enfant, à croire que le gars ne l’avait pas oublié en lui léguant la boutique.
La nuit, par contre, il évite de sortir, et quand il le fait, c’est par pure thérapie, car il croit que se forcer lui rendra son courage. Mais à petite dose ! Déjà car il ne se contrôle pas lui-même, et ne compte pas passer pour un fou dangereux à peine arrivé en ville, mais aussi à cause de sa crainte de rencontrer un vampire. C’est encore trop frais. Et malgré sa fierté de chasseur…. Mouais non, pas maintenant. Plus tard. Oui oui, bientôt. Il reste donc dans l’appartement au-dessus de la boutique. Il tourne et vire, cherchant de l’occupation dans son insomnie latente. Le sommeil est rare pour lui, et à chaque fois que ses yeux se ferment trop longtemps, ses souvenirs le ramènent dans ses nuits de cauchemars. Boire ne l’aide pas vraiment à aller mieux, alors il ne s’y attèle pas spécialement. Il préfère écrire, illustrer ses carnets de chasseur, et surtout, surtout, s’assurer que sa forteresse est imprenable. Et sa sécurité assurée.
Capacité Régénération cellulaire :  Capacité à guérir de n'importe quelle blessure sans conserver une seule cicatrice. Jorah peut guérir de tout, même d'une balle en pleine tête. Mais sa capacité ne fonctionnant pas à la vitesse de l'éclair, il lui est déjà arrivé de se réveiller en pleine morgue, enterré vivant… Ou pire : être torturé ad lib par les vilains qui auraient décidé de jouer avec cette si amusante capacité. True Story. Jorah semble plus vieux que la biologie de base l’aurait voulu, pour avoir trop souvent dû recourir à son pouvoir. Il estime avoir déjà perdu environ dix ans de capital vieillesse, mais ça n'est pas une science exacte. C’est beaucoup, même il ne s’était de toute façon jamais réellement imaginé papy grabataire entouré de petits enfants.
Jorah a développé ce don depuis l’enfance, ça lui avait bien rendu service après avoir posé sa petite main sur une plaque de cuisson brûlante. Antje avait été très désappointée par ce pouvoir, qu’elle jugeait manquant de finesse, et surtout qui n’avait rien d’offensif ou de mystique. Jorah, lui, trouvait ça génial : une bagarre dans la cour ? Pas d’œil au beurre noir. Une cheville foulée pour avoir sauté par la fenêtre à cause d’un pari débile ? Effacé. Que cela le fasse aussi vieillir ne l’inquiétait pas étant enfant, on cherche toujours à grandir plus vite à cet âge. C’est une fois adolescent qu’il comprit que sa vie risquait aussi d’en être considérablement réduite.
Pendant longtemps il a donc fait attention à son intégrité physique, ne se servant de cette capacité qu’en cas d’échec. Pour recommencer une partie après un Game Over, quoi. Comme de toute façon ça n’est pas un pouvoir qu’il contrôle, qu’il ne peut pas suspendre, il ne tient qu’à lui d’être prudent, comme tout humain lambda. Ces derniers temps cependant, son pouvoir a été sur-exploité, il n’a pas encore tout à fait l’habitude des changements physiques que cela implique, en plus du trouble psychologique.
Concernant les esprits, ce genre d’observation de l’au-delà avait toujours été plus du ressort d’Antje. Jorah n’avait pas la patience et pas vraiment le goût pour le surnaturel éthéré. Néanmoins ayant été éduqué par une Shimmel, le jeune homme n’a pas de lacunes dans les bases de la médiumnie. Disons qu’il s’en fiche assez, et arrive très bien à faire abstraction des esprits.
La traque continue Il était une fois un papa, et une maman, le papa plante une petite graine, et pouf, ça fait un chasseur. Jorah a ça dans le sang, il est au croisement de deux lignées : Shimmel et Lannister, et par ce fait il n’aurait de toute façon jamais eu l’idée de devenir comptable. Elevé, bercé avec des histoires de traque, Jorah chassait un peu tout ce qui se trouvait sur son chemin, pourvu que ça soit un monstre. Il était encore un tout jeune chasseur au moment de la révélation, et n’a pas arrêté son œuvre, même après l’abandon de la Guilde, dont il faisait partie. « Tant pis ». Mais ça n’était parcequ’ils étaient connus que les CESS étaient moins dangereux, et Jorah avait décidé de continuer la traque. De plus en plus seul cependant.
Concernant ses armes de prédilection… Vous avez vu Indiana Jones ? Le premier. Le passage ou il tue un grosbill à sabre avec juste une simple balle? Et bien Jorah lui ne l’avait pas manqué. Les armes blanches, c’est beau, tout brillant, mais quand même nettement moins pratique d’un Desert Eagle. Il sait démonter, réparer, remonter et se servir d’à peu près toutes les armes à feu du commerce, des plus habituelles aux moins courantes, et a eu la chance d’en utiliser pas mal au cours de sa vie de chasseur. NRA nous voilà, quoi. Il est également très habile pour viser juste, mais a néanmoins perdu pas mal de ses capacités avec sa dernière expérience vampirique. Ses mains tremblent, il n'a pas encore l’habitude des années accumulées par son corps et ses muscles en si peu de temps, de l’entrainement est sévèrement nécessaire.
Convictions Un chasseur apprend à baser sa vie sur une vérité : le péquin moyen n’a pas à savoir tout ce qui se trame dans l’ombre. Le Monde n’est pas prêt. Les humains normaux, ce qui se lèvent tous les matins, métro, boulot, dodo, n’ont pas connaissance de leur existence, encore moins de leurs proies. Jorah n’était free lance que depuis un an quand la révélation leur était à tous tombé sur le coin du nez. Et même si cela remettait en jeu leur rôle, il avait décidé de ne rien changer à ses habitudes. Etait-ce un mal, un bien ? C’était ainsi. Les monstres n’étaient pas moins dangereux, ils avaient toujours besoin de se nourrir. Un mea-culpa collectif ? Mon cul ! Le chasseur avait donc assisté à la levée de tous les secrets, une race après l’autre, sans spécialement s’en faire. La dissolution de la guilde rendait leur métier nettement plus compliqué. Nombreux furent ceux à simplement cesser leurs activités, mais pas Jorah. Mettez ça sur le compte de la fougue de la jeunesse. C’était mieux avant… non, c’était plus simple avant, pas mieux. Mais il ne fallait pas que la traque cesse. Et si désormais Jorah ne chasse plus de façon active, comme avant, cela n’a rien à voir avec la révélation. La même expérience avant aurait eu le même effet, sans doute. Ou alors avant, ils auraient été plus nombreux, mieux préparés… On en changerait des choses, avec des Si.
Signes particuliers Tatouage Shimmel, de type fixe, situé entre les omoplates. Même si il n’en porte pas le nom, Jorah possède une moitié de sang Shimmel. Il porte ce tatouage cornu exigé par Antje depuis son adolescence, mais n’en a jamais vraiment retiré de fierté ou de sentiment d’appartenance. Il n’en qu’autre, un petit canon sur le bras, car faire tenir les pigments avec son pouvoir est une vraie galère, et y a pas de raison que son tatoueur se suicide.

Chronologie

1988 : Naissance à Salt Lake City.
Sa mère, Antje Schimmel, avait décidé d’avoir un enfant comme elle avait décidé de vivre sa vie : sur un coup de tête, un jour ou un jeune et beau Lannister lui était passé sous le nez. La jeune femme, nécromancienne, avait déjà une bonne petite réputation dans le métier d’excentrique limite frapadingue, mais elle était particulièrement belle et habile, et on ne pouvait rien lui refuser. Ses exigences étaient tout de même légion en matière de compagnon de couche, et sa fierté de chasseuse de vieille famille historique ne lui aurait pas laissé d’autre choix que de trouver son pendant masculin. Janus Lannister découvrit rapidement cependant que la future mère de son enfant ne comptait pas lui laissait beaucoup de poids dans sa vie ou son éducation.

1988 – 1998 : Vie itinérante dans l’Ouest des USA & du Canada.
Antje était une chasseuse, et en tant que tel, impossible d’avoir un foyer fixe, impossible aussi d’abandonner la traque, même avec un nourrisson aux bras. Le jeune garçon vécut le plus clair de son temps sur la route. Il apprit à lire et compter grâce à sa mère, qui malgré son tempérament frivole, était plutôt stricte avec l’apprentissage de son fils. Elle ne lésinait pas non plus sur l’éducation à la Chasse.

1998 – 2000 : Jackson Hole, WY.
C’est à 10 ans qu’il découvrit son pouvoir. Il s’agissait de la même capacité que son père Janus, et Antje fut terriblement déçue qu’il n’ait pas hérité de la branche Shimmel, avec quelquechose plus porté magie, ou un don en nécromancie, comme elle. Pour se remettre de la déception que cela représentait (avis que Jorah ne comprendra jamais), elle envoya son fils passer plusieurs mois dans une branche sédentaire de la famille de son père. Les quelques mois se muèrent en 2 ans, sans qu’il n’ait de nouvelles d’Antje.

2000 – 2006 : Vie itinérante USA, Mexique, Canada.
Un après midi, Antje vint chercher son fils à la sortie de l’école. Sans s’expliquer pour la longue absence, sans chercher à faire un quelconque lien entre sa vie désormais sédentaire et son propre mode de vie, la jeune femme le reprit avec lui sur les routes de la Chasse. Elle avait changé, c’était un fait. Jorah ne reconnaissait plus tout à fait sa mère, physiquement c’était la même bien sûr, mais sa simple petite folie s’était muée en un comportement déviant. Antje ne chassait plus par vocation, mais par plaisir. Elle était plus fantasque que jamais, mais le jeune garçon suivit sa mère. Antje aimait quand même son fils, adorait son fils, vénérait son fils, d'une façon qui devint rapidement malsaine. Elle l'éduquait afin d'en faire un chasseur de premier ordre, et aimait sortir au bras de cet adolescent qui grandissait très vite, plus vite que la normale grâce à son pouvoir de régénération et aux risques de sa nouvelle vie. En grandissant, Jorah s’éloignait de cette mère omniprésente, et finit par simplement la laisser, partir de son côté, le jour de ses 18 ans. Son initiation était terminée.

2006 – 2014 : Vie itinérante USA, Canada.
Jorah ne choisit pas de retourner à la vie sédentaire qu’il avait connue, il continua la Traque, et ce même après la révélation, qui ne modifia pas tellement son style de vie. Un chasseur, surtout jeune, isolé n’était pas des plus efficaces, alors il se joignit à des groupes, jamais pour plus de quelques mois, grand maximum, parfois juste pour une seule traque. La vie solitaire lui convenait mieux, il était son seul patron, il n’avait personne pour le contredire, pour lui dire quoi faire, quoi penser, comment gagner l'argent nécessaire à sa subsistance. Pendant toutes ces années, il n’eut aucune nouvelle d’Antje, à peine en entendait il parler, au moins était elle toujours vivante.

Fin 2014 : Ouest de l’Idaho.
Le chasseur s’associa avec un groupe de chasseurs aguerris. Ils avaient un groupe de vampires en vue, des CESS louches, qui en plus d’être des nosfertus, avaient des manières étranges… macabres. A la limite de la sorcellerie. L’action avait été longuement étudiée, tout aurait pourtant bien dû se passer pour les chasseurs, mais c’est tout l’inverse qui se produisit. Ils tombèrent dans le piège, et tous moururent. Tous. Oui, même Jorah. Sauf que la nuit suivante, il était réveillé, et entier. Enfermé, piégé, au milieu de fauves qui décidèrent de lui faire payer leur visite. Il paya plusieurs fois, et avec les intérêts, avant de réussir à s’échapper. Sa mémoire est floue, il ne sait plus trop comment le miracle avait pu se produite, toujours était il qu’il reprit conscience dehors, frigorifié par la neige de décembre de cette région du Nord.

2015 : Arrivée en Louisiane.
Il fallut plusieurs semaines à Jorah pour commencer à revivre. Et encore, jamais il ne pourra totalement s’en remettre, il le sait. Après cette mésaventure, il arrêta totalement de chasser, il en était de toute façon incapable, physiquement, et mentalement. Son corps avait vieilli trop vite en trop peu de temps, il n’arrivait plus à le maîtriser, au départ ses gestes étaient désordonnés et malhabiles. Quand il reprit contact avec des chasseurs, pour venir aux nouvelles de ce monde, avec l’optique de le quitter définitivement, il apprit qu’on le cherchait : un des leurs avait cassé sa pipe. C’était un sédentaire, à Shreveport, en Louisiane, le nouveau fief des Lannister. Cet homme, il l’avait connu enfant, pendant ses deux ans au Wyoming, et leur entente avait été parfaite. Si bien que le vieux sans héritier lui léguait sa boutique ! Le Silver Bullet… une adresse connue de leur confrérie. Jorah hésita quelques temps. Il n’était pas certain de vouloir continuer dans cette voie. Ne ferait il pas mieux de totalement enterrer sa vie de Chasse ? Et puis un matin il remballa ses affaires, et sauta dans sa voiture. Il descendait en Louisiane. 30 heures de route. D’une traite ? Mais oui, ça se fait. Allez, mettons avec une petite pause…

2014 – Ouest de l’Idaho

Son diaphragme qui s’abaisse violemment, les alvéoles de ses poumons qui se remplissent d’un air vicié. Son cœur qui bat à nouveau, frénétiquement, alors que quelques secondes auparavant il était parfaitement immobile. A chaque fois les réveils étaient douloureux, Jorah se sentait désorienté et glacé. Comme un diesel froid qu’on démarre, son corps avait toujours besoin d’un instant de réadaptation après une régénération de cette gravité. La première inspiration avait traversé la trachée avec un fort bruit rauque, et l’expiration qui suivit lui provoqua une formidable quinte de toux. Du liquide sale sortait de ses poumons qui n’avaient pas été totalement vidés par les bourreaux, entraînant un instant de panique, les suites de sa noyade récente. Tous ses muscles lui faisaient mal, il était courbaturé et n’arrivait pas à bouger. Il ouvrit les yeux mais dû les refermer immédiatement, ses pupilles ressuscitées ne supporteraient pas avant quelques minutes la lumière froide et crue qui lui arrivait en pleine face.

« Ah ! Enfin de retour chez les vivants ! Enfin, façon de parler… »

Cette voix lui était familière, et son cœur se mit à battre encore plus fort, encore plus vite dans sa poitrine, répondant à ce seul son. Ses muscles au supplices se raidirent convulsivement, par réflexe, dans un besoin désespéré de fuir qui était hors de sa portée. Oui, Jorah connaissait cette voix. Le sentiment de panique s’accentuait, alors qu’il aurait voulu le faire taire : sa peur les excitait. Ses bras entravés par des chaines solides étaient tendus vers le plafond, un peu écartés, ils supportaient tout son poids. Quelques secondes après son réveil, il ne sentait déjà plus le bout de ses doigts. Ses jambes étaient liées ensemble, des anneaux serrés sur ses chevilles les maintenaient tendues vers le sol, à quelques frustrants centimètres de ses orteils. Un grognement sortit de sa gorge alors qu’il tentait de tendre les jambes sans résultat, et remuait encore, perclus de douleur dans cette inconfortable mise en scène. Pour rajouter une épaisseur au tragique de sa situation humiliante, il était nu, on lui avait ôté son pantalon tâché de son propre sang, rendu rigide et rêche par la quantité déversée, le seul rempart de dignité qu’il conservait encore jusque-là.

La réalité de sa condition lui revint en mémoire alors que son cerveau se réveillait, et il se força à regarder autour de lui, malgré la crainte et la lumière, pour tenter de se calmer. Lister sa condition, froidement, simplement, pour occuper son esprit, analytique, il se tint à nouveau immobile. Pas de murs, pas de porte, pas de limite, juste de l’obscurité. Il se savait dans une pièce sans fenêtres, sans doute en sous-sol, vu le peu de résonnance de sa respiration, et de ses cris. La même pièce depuis des jours. L’air était puant, humide et froid, et sa peau glacée. Au sol se trouvaient les traces des précédents soirs : son propre sang, des bouts de lui-même qu’ils avaient tranché ou arraché, s’amusant de les voir repousser lentement. Un spot agressif était braqué dans sa direction, rendant invisible à son regard les visages des personnes qui seraient passées sans s’approcher assez près. Seuls deux ou trois de ses tortionnaires s’étaient tenus assez longtemps dans la lumière artificielle pour qu’il en distingue les traits, mais le groupe comptait plus de membres que ça. Il le savait, malgré ceux qu’ils avaient eu le temps d’abattre. Il les avait étudiés, avant… de tomber entre leurs griffes.

Le nid de vampires n’aurait pas dû être si difficile à éradiquer, ils étaient venus à quatre chasseurs, des gars aguerris, indépendants mais habitués à s’entraider. La révélation avait brisé leur organisation, mais n’avait pas freiné leurs ardeurs et leurs convictions. Tous étaient morts, oui, même lui, mais son don de régénération que les caïnites avaient découvert le lendemain les avait rendus totalement dingues. Imaginez… Un jouet que vous brisiez sans cesse, et qui au bout de quelques heures se réparait de lui-même. Ils étaient de grands enfants sadiques et déviants qui se croyaient à Noël à chacune de ses résurrections. Combien en avait-il vécu ? Peut-être cinq déjà… Ces connards savaient faire durer leur plaisir.

Son corps se souvenait des sévices fantômes sans pourtant en garder de trace, à part quelques rides de plus, une silhouette amincie et plus sèche, sans doute. Après tout il ne pouvait pas non plus mourir de faim, et la dernière fois qu’il avait réclamé de quoi boire, ces tarés l’avaient noyé... Jorah commençait à peine à faire redescendre son rythme cardiaque qu’un grincement familier se fit entendre, suivi par une petite symphonie de bruits de pas. Combien de vampires étaient entrés ? Aucune idée, il n’avait pas réussi à compter. A nouveau la panique le prenait : quand ils se rassemblaient, cela annonçait le début de la fête… de sa fête. Combien de soirs avait-il vécu déjà enfermé pour avoir enregistré cette habitude ? « Non… » Un unique mot, une supplique soufflée d’une voix éraillée et grinçante. Une injonction qui se répète, machinalement, de toute façon personne ne l’écoute, jusqu’à ce que la douleur la transforme en un cri, jusqu’à ce qu’on l’étouffe de son propre sang coulant dans sa gorge, jusqu’à ce que la mort la fasse taire. Et que tout puisse recommencer.

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