Horvan m’entraîne avec conviction dans un coin caché pour espionner deux personnes en pleine conversation. Il me fait souvent le coup de m’embarquer dans ses enquêtes, en espérant que mon « regard de médium » l’aide. Pour lui faire plaisir, et pour qu’il lâche l’affaire aussi, j’essaie de me concentrer sur les deux inconnus. Les yeux fixées sur les deux cicatrices dans le dos de la demoiselle, j’essaie de pousser mes fameuses capacités et je commence à percevoir quelque chose, ou plutôt à percevoir le vide, quand un fracas et des cris venus de derrière attire notre attention.

Dans ce genre de situation, je sais bien que je devrais sauter sur le côté, me rouler en boule et attendre que ça passe, mais il faut croire que mon instinct de survie déraille un peu. Je reste droite, face à… un cavalier fantôme. Il fonce droit sur moi, et je me prépare à ressentir encore la douche glacée qui accompagne chaque contact avec les fantômes. Il ne se passe pas un jour sans que l’un d’eux n’essaie de me traverser, voyant en moi une échappatoire. Par réflexe, je ferme les yeux et je lève deux bras pour protéger mon visage. Mais au lieu d’une sensation de froid, je sens mon corps qui se met à trembler, à vibrer à un rythme inconnu, et une douleur étrange me prend. Un vertige.
D’un coup, je ne suis plus maîtresse de mes mouvements. J’ai l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds et mon équilibre commence à me faire défaut. Et quand j’ouvre les yeux, quand j’ose enfin, je vois le sol, mais bien en deçà de là où il devrait se trouver. J’ai doublé – triplé, quadruplé ? – de taille, un peu à la Alice au pays des Merveilles. Un cri d’horreur se bloque dans ma trachée, doublé d’une crise de panique. Je n’ose plus bouger. Je regarde les gens autour de moi qui sont pris dans un véritable théâtre de chaos. Si je bouge, je vais tout casser. « Ho… Horvan ! » Je lance d’une voix rendue beaucoup plus grave. Je cherche mon collègue des yeux mais je ne vois personne d’autre qu’une blonde hystérique et que… Chuck Norris ?

Résumé:

Sa compagne du soir scrute la femme qu'il lui a désigné. Ça n'est pas la première fois qu'il a recours à son expertise, mais jusqu'à présent elle lui avait surtout annoncé avec cynisme que si lui avait un don, c'était de gaspiller le sien sur les habitants les plus banals de Shreveport. Apparemment il fallait qu'il arrête de se faire des idées si facilement . . . Et pour une fois elle ne répondit rien de tout cela ! Mais uniquement parce qu'elle fut interrompue par l'arrivée impromptue de quelque de chose bien plus surnaturel que deux cicatrices.

Un véritable cavalier fantôme galopait à leur rencontre, tout droit sorti de l'océan paniqué des visiteurs de la foire. Et alors qu'il allait traverser Marlow, cette dernière se mit soudainement à grandir, emportant les guirlandes colorées qui se croisait au dessus des allées. L'étrange personnage passa in extremis entre les jambes de la géante et le frôla, déposant au passage un chapeau de cow-boy probablement arraché à un stand sur sa tête, l'aveuglant momentanément. Étonnamment il semblait ne pas déplacer d'air autour de lui et en un instant ce fut comme s'il n'était déjà plus. Exception faite du chaos qui régnait à présent. Entre la blonde paumée et son amie haute comme trois hommes, il y avait de quoi remarquer son passage. Cette dernière, confuse semblait à sa recherche, regardant au sol comme si elle avait fait tomber quelque chose. Horvan ne savait trop s'il devait être stupéfait ou émerveillé d'assister à un tel festival de surnaturalité avérée . . .
Il finit par lui faire un signe de main, ajustant son nouveau couvre-chef et s'exclama :

- Ici Marlow ! Ce type et son canasson ont foutu un beau bordel.

Sa voix était rauque, et son visage affichait une expression des plus sérieuses, les yeux plissés. Surpris par sa propre attitude et son vocabulaire, il passa la main sur son visage et sentit qu'une barbe drue avait prit place sur ses joues . . . Sa première expérience de transformation ! Il aurait probablement affiché son étonnement puis sa curiosité et son enthousiasme si chaque fibre de son corps n'était pas déjà occupée à être badass . . .

Long story short:

Y’a un truc qui vient de se passer, mais il saurait pas dire quoi.

En fait il n’y prête guère attention, les yeux juste rivés sur la fille qui vient de grandir. Il s’entend lâcher un long sifflement impressioné. Ouais, c’est pas tous les jours qu’on voit une meuf dépasser la grande roue.

En réalité il la connait, mais entre le fait que son visage est un peu trop loin du sol et qu’il est imbibé d’alcool, c’est fichtrement pas évident à reconnaître.

Il devine néanmoins que y’a eu un coup de magie dans le coin, et il secoue la tête.

Ah ces jeunes c’était pas comme ca de mon temps.

Okay tu me la refais là? Il ne se voit pas, mais en fait il n’a pas tellement changé. Des cheveux grisonnants et bien plus bedonnant. En titubant un peu, il débarque à un stand.

Une bière eh oh ca vient ou quoi? En fait le serveur s’est barré quand tout est parti en sucette. En se tournant il apercoit la silhouette de blondie Magnolia ta nouvelle frangine.

Bon miss tu me le sers ce verre ou il faut que j’aille me plaindre au responsable?

Résumé: Benjamin regarde Marlow grandir et finalement il va commander une bière. Le serveur du stand s'est barré alors il croit que c'est Magnus qu'il reconnait pas la serveuse désignée pour lui donner à boire.

T’en as trop pris gros. C’est sans doute ce que n’importe qui de sensé t’aurait dit en voyant la gueule que tu tires à l’instant. En te réveillant entre ces deux stands, tu t’es senti bizarrement à l’étroit. T’as gueulé avec une voix beaucoup trop aiguë, tu t’es levé en fuyant tu ne sais quoi avant de t’arrêter brusquement. Mais ouais mon gros, t’as le pare-choque d’une actrice suédoise et les cordes vocales qui vont avec. Tu passes une main sur ton visage, remarque l’absence de toute virilité et grogne un peu. Bordel. C’est quoi cette merde ?

Avançant à contre sens du courant de panique qui vient de se créer, tu te demandes quel con a pu te faire ce coup. Pas le temps de trouver de réponse à tes questions, un vioc te prend pour la serveuse du coin. Tu ouvres la bouche, pensant à l’insulter comme il se doit avant d’avoir un éclair d’idée qui te traverse l’esprit – un événement si rare que tu te sens soudainement extrêmement puissant. Le serveur est parti ? Les rats quittent le navire ?

« Bien, m’sieur, j'vous sers ça tout de suite. »

Tu te tortilles malgré toi – oh hé, devenir une meuf, c’est plutôt inhabituel et inconfortable -  jusqu’au bar avant de servir la bière. Tu fais ça comme un pro, faut dire que c’est pas la pratique qui manque.

« Ca fera trois dollars m’sieur. »

Tu prends l’argent, ouvres la caisse et te sers allègrement dedans. Une petite augmentation, c’est toujours bienvenu. Tu souris à ton vieux client avant que quelque chose te percutes.

« Oh mais… mec, t’as genre copié les tatouages de mon frère. Mais putain j’y crois espèce de vieux connard, je vais te… » Mais quelque d’absolument invraisemblable te frappe l’esprit. « Oh putain sa mère… Ben, c’est toi ? »

Résumé:

Je déteste la magie. Voilà, c'est dit, c'est déclaré. Pourquoi tout le monde s'évertue à me vanter les mérites de ce monde alors qu'il ne m'arrive que des emmerdes à cause de ça ? Sérieusement ? Bon, ben quand je finis pas en broche pour ramener des fantômes, je prends trois mètres de plus.
Je cherche Horvan des yeux et je vois une main s'agiter et répondre à mon appel. Mais ce n'est pas mon collègue c'est... "Chuck Norris ?!" Okay, pourquoi moi je deviens Godzilla et lui il a le droit à une transformation de héros ? Ce monde est injuste jusqu'au bout. Bon eh bien, maintenant qu'on en est là, deux choix s'offrent à nous. On peut très bien se rouler en boule sous la grand roue et attendre que tout rentre dans l'ordre, ou alors on peut aller retrouver ce foutu fantôme et je lui botterais son derrière translucide avec mes nouvelles pompes XXL. Enfin, ça c'est dans l'hypothèse que je puisse bouger sans rien casser autour de moi.

Je tente donc un pas, mais l'entreprise devient vraiment compliquée, car les gens autour de nous sont toujours pris dans un mouvement de panique et j'ai peur d'en bousculer violemment sans le vouloir. Et au moment précis où je m'apprête à essayer de nouveau, mon ventre de met à gargouiller horriblement à cause de la faim. Merde. Je suis sûre qu'ils m'ont entendu dans l'état d'à côté tellement ce n'était pas discret. "Bon, ben maintenant que t'es censé être le sauveur de l'humanité, t'as pas une idée pour nous sortir de là ?" Pour une fois que je peux regarder Horvan de haut, je vais pas me gêner. C'est pas vraiment avec mon mètre soixante-deux qu'en temps normal j'arrive à dépasser les gens donc si je peux au moins tirer un avantage de ce bordel...

Résumey: