✤ Traits de caractères Ce qui définit Alexei en premier lieu, c'est la loyauté. Elle n'est autant inflexible chez personne d'autre que chez lui. Il a appris à donner sa vie à la cause qu'il défend, à la personne qu'il défend en l'occurrence, et ce dans tous les sens du terme. Il lui a été inculqué une valeur tenace de dévotion, qui n'a jamais dépéri, autant au KGB qu'au service de la Duchesse.
Il est particulièrement minutieux, dans tout ce qu'il entreprend, de n'importe quelle tâche attribuée par Amelia, jusqu'à ce qu'il fait autour. Il l'a toujours été, mais il est vrai que les circonstances, les uns après les autres, l'ont peut-être poussé à être de plus en plus perfectionniste. Aujourd'hui, aucun reproche ne lui est fait sur sa précision dans l'accomplissement de sa tâche.
Il est de nature particulièrement effacée, discrète. Se faire remarquer en public est bien la dernière de ses intentions. Il n'aime pas que l'on pose le regard sur lui, et il vivrait bien sans que personne ne lui prête attention. De toute façon, son vampire ne lui en plus demande pas plus, n'ayant pas besoin qu'il outrepasse ce trait de son caractère.
Mais ce pourquoi, entre autres, Cinead l'a choisi pour qu'il soit le marqué d'Amelia, c'était son côté protecteur. De par sa loyauté, il tient, plus qu'à sa vie, à défendre de son corps la personne à laquelle il tient. Et la Duchesse est certainement l'une des seules personnes sur Terre à bénéficier de cette dévotion infinie qu'il a envers elle. Mais n'importe quelle personne à laquelle il s'attache fera partie de ce groupe si restreint de personnes qu'il voudra protéger jusqu'à la mort.
Mais Alexei à la rancune tenace. Dès que vous attentez au peu de confiance qu'il vous accorde, vous vous en faites un ennemi éternel et peu commode. A ce sujet-là, il a bonne mémoire, et une grande imagination. Le KGB lui a appris quelques méthodes efficaces pour soit marquer le coup durablement, soit tout simplement empêcher physiquement une récidive. Pour les coups bas de moindre importance, le traitement est évidemment plus léger, mais même pour peu, sa confiance est difficile à obtenir par la suite.

✤ Occupation nocturne Alexei est le majordome de la demeure coloniale d'Amelia. Il se charge de l'organisation du manoir, de la direction des deux domestiques, et du service personnel de la Duchesse. Au-delà du simple fait du rangement (surtout le contrôle du rangement), du rôle normal de majordome, (soit être au service de la maîtresse de maison en permanence, entre autres), il y a une dimension très particulière dans son travail quotidien. En effet, servir un vampire change quelque peu la nature des attributions. Il faut soustraire les repas, dans le sens humain du terme, du service, et donc le rôle d'un cuisinier s'en retrouve superficiel. Mais il n'en reste pas moins qu'un vampire doit se nourrir, et Alexei est tout de même en charge de cette tâche. En temps normal, elle peut se contenter de ses marqués et des deux descendants de feys à sa portée, mais parfois, lorsqu'elle « prend le thé », il faut que le sang lui soit apporté, et c'est la majordome qui s'occupe de fournir. Il sélectionne donc des personnes afin qu'elles puissent servir de « boisson », des nécessiteux comme des admirateurs. Et le jour, il monte la garde dans la demeure pendant le sommeil de sa dame.
Mais il a des centres d'intérêt extérieurs, sinon quoi sa vie serait bien monotone. Depuis le KGB, il pratique du sport, plus précisément de la préparation physique, comme par exemple du footing ou de la musculation, pour s'entretenir. Bien qu'il n'ait plus autant besoin d'affûter des capacités physiques comme autrefois, il reste néanmoins le besoin de maintenir un certains niveau pour servir de garde du corps pour son vampire. De plus, pratiquer un peu de sport est devenu un hobbie important dans son quotidien.
Ayant été espion, et ayant même appris à aimer ça, l'envie de récolter des informations est restée même après qu'il ait été démis de ses fonctions. De l'écoute discrète à la filature, il s'informe très curieusement sur certaines personnes dont il a entendu parler, notamment des connaissances d'Amelia sur le continent, mais aussi les personnalités de la ville. Il le fait surtout à son compte, pour garder éveillés ses réflexes d'agent, mais parfois, la Duchesse lui demande de l'informer sur une personne, ce qui donne donc un but précis à son espionnage très officieux.
Alexei a développé une autre passion quand il était en Russie, mais au-delà de son poste au KGB. Il a très tôt trouver de l'intérêt pour les motos qu'il a appris à conduire comme à entretenir. Il a peu à peu obtenu de quoi conduire les motos aux cylindrées imposantes, et a dès lors toujours eu une pour son usage personnel. Aujourd'hui, il fait surtout ses sorties de nuit, lorsqu'il n'a plus surveiller Amelia dans son sommeil, mais il fait toujours de sorties. Il porte un soin particulier à la contrôler presque tous les jours, et sait la réparer sans aucun problème.
Avec cette moto, mais parfois juste à la marque, il aime connaître la pays dans lequel il vit. Il s'agit surtout de connaissances géographiques à petite échelle, donc il se promène, de jour ou de nuit en fonction de ses possibilités, afin de découvrir les paysages de sa région. Il connaissait Moscou et ses alentours comme sa poche, tout comme Paris ; et c'est désormais le tour de la Louisiane, qu'il quadrille en moto, ou à pieds dans le bayou, dès qu'il en a l'occasion.
Enfin, depuis qu'il a dû apprendre le français et l'allemand au contact de la Duchesse, il a pris goût à l'apprentissage des langues. Bien qu'il eut ainsi appris trois langues, il ne voulut pas se contenter d'une connaissance de base de ces dernières. Il apprit donc en détail les deux langages, puis s'attaqua à l'anglais et l'espagnol. Comme tout le monde, il n'a pas d'aisance pour apprendre les langues à son âge, mais sa rigueur et sa curiosité lui servent fidèlement, et il apprend donc encore l'espagnol, tandis que son anglais est quasiment confirmé.

✤ Manies, habitudes & goûts Alexei est quelqu'un d'assez gourmet. Il aime découvrir et apprécier les aliments. Cela ne lui vient pas de Moscou, mais de Paris, lorsqu'il est allé y habiter après la chute du mur. Il a découvert que l'alliance des goûts rendait les repas nettement plus intéressants à manger, à vivre. Vivre avec Amelia ne l'a pas arrêté dans cette sorte de centre d'intérêt, au contraire. Il s'est même mis à déguster certains alcools, puisque les journées sont longues, et les repas tout autant. Pas du tout inquiété par les risques sanitaires liés à l'alcool, il en boit des quantités importantes, sans vraiment se rende compte du trop. Il aime repérer les alliances de goûts, mais aussi les goûts exotiques, découvrir les variantes insoupçonnables. Le seul ennemi culinaire de Alexei est le fast-food. Anti-américain, et l'un des derniers combattants de la consommation de masse, le fast-food en est un représentant fier et important. De plus, son argument premier est la mort du goût dans cette production en chaîne, comme beaucoup de défenseurs de la restauration classique.

✤ Relations avec votre vampire La relation entre Amelia et Alexei est plus que fusionnel. Elle ne partit pas sur un coup de foudre, ni pour l'un, ni pour l'autre, mais ce fut néanmoins dans la promptitude qu'elle s'établit. La marque scella une relation basée d'abord sur une confiance sans faille, puis, à force, sur une ambiguïté entre amitié et amour. En tout cas, Alexei ne peut le nier, il ressent quelque chose, depuis bien longtemps. Une fragilité, à la fois apparente et secrète, qui avait d'abord attiré puis séduit le russe. Il le savait, elle avait effectivement besoin d'une épaule sur laquelle se poser. D'une sorte de confident. Et ce fut sans aucune hésitation qu'il accepta ce rôle, sous le charme de cette jeune femme d'apparence. Aujourd'hui, la connexion est totale, il existe même une dépendance mutuelle : Amelia semble avoir besoin de lui, comme un esprit protecteur et un confident précieux, et lui a manifestement besoin d'elle. Pas seulement physiquement, pour sa survie, mais aussi mentalement. Ce semblant d'amour qu'elle lui porte le rend clairement dépendant d'elle, bien qu'en fait, Cinead accapare principalement son esprit. La connexion entre eux est littéralement télépathiquement, puisque la marque leur permet une communication par la pensée. Ils l'utilisent fréquemment surtout en dehors de la demeure. Mais la fouille d'Amelia dans la mémoire de Alexei semble réveiller les souvenirs les plus glauques du KGB, ce qui a pour conséquence de faire enter en conflit une conscience honteuse et une conscience de déni, ce qui nuit clairement à sa santé mentale. Quant à sa discipline, il n'en a absolument pas cure : dès qu'il a pris conscience de la faiblesse de ce don, il ne le cultiva plus une seule fois.

✤ Convictions Il a pris cette affaire de Révélation avec une indifférence si affligeante que l'on aurait pu croire qu'il l'a fortement exagéré. Mais en fait, c'était exactement ce qu'il pensait de cette histoire. Que son identité, même si elle était récemment acquise, soit découverte, ne importait pas le moins du monde. Il pourrait envoyer un courrier de masse et y écrire qu'il est marqué, et à qui il est marqué, et ne pas le regretter une seconde. Peut-être ne se rend-t-il pas encore vraiment compte de na nouvelle nature, non plus. Mais au regard de ce qu'il est aujourd'hui, il semble assumer la marque : il ne peut pas nier être rajeuni de 30 ans, puisque c'est particulièrement ostensible. De plus, son comportement envers les humains est plus ou moins celui que l'on voit chez les marqués assez anciens, c'est-à-dire une sorte de mépris, discret mais réel. Il n'a plus grand-chose à faire avec eux et ne s'efforce d'avoir quelque contact avec eux. L'étape ultime à propos du surnaturel a surtout été pour lui la découverte des CESS lorsqu'il a fait connaissance avec Amelia et Cinead en 1989. Plutôt incrédule, il lui a fallu du temps pour admettre que tout ce qu'il savait de la nature était incomplet, que des races surnaturelles coexistaient dans l'ombre. Mais après une longue période d'adaptation, il a fini par accepter ces vérités, et découvrir d'autres détails du surnaturel ne le surprend plus aucunement. Il a toujours considéré avoir assez de sujets de réflexion plus intéressants pour pouvoir se passer de méditer sur celui-ci, sur la question du « Etait-ce mieux avant ? ».

✤ Signes particuliers Ce qui pourrait le distinguer est volontairement occultée, et, heureusement, difficilement affichable. Premièrement, une grande cicatrice occupe une bonne partie de son torse, un trait peu large d'apparence profonde. Elle remonte à la sombre période où il travaillait pour le KGB, à un combat où une arme blanche a atteint sa poitrine, et fendu sa peau sans atteindre d'organes. Elle est cependant là depuis tout ce temps, comme pour rappeler incessamment ce qu'elle signifie.
Autre symbole de valeur : le tatouage d'une faucille noire sur l'épaule gauche. Tatouée dans la même inclinaison que la faucille du symbole communiste, c'est son père adoptif, et chef du KGB de l'époque, qui lui a fait faire tatouer. Il interprétait le symbole communiste d'une manière originale, imaginant la faucille comme les agents du pouvoir, et le marteau comme les travailleurs (assez éloigné de la conception originelle). Mais bien que son père soit mort depuis longtemps, et que le KGB constitue un passé lointain, la simple évocation de ce tatouage, ou le voir dans un miroir, lui flanque un frisson terrible, froid comme la mort. Seul Amelia connaît l'existence de ce tatouage, fort en signification tel qu'il a été réalisé.

Alexei naquit le 21 Mars 1961, au crépuscule de l'hiver. Sa famille vivait dans une situation très irrégulière dans une misère peu gérable. La mère ayant un état de santé déplorable, elle mourut en couche, laissant le nourrisson sous la seule garde de son père. La situation financière ne s'arrangea pas, de telle sorte qu'il n'était pas parti pour vivre une vie où rien ne manquerait.

En 1962, son père, conscient qu'il ne s'agit pas d'une vie agréable, ni même d'un contexte politique idéal prend une décision très difficile. Incapable de faire vivre son fils, il choisit de laisser la providence choisir si elle lui donne une meilleure qu'il avait su lui donner. Il arpentait les ruelles de Moscou, hésitant chaque seconde plus que la précédente, mais assuré qu'il s'agit de la seule solution. En marchant, il trouva, une benne, visible depuis la rue, et posa donc Alexei, enroulé dans plusieurs couches de tissu, dessus. Une larme, aussi froide que la température ambiante, coula sur l'entièreté de son visage pour tomber sur le front du nourrisson, et un « Milles pardons, Alexei. » s'évada, empli de regret, de sa bouche.
Mais un homme, plutôt petit, au visage grave et au regard perçant, vint de l'autre côté de la ruelle, accompagné d'un autre homme très grand, balafré. Le père, effrayé par l'allure plus que ténébreuse des deux passants, courut vers la sortie. Le plus petit, d'une voix aussi grave que les traits de son visage : « Rattrape-le, Nikolai. » Pendant ce temps, il approcha de l'enfant, qui pleurait depuis quelques minutes déjà. Il lui jeta un regard intrigué en premier lieu, mais il devint rapidement intéressé, à un point presque vicieux. Très vite, il semblait avoir une ambition cachée à son propos. Nikolai revint, par le même endroit, visiblement bredouille, quand ce qui semblait être son chef annonça, d'un ton presque réjouie : « On retourne au bercail. »

Il s'avérait que cet homme mystérieux, accompagné d'un certain Nikolai, n'était personne d'autre que le chef du KGB : Iouri Andropov. La providence avait préparé un coup assez inattendu. Pragmatique et dévoué à la cause de la Mère-Patrie, son objectif en recueillant Alexei était clair : servir davantage son pays. Il voulait tout simplement en faire un agent efficace, loyal et motivé. Et pour ce faire, il employa des méthodes d'éducation très rigides, spartiates. La discipline, le patriotisme, le travail et l'efficacité était au cœur du processus, et l'enfant, bien que sous le toit de l'un des hommes les plus hauts gradés d'URSS, ne connut pas davantage le luxe. Les punitions physiques étaient monnaie courante, et une mince affaire à côté des châtiments mentaux. Mais il fallut peu de temps pour que tous ces traitements deviennent inutiles : l'adopté était reconnaissant de ce que lui offrait Iouri. Un nom de famille (le sien), un toit, une mission, une éducation. Il avait conscience de la valeur de tout cela, de cette chance qu'il a eu d'être sauvé du froid et de la mort où l'avait laissé son père. Bien sûr, le père adoptif a beaucoup insisté sur ces points pour qu'il eût cette opinion, mais il n'en resta pas moins qu'il était tout à fait acquis à sa cause. Nikolai, qui était bras droit de Iouri dans sa fonction, mourut pendant la minorité d'Alexei, donc il hérita, comme une passation de pouvoir, de ce prénom en second. Il eut, à force de prouver sa loyauté le droit d'aller vers une passion qu'il eut rapidement pour les cyclomoteurs. Il y était constamment surveillé mais il affina ses connaissances mécaniques et faisait des tours fréquents mais surveillés par un agent.

En 1979, l'arme soviétique est mise sur pied. Alexei avait fini sa formation, dans la sueur et le sang, attisant la fierté de son père adoptif. Il devint alors agent du KGB, dont l'identité était inconnu jusque dans les registres même de l'agence. L'ombre du chef, qui ne fonctionnait qu'à son compte, mais uniquement pour servir la Mère-Patrie. Afin de concrétiser le début de son service, Iouri exigea qu'il soit tatouer cette fameuse faucille noire sur son épaule gauche. « L'arme blanche de la patrie », disait-il, sans souci d'éthique. L'adopté, qui s'était donné corps et âme à Iouri, était de toute façon fier de pouvoir servir son sauveur, et la patrie qu'il représentait. Il faisait donc à la lettre ce que son chef lui sommait de faire : de l'espionnage surtout, par la filature entre autres. Et il s'est avéré très doué pour la tâche. Discret, assidu, plus que de nombreux agents, il s'est démarqué et a donc fait la fierté de Iouri, qui a plus que jamais pu faire fonctionner le KGB à plein régime. Ne doutant plus de la loyauté de son protégé, il ne le fit plus suivre, et il eut bien raison puisqu'il suivait aveuglément les ordres, encore peu critiquables dans l'éthique. En effet, il n'était pas chargé de « faire disparaître » des dits opposants, Iouri qu'il était « trop tôt », si tant est qu'il y ait un âge pour ça. Il l'utilisait toutefois pour les repérer, sans lui divulguer le pourquoi, et la finalité.  

Mais le destin avait devancé le chef du KGB, alors qu'il ne pensait même pas encore à le faire entrer dans la facette « ténébreuse » de son travail. En 1981,  Alexei était alors chargé d'une arrestation, sans recourir nécessairement à (trop de) violence. Assisté de deux autres agents, il se rendit chez le présumé coupable. Alexei se chargea de frapper à la porte, mais personne n'ouvrit. Il prit donc la méthode de force et entama le dégagement de la porte, ce qu'il fit sans grand mal. Arrivé à l'intérieur, il vit un couple : un homme dépité, résigné, et une femme en larmes, suppliant son conjoint de régler autrement le problème. Les trois agents entrèrent un par un dans l'appartement, puis les deux autres se chargèrent de se saisir de l'homme. L'orphelin approcha de la femme pour essayer de la calmer, alors qu'elle entrait dans une hystérie complète. Mais malgré les efforts déployés, elle voulut rattraper son mari, chose qu'Alexei essaya d'empêcher. A son tort. Elle prit rapidement un couteau de cuisine adjacent, pour entailler profondément le poitrail du jeune homme, qui n'eut assez de forces que de pour sortir son arme de poing, et tirer une balle dans la tête de la malheureuse. L'homme entra dans une rage complète, mais dès la première velléité de rébellion, il connut le même sort. Alexei, en plus d'être grièvement blessé, ne pipa mot. Il comprit ce qu'impliquait son travail, en seulement quelques minutes. Tout lui retomba dessus : les remords, par millier, eurent raison de sa décontraction. Le temps de sa convalescence, dont il sortit sans véritable contre-indication pour continuer, lui servit à reprendre l'esprit, mais il n'avait réussi à oublier que grâce à une chose : le déni.

Huit ans durant, il a donc enterré ce souvenir, cette injustice totale, ce meurtre justifié, se mentant incessamment à lui-même. Mais, aussi inhumain qu'il puisse ainsi paraître, il avait réussi. Sans jamais le ressasser, jusqu'à presque en oublier la cicatrice ostensible sur son torse, il travaillait pour la même organisation, qui soutenait ce régime qu'il savait désormais dictatoriale et sanglante. Et ce en occultant la vérité, en se faisant croire qu'il n'avait jamais vécu cette nuit qui avait résumé tout ce qu'il fallait savoir. Et en réalité, ce déni si fort lui permit d'atteindre ce point de non-retour, que Iouri voulait le faire atteindre par étapes. Sauf qu'il n'eut qu'à dire à Alexei, d'un air parfaitement décontracté : « Tu as servi le pays, Alexei. Sois-en fier, c'est ce qu'il voulait de toi. ». Dès lors, il remplissait des missions d'assassinat, de déportation, avec un détachement inhumain, glauque, effrayant. Certains disent que, l'étape du premier meurtre passé, l'individu n'est plus le même ; il en était totalement la preuve. Sa loyauté lui conseillait de passer outre, de continuer tel qu'il avait toujours été, soit un agent loyal et efficace. De l'extérieur, il était toujours le même, un homme discret et discipliné, mais à l'intérieur, il ne se posait plus aucune question, ne réfléchissait plus au bien et au mal. Ce qu'il faisait était juste. Voilà tout ce qu'il devait savoir.

La chute du mur de Berlin, en 1989 a néanmoins mit fin aux exactions qu'il commettait en tant qu'agent du KGB. L'événement, prouvant l'érosion progressive de l'URSS, a alarmé Iouri, qui sentait la fin du pays qu'il chérissait approcher indéniablement. Très vite, il convoqua Alexei, et lui donna pour ultime mission de s'en aller. De quitter la Russie et de ne jamais revenir. N'apparaissant sur aucune liste, il ne pouvait pas être pénalement pris pour responsable. Sans attendre, il traversa l'Europe, sur une moto puissante et avec l'argent en liquide suffisant pour voyager. Il ne s'arrêta définitivement qu'en France, à Paris plus précisément, chez un apparatchik installé en France, mais sympathisant du régime. Il disposait d'un capital important sur un compte bancaire pour subsister le plus longtemps possible en territoire hostile, sachant que son hôte pouvait aussi bien le dénoncer. Mais sa réputation d'agent terriblement efficace avait traversé certains milieux, avait fait écho jusqu'aux confins d'Europe. De telle sorte qu'un jour, l'apparatchik reçut un invité, un soir, qui vint lui faire une proposition. Enfin, une proposition implicitement obligatoire. Sa voix était froide comme la mort, son teint et son regard inspirant un homme impitoyable et pragmatique, plus encore que Iouri. Alexei écouta silencieusement, intimidé, ce que l'homme avait à dire. Il lui donna deux solutions : servir et protéger une duchesse, ou mourir. Il le savait, si une quelconque juridiction internationale lui mettait la main dessus, il était fichu. Il accepta alors le rende-vous avec la duchesse, encore de nuit. Toutefois, dès qu'il posa son regard, quelque chose en lui s'anima, une sensation inconnue. Cela attisait sa curiosité, comme son envie de finalement accepter le poste qui lui était proposé. La fragilité apparente de la jeune femme le séduisait comme elle lui donnait envie d'en être le protecteur. Si sa solution pour survivre avait tant d'aspects tentants, pourquoi la décliner ? Alors il accepta de devenir majordome et garde du corps, au bord d'une semaine de réflexion.

Et cette intuition qu'il eut, celle selon laquelle il allait se plaire à son poste, fut confirmée. Il tissa un lien très promptement avec cette maîtresse de maison. Il s'initia peu à peu aux us et coutumes du métier de majordome, avec la rigueur qu'il avait toujours eu. Il oubliai un peu sa passion pour les cyclomoteurs, ne pouvant que peu sortir. Il remplaça toutefois ce temps par des heures d'apprentissage linguistique, notamment d'abord le français et l'allemand. Il prenait un grand plaisir à apprendre les langues romano-germaniques, et s'y adonnait de longues heures sans repos. Il fallait bien occuper les heures de sommeil d'Amelia, pendant lesquelles ils devaient surveiller la demeure et sa personne endormie. Mais le plus ardu dans cette période fut de lui faire découvrir le surnaturel. Incrédule de nature, et absolument athé, il concevait difficilement que des êtres humanoïdes mais pas humains, aux propriétés des créatures légendaires, peuplait la Terre avec la race humaine. Il ne l'a d'ailleurs longtemps pas cru. Il lui a fallu plus d'un an pour faire face à cette réalité si impensable. Mais lorsqu'il avait assimilé toutes les bases du monde surnaturel, et que Amelia évoqua la marque, il mit peu peu de temps à accepter d'être marqué, en  1990. Il s'agissait d'un présent, tel qu'elle lui a été présentée, venant de celle qu'il affectionne, et, bien qu'il eusse du mal à l'avouer, qu'il aime.

Sa vie sa stabilisa, bien plus calme et pacifiée que sa précédente, à partir du début de la marque. D'ailleurs, il n'y pensait jamais, à sa vie en Russie. Le déni ne s'était jamais dissipé. Au lieu de cela, les étapes de la marque s'enchaînèrent une par une. Il effectuait rigoureusement ses tâches de majordome, du « thé » à la coordination des domestiques, et s'adonnait à nouveau à sa passion pour les motos. Il appréciait vraiment cette vie très calme, où il faisait enfin ce qu'il souhaitait. Encore une fois, il était reconnaissant, envers la personne qu'il servait, ce qu'il asseyait la loyauté d'Alexei envers sa maîtresse. D'ailleurs, elle pouvait lui confier n'importe quelle tâche, du domaine du domestique, au domaine de compétences de l'espion. Elle le savait, il tenait à conserver ses aptitudes d'agent, et il le faisait d'abord à son compte, avec la pêche aux infos. Elle lui demande alors de cibler ses recherches sur les personnes qu'elle souhaitait connaître davantage, ses contacts d'affaires, des personnalités politiques surnaturelles … Et ce fut lors de l'accomplissement de la dernière marque, en 1995, cinq ans après la première qu'il comprit qu'il se plaisait aux côtés d'Amelia, dans une relation affectueuse dont il n'avait jamais connu le pareil auparavant. Pendant 19 ans, il connut donc une période très stable, au stade suprême de sa marque, occupé par ses passions, et son métier auprès de cette femme qu'il traitait comme une petite sœur, une amie, et un amour. Mais ses souvenirs n'étaient guère effacés ; seulement tassés, devenant de plus en plus dangereux à mesure qu'ils sont niés …

Et en Mai 2014, il connut le premier retour de force de ses remords. Cinead, le vampire qui avait embauché Alexei pour la garde de la Duchesse, parti du continent depuis des années, refusa qu'Amelia suive Mikail lors de son départ, ce qui la plongea dans une sorte de chagrin d'amour. Sans écouter Alexei, contrairement à son habitude, elle entra en Torpeur. Malgré qu'elle eusse prévu de quoi pallier le manque physique en préparant du sang, le majordome entra de son côté dans une phase de remise en question. D'un côté, elle lui manquait inexorablement, avait besoin de sa présence à force d'autant de vie commune, mais ce qui l'avait abattu, c'était qu'elle le délaisse si brutalement pour un homme qu'elle côtoyait moins que lui. Il y eut comme une désillusion terrible, celle de la preuve d'une non-réciprocité évidente des sentiments qu'il éprouvait. Il se sentit blessé, mais au-delà, il ressentit vite une profonde solitude. Néanmoins, son malheur ne s'arrêta pas là : vulnérable mentalement, alors qu'il était devant un miroir, il aperçut sa cicatrice gigantesque sur sa poitrine. Il la voyait toujours, même cette  fois, son regard s’appesantissait dessus. « Non. » Disait-il à voix haute. La première fois qu'il réagissait à la cicatrice de cette manière. « Non. » Les souvenirs revinrent un par un, lui remontrant les innocents morts de sa main. Les innocents qu'il, et lui seul, a tué. « Non. Ce n'était pas moi. ». Mais si hélas. C'était lui. Il l'avait fait, sans se freiner une seule fois, par loyauté, par patriotisme. Sauf que le pays était capricieux et demandait des choses sales. Des choses qu'un être humain peut difficilement porter sur la conscience. « Non ! » cria-t-il. Il se tint la tête, comme si le cerveau était en fusion. Il y était, en fait. Dès lors, il lui arrivait, dans les moments où il se sentait réellement seul, de revivre des crises de dualité. C'était le début des conséquences de la surcharge de mensonge.

Un jour de Décembre 2015, alors qu'Alexei croyait que la Torpeur d'Amelia n'allait jamais finir, un messager de l'Essaim fit savoir qu'Amelia devait être réveillée. Lorsqu'il le fit, quelque part réjoui de le faire, Amelia révéla un trait d'incompréhension. Le majordome, avec un sourire incompressible, dit doucement : « Bienvenue chez vous, ma dame. », puis enchaîna : « Mikail a fait passer un message pour vous.» Ce dernier voulait que Amelia raisonne Cinead, son amour lointain, pour le remettre sur les rails. Alexei n'avait cure des querelles politiques, mais savait que ça allait impliquer un voyage, long, et plein de surprises … Autant à propos de ce qu'ils allaient découvrir là-bas, que pour ce qu'elle allait découvrir de son majordome abîmé ...