✤ Traits de caractères
Shane s’exprime par la violence. On pouvait craindre le mélange de l’influence de Baal, et du caractère belliqueux qui coulait dans le sang de sa famille adoptive ; et le mélange a tenu ses promesses. Le démon prend du plaisir lorsqu’il se sent puissant, que l’adversaire se sent vaincu ; et, indépendamment de son ascendant, lorsque le sang coule. Ce sadisme est clairement exacerbé par le sang de vampire, qui tend à éveiller le côté démoniaque, et le rend nettement plus féroce à la chasse, et dangereux en combat.

Le diablotin s’avère paradoxalement être patient, en de nombreuses circonstances. Lorsqu’il passe des journées à lire des bouquins dont il ne comprend parfois pas le sens, lorsqu’il doit supporter ces règles à la con qui lui sont imposées en tant qu’agent de la paix. Mais aussi et surtout lorsqu’il traque, file, et se renseigne sur les suspects qu’il doit coffrer. Qu’il mette la main sur des preuves ou non, le travail d’enquête le fascine. Comme le moment où il doit « attraper » ce fameux suspect. En douceur, bien entendu. Cette patience s’avère être plus fragile lorsqu’il intègre la masse grouillante des bars, où le sang se chauffe toujours plus vite.

L’hérésie est un gaillard bien curieux, surtout depuis sa conversion au luciférisme. Il aime se renseigner sur son environnement, sur certaines personnes, et il aime tout autant se cultiver, ce qui étonne parfois ceux qui croient le cerner. Il lit depuis qu’il est marqué, les journées ou nuits se faisant nettement plus longues, d’abord dans le policier, jusqu’au philosophique depuis sa conversion. Se sentir moins con qu’hier est une sensation qu’il affectionne, même s’il n’admettra jamais être ignorant ; peut-être par déni ?

Le démon ne se gêne pas pour donner des coups vicieux à ceux qui croisent sa route. Sa nature peu scrupuleuse, qu’il tient de son sang d’hérésie comme de son absence évidente de Surmoi, ne l’empêchera certainement pas de recourir à des stratagèmes ignorant totalement les notions d’honneur et de respect, ayant souvent pour but de coincer les suspects qui lui sont attribués. Evidemment, il se garde de les utiliser à toutes les sauces, comprenant bien que leur utilisation incessante impliquerait des conséquences ; des représailles ….

Enfin, Shane est quelqu’un d’ostensiblement égoïste. Il ne pense qu’à sa propre vie, bien qu’il ne comprenne pas quel but il pourrait lui donner. Les intérêts d’autrui ne l’intéressent donc aucunement. Ce que certains appelleraient l’éthique est une notion inconnue pour lui, aussi il accomplit son « devoir » sans se soucier du bien et du mal, de l’équitable. Ce qui lui importe, c’est que les autres ne piétinent pas ses propres intérêts, qu’ils ne l’étouffent pas dans sa liberté déjà meurtrie, à ne surtout pas souiller davantage.

✤ Occupations
Le secret de la patience sus-évoquée de Shane se trouve dans les bars, où il passe une bonne partie de son temps. En effet, ces établissements sont son défouloir, l’épicentre du déferlement du sadisme de l’hérésie de Baal. A l’intérieur, il s’agit toujours d’un autre homme, pas forcément ivre, mais impulsif et belliqueux. L’alcool peut parfois aider à cela, mais il prend naturellement plaisir à prouver sa force les poings fermés, et il y défoule une partie de cette envie. Evidemment, il choisit ses cibles parmi les plus enclines à chercher elles-mêmes le conflit, et non parmi les clients calmes. Par ailleurs, il arrête souvent les conneries avant l’avertissement fatidique du gérant.

Le reste des pulsions, il les assouvit de manière bien plus conventionnelle, depuis que respecter des conventions lui permet de survivre. Il s’inscrit à des clubs de free-fight, ou fait des combats dits underground, avec les paris qui vont souvent avec. Le gringalet n’a jamais payé de mine, mais les atouts d’hérésie, les pulsions folles, et l’expérience lentement engrangée, sont des facteurs déterminants, qui lui font remporter de nombreux combats. Ce talent pour la baston s’avère être utile en tant qu’agent du Transept, lorsque les suspects et coupables n’hésitent pas à « faire valoir » leur version des faits.

Et lorsque toute cette tension est évacuée, Shane arrive davantage à s’adonner à une activité que beaucoup ne lui soupçonneraient même pas : la lecture. Depuis son adolescence, où s’est produite, comme chez toutes les hérésies, une sorte de crash intellectuel, Shane s’est mis à lire, d’abord dans les registres les plus intéressants pour lui, donc pas forcément instructifs. Et cette habitude qu’il a pris a renforcé peu à peu sa mémoire, et contribué à modifier son vocabulaire, qu’il tenait auparavant des gangs de Los Angeles. Il aime d’ailleurs employé les mots qu’il découvre dans ses ouvrages ; et en 70 ans, c’est tout un langage qui s’est reformé autour d’eux. Sa conversion au luciférisme a par ailleurs contribué à intensifier son rythme de lecture, et à diversifier les styles qu’ils côtoient.

✤ Influence
Si l’on connait Baal, et l’influence récurrente qu’il a sur ses descendants, alors il est facile d’établir un lien entre Shane et le Prince Démon de la domination. En fait, cette influence a eu une place hégémonique dans la psyché du dérangé pendant près de 50 ans. Ce besoin de prouver sa supériorité, cette envie de combat, ils l’habitent depuis son enfance, et ont construit les fondations de ce qui parait être un sacré connard dans l’ensemble. Il a longtemps ignoré ce qu’il était, et quelles étaient ses origines, et ce même après l’arrivée des mutations démoniaques. Il s’est contenté de réagir comme il a pu, et ce fut d’ailleurs relativement sanglant. Il a su néanmoins géré la situation, en masquant au monde ses excroissances abominables, et en ne montrant les blessures, parfois graves, qu’il s’était lui-même occasionné en les faisant disparaitre. L’absence d’une famille aimante aura évidemment joué dans le maintien du secret. Ce qu’il savait, et sait toujours, c’est que les démons y ont été pour quelque chose, mais il n’a jamais cherché à en savoir davantage.

Son influence a moins pesé à partir de sa conversion, puisque son actuelle religion vise l’affranchissement du démon bestial. Bien que Shane soit belliqueux de nature, il n’en garde pas moins une philosophie du contrôle de soi-même, qu’il estime nécessaire dans une société où sa race peut craindre la persécution. Un peu selon l’idée freudienne de la libération des pulsions de l’inconscient, il juge nécessaire de devoir balancer sa violence dans des points précis, comme à travers des soupapes, pour ainsi se contrôler de manière totalement stoïque le reste du temps. Cet exercice est devenu un quotidien, et Shane ne ressent aucunement le besoin d’exprimer la violence en lui lorsqu’il estime qu’il ne le doit pas.

✤ Lien avec le vampire
William Allen est un cinglé impulsif, comme Shane. En tout cas, à la base. Jugé pour diablerie lors d’un combat sanglant avec l’un de ses congénères, il obtint une seconde chance, celle accordée à beaucoup de criminels : travailler pour le Transept. Drôle de fonctionnement, mais tout à fat fonctionnel. William est l’un des nombreux gaillards qui tiennent trop à la vie pour ne pas saisir l’opportunité, et il entra donc dans les rangs en 1901, chargé de traquer les vampires et hérésies suspectés d’avoir violé le Pacte, ou la Mascarade, en l’une de leurs dispositions. Obsédé par la filature, et la chasse à l’Homme, il est plutôt doué dans son travail, et réputé pour son impulsivité peu cachée, s’est vu confier la charge de Shane, qu’il marqua en 1954.

Le lien entre les deux n’a rien de réellement étonnant, puisque l’attribution des hérésies est un travail de comparaison psychologique. Et deux dangereux mis côte-à-côte finissent souvent par s’entendre. Une complicité établie sur la base d’un goût commun pour la violence et la traque humaine les unit encore dans une marque désormais complètement accomplie, depuis les années 1960. Néanmoins, Shane ne voit William que comme un partenaire de chasse, et un supérieur hiérarchique (Shane ne travaillant pour lui que parce qu’il est son marqué, et non parce qu’il a été officiellement admis par le Transept). Au-delà, il n’estime pas lui devoir quoi que ce soit d’autre, et commence d’ailleurs à vouloir s’en émanciper financièrement, en prenant des jobs ici et là. Mais il reste encore très dépendant de son vampire en matière d’argent, puisque qu’il le loge et le nourrit.

✤ Convictions
Foncièrement, la Révélation, Shane n’en avait un peu rien à foutre. A ça plusieurs raisons. La première, c’est que du côté des vampires, il savait déjà beaucoup de choses, à ce moment précis. Son travail est après tout de réprimer les violations des normes vampiriques, donc autant les connaître ; et connaître une société est une tâche plus aisée lorsque l’on en connait les règles. Quant aux hérésies, il en a beaucoup appris au fur et à mesure de ce même travail, en les appréhendant. Mais ses connaissances sont encore très biaisées par la vision normative, soit le rapport au Pacte. Quant aux autres races, il s’en contrefout, s’estimant pas avoir à savoir quelque chose d’elles. Les sorciers, les lycanthropes, les métamorphes, autant de races qui ne trouvent aucunement son attention. Seuls les rapports diplomatiques entre l’Essaim et les différents groupuscules l’intéressent, mais il y accorde toutefois beaucoup d’intérêt, comme un passionné de géopolitique.

✤ Signes particuliers A part que dans les bars, il adopte la grâce d’un balanoglosse, rien ne le caractérise, si ce n'est ce regard d’obsédé, qu’il conserve toujours pour les grandes occasions ; soit la traque.

La naissance de Shane est arrivée dans un genre de décor que les démons affectionnent particulièrement. Cela a quelque chose de logique, parce que les choses en auraient été différentes si un démon ne s’en été pas mêlé. En l’occurrence, l’un d’eux, sbire de Baal, le Prince de la domination, avait possédé le père, un homme sans réelle force mentale, sans forte personnalité. La mère était dans la prostitution, et c’est évidemment dans le cadre de sa « profession » que l’abomination à venir a été créée, bien qu’elle n’ait été que pure accident, jusqu’au bout. La seule chose qui empêchait la jeune femme d’avorter était un principe religieux bancal, qui lui a alors coûté la vie. En effet, le fruit d’un père possédé ôte la vie de la génitrice, et ce fut alors sans famille que naquit l’hérésie, puisque le père ne s’est jamais manifesté par la suite. Avant même que le nourrisson tombe dans les mains des autorités publiques, une famille d’origine irlandaise accueillit l’enfant étrange, épris de valeurs de solidarité, en quelque sorte. C’est cette famille qui lui donna son nom actuel, qui présenta cet enfant comme le sien.

Mais la famille ne pouvait pas savoir à quel point elle convenait pour faire s’exprimer le diable en gestation qu’était le petit Shane. Insérés dans les affaires de gang de Los Angeles, ses parents et frères adoptifs ne lui imposaient aucune limite, si bien que l’enfant a grandi sans aucune réprimande quelconque, et une éducation plus que laxiste. Son besoin de violence n’a été aucunement contrôlé, mais vu au contraire comme un atout pour l’avenir par ses frères, qui eux étaient belliqueux sans être d’origine démoniaque. Famille crainte par les plus normaux, le nom O’Donnell suffisait à Shane pour n’être ennuyé que rarement. Cela arrivait néanmoins, mais il faisait partie de ce petit monde que la police ne souhaitait surveiller qu’en cas de nécessité. Et le marmot se contentait de violences à l’égard d’aînés pas moins nerveux, contre qui sa force d’hérésie en croissance avait une chance. Un gamin mal commencé, et pas mieux fini. Cela dit, peu de choses lui importaient, que ça soit cette famille indifférente, ou son environnement. La seule chose qui semblait trouver grâce à ses yeux, c’est la violence et la domination, et rien d’autre.

Les années 1940 ont vu l’arrivée pour Shane d’excroissances, tardives par rapport au commun des hérésies, mais donc beaucoup plus rapide à la croissance. Passage redouté pour beaucoup de raisons, il le fut d’autant plus pour un jeune homme sans aucun lien avec le monde surnaturel. Mais sa déconnexion avec le monde, humain comme paranormal, lui aura finalement étonnamment servi. Le garçon a fait partie de ses hérésies qui se sont mutilées pour faire disparaître ces attributs d’abomination, et a ainsi traversé des états de santé déplorables, causés par la perte de sang et des infections en lien avec le traitement médiocre des blessures. Il était toutefois assez consciencieux pour montrer les blessures les plus risquées à un médecin, à qui il ne présentait jamais la raison d’un tel carnage. Puisque son nom signifiait déjà la déchéance dans la violence et la mafia, il reliait certainement davantage à ses activités qu’à autre chose. Car en effet, Shane était impliqué dans le marché noir installé dans Los Angeles, pendant la Seconde Guerre Mondiale, ayant un peu perduré au-delà. Il ne gérait rien, et empochait peu, mais il faisait partie de ce que l’on appellerait l’exécutif, la main armée d’un business lucratif en temps de guerre. Bien qu’adolescent, sa force d’hérésie le replaçait sur un pied d’égalité, même s’il était ménagé en terme de tâche pour son âge.

C’est alors investi d’un rôle d’homme de main qu’il vécut ses jeunes années à Los Angeles, parfois interpellé pour ses infractions les plus insignifiantes, mais jamais pour du concret. Après tout, bien qu’il aimât faire couler le sang, il ne voyait rien de probant à apporter la mort, sauf lorsque la nécessité appelait de telles mesures. Funeste chance, elle ne l’avait jamais amené à tuer, même si la vie d’autrui n’avait pas plus de poids dans ses mains que la sienne. Toujours déconnecté du monde surnaturel, cet isolement s’opérait visiblement dans les deux sens : jamais les autorités vampiriques ne l’ont détecté, cette vermine sans importance. Des enflures de ce genre, il y en avait hélas trop pour mettre ce comportement sur le compte de la nature d’Hérésie. Il a donc  tenu un quart de siècle, dans son petit monde de violence, craint dans son milieu. Mais l’adolescence lui a asséné un coup d’estoc à ses facultés de mémoire, et cette dégénérescence lui a fait se rendre compte de l’importance de l’entretien cérébral, dans cette logique de se rendre compte des bonnes choses que lorsqu’on les perd. C’est ainsi que, de lui-même, il a commencé à lire, dans le registre policier, se plongeant dans des univers qui le fascinaient de manière plutôt malsaine. Il admirait tant le travail d’orfèvre du criminel de la traque impitoyable de certains de ces détectives de légende. Il s’était donc découvert, au travers des lignes de ses ouvrages, une passion pure et simple pour cette dimension des romans policiers, celle de la chasse à l’homme, de l’enquête minutieuse. Lui que peu savaient patient aimait s’imaginer parfois à mener de telles investigations, et commençait une admiration obscène pour la traque.

Le sort n’épargna toutefois pas Shane indéfiniment. En 1954, l’Essaim local repéra sur un coup de chance l’hérésie au cœur de son terrain. L’un de ses agents, persuadé de l’existence d’une hérésie dans le quartier du Watts, où résidait les O’Donnell, menait l’enquête depuis quelques mois, sans même que la proie n’en ait eu conscience, et, du jour au lendemain, l’a capturé et amené dans la Nef, tribunal du Pacte. L’étude psychologique du sujet prit très peu de temps, car il fut vite relié à un vampire dont le profil était quasiment identique. Ce dernier était l’un des agents du Transept, la « police » du Pacte, chargée d’enquêter sur les violations de ce dernier, et de capturer les hérésies « libres » de l’emprise de l’Essaim, entre autres. L’agent en question, nommé William Allen était, comme nombre de ses collègues, un renégat repenti, coupable de violations de la Mascarade ; en effet, il a été gracié malgré un acte de diablerie, qui est très fréquemment puni de mort. Le Transept a toutefois cette réputation de fosse à criminels, l’instance de recyclage, et il fut la dernière chance de William, qu’il eut saisit sans hésitation. Loyal envers les supérieurs qui lui ont épargné la vie, il n’en resta pas moins un agent « sauvage », employant des méthodes qui, bien que discrètes, s’éloignent de la notion d’éthique, notamment pour obtenir ses renseignements. De plus, fin chasseur, sa filature et son intuition ont permis de nombreuses arrestations depuis son entrée en service. C’est donc pour sa barbarie, et son plaisir à la chasse, que Monsieur Allen a été chargé de marquer Shane, dans la même année que sa capture.

Bien que le comportement d’O ‘Donnell fasse penser à un électron libre, il n’en demeure pas moins qu’à part aux premiers jours de captivité, où il tenta plusieurs fois de s’évader par la force, il se montra docile. Il comprit très vite que la résistance se montrerait inutile, et préféra donc étudier la situation avant tout. Et ce recul lui sauva probablement la vie, puisqu’il lui permit de revenir totalement de son jugement, et préférer la solution de l’Essaim à sa vie précédente. En effet, l’activité de son vampire intéressa l’hérésie au plus haut point, suffisamment pour la faire renoncer à son ancienne vie ; car la promesse de réaliser l’objet de ses fascinations valait bien davantage. De plus, la correspondance de leurs profils psychologiques a contribué à créer une forme primitive de complicité, due à une sorte de camaraderie militaire. Cette complicité l’amena à accepter la proposition de William, de travailler officieusement pour le Transept, en tant qu’assistant. La seconde marque fut opérée deux ans plus tard, soit en 1956, forts de leur complicité.

Ils débutèrent alors une carrière d’agents opérants en duo pour le Transept, bien que l’institution n’avait jamais accepté officiellement l’entrée de Shane. La coutume veut que ce soit des vampires qui l’intègrent ; mais cela n’étant qu’une coutume, en pratique, la Nef ne s’opposa jamais à ce qu’il s’immisce dans les affaires du Transept. De toute façon, l’hérésie s’est vite montrée rentable : aussi rusé et fourbe que son maître, animé par autant de hargne, il simplifia nettement son travail d’investigation. Chargé le plus souvent d’obtenir des informations sur le suspect, il alternait entre filature et interrogatoire, parfois musclé. Mais contrairement à ce dont il avait l’habitude, ces méthodes d’agent s’avéraient être plus dosées. En effet, la Mascarade valant loi, il dut respecter certaines règles sociétales de premier ordre, qu’il ne respectait pas toujours dans son ancienne vie. Alors que la démonstration de force constituait autrefois une méthode efficace, l’hérésie dut troquer ces habitudes au profit d’une discrétion et une méthodologie dignes d’un shinobi. Un travail sur soi qui dura bien une décennie ou deux, qui n’aurait certainement pas fonctionné sans l’aide d’une soupape pour son sadisme, pour permettre le défoulement de sa sauvagerie intérieure si bien incrustée. Et cette soupape se situa dans quelques activités « extra-professionnelles » : tout d’abord, les écoles d’arts martiaux, généralement dans les disciplines les plus offensives, mais jamais plus de quelques années. Sa patience à peine travaillée, comme leur vie nomade, ne permettait pas la fidélité totale à une école en particulier. Il fréquenta, et fréquent encore, aussi les bars les plus malfamés, afin de mettre ne pratique les techniques qu’il apprenait sur les ivrognes les plus fous, et les malheureux qui se prenaient pour des caïds (thuglife). Vestige de son ancienne vie de dangereux belliciste, ce genre de sorties permettaient un certain équilibre mental, et constituait la contrepartie pour armer O’Donnell d’une patience de plus en plus solide, et un respect des règles de moins en moins reprochable.

C’est après 9 ans de fidèle service à l’Essaim, au Transept et à son maître, que Shane a reçu la troisième marque, quasi-symbole de jeunesse éternelle, 7 ans après la deuxième. Elle fut aussi un symbole de stabilité, puisque l’hérésie s’est reconstruite autour de ces repères assez personnalisés, taillés par ses soins, et bien qu’ils fussent imparfaits au départ, ils auguraient une sorte de lente renaissance. Tout cela relève néanmoins du point de vue externe, parce que Shane n’a jamais opéré de rétrospection : sa vie antérieure ne lui importait plus aucunement, et seule comptait sa vie présente, infiniment plus prenante. Peu à peu, il oublia sa famille adoptive, le quartier du Watts, et Los Angeles toute entière. Prédateur nomade, il ne savait plus à quoi ressemblait la vie sédentaire, ne savait même plus à quoi cela pouvait servir. Il avait après tout épousé une toute autre réalité, et au-delà de quelques points d’ancrages psychologiques, il ne s’attachait à strictement rien d’autre. Son unique objectif était de faire ce qu’on lui ordonnait de faire, parce que ces ordres la passionnaient, et que la notion de liberté n’avait pour lui plus aucun sens. En effet, il se considérait libre en faisant ce qu’il voulait faire, et ce qu’il voulait faire n’était rien d’autre que les missions du Transept, et sa petite vie parallèle que personne ne voulait lui enlever. Et ainsi, 4 ans plus tard, ayant fait ses preuves devant son vampire, il reçut la dernière marque, celle de l’immortalité. Perspective qui laissait O’Donnell indifférent, puisque la mort n’a jamais été le sujet d’une quelconque crainte de sa part.

Dans les années 1980, tandis que son mode de vie n’avait aucunement souffert de la quatrième marque, Shane fit la découverte du luciférisme, telle que le pratiquent le commun des hérésies. Il en apprit l’existence au contact d’une hérésie fanatique se réclamant de ce culte, qui avait tué son vampire pour fuir le joug de l’Essaim. Ne bénéficiant que de peu de confiance de la part du Transept, son arrestation dut se faire accompagné de William, mais l’hérésie eut tout de même prêché la luciférisme, consciente de la nature de Shane. Sans qu’il l’ait épargné de passer sous les fers, il eut néanmoins reconnu cette doctrine comme tout à fait pertinente. Il se pencha très vite, auprès de quelques fidèles, sur ce sujet, et devient rapidement adepte. Ce fut à partir de ce moment qu’il comprit que cette nature belliqueuse venait tout droit d’un démon à l’origine de sa naissance, et qu’il ne pouvait pas laisser cet ascendant dicter son comportement en toute impunité. Par un important travail sur soi, et de la lecture philosophique en quantité, il tenta d’assimiler pleinement son ascendant démoniaque, afin de pouvoir agir délié de toute influence inconsciente. Cela n’impliqua pas néanmoins le changement de sa routine, car il considéra que le peu de lucidité et de patience dont il disposait subsistaient grâce au défoulement de sa soif de violence. Donc sa conversion marqua surtout une recrudescence de son activité de lecture, ainsi qu’un travail plus rigoureux encore sur son attitude en société, qui devint de plus en plus froide et inexpressive, laissant de moins en moins d’accès de violence.

Mais les années eurent en partie raison de cette loyauté totale que Shane avait envers son vampire. Vers les années 2000, le diablotin était exaspéré de vivre accroché aux moyens financiers de William. Non pas qu’ils eussent été insuffisants, mais l’hérésie revit, peut-être au cours de ses lectures, sa propre définitions de la liberté, et estima que vivre en totale dépendance de son vampire finissait par enrayer son « bien-être ». Le comportement de Shane changea alors peu à peu, au cours de cette décennie, et William, bien que surpris, ne chercha pas à saisir la raison. Après tout, l’hérésie se contenta de sortir davantage hors des temps de travail, sans pour autant diminuer la qualité de ses efforts professionnels. Au fur et à mesure, il cherchait des emplois, surtout saisonniers, afin d’obtenir un revenu personnel, mais sans diplôme, il ne trouva jamais de travail assez rémunérateur pour être totalement indépendant. Le revenu qu’il posséda servit alors surtout à l’agrément, puis, après 2007, à être rangé dans la population active. En effet, auparavant, les Essaims couvraient l’inactivité apparente de Shane, mais la Révélation a empêché la perpétuité de cette pratique. Toutefois, O’Donnell commença, vers 2009, des négociations avec la Nef afin d’obtenir un revenu et un statut officiel, fort d’une ancienneté assez conséquente. Or, ces négociations ne trouvèrent pas encore de fin.

Elles avancèrent de manière significative à partir de fin 2015, lorsque la Nef trouva un compromis. Consciente que la méfiance à l’égard de l’hérésie tenait surtout sur le risque d’une insurrection, ou d’un comportement laxiste envers son espèce, elle décida de le mettre à l’épreuve. Mise au courant de l’existence d’une hérésie insoumise au Pacte en Louisiane, dans l’Essaim de Shreveport, elle envoya alors William et Shane sur le coup. Mais le vampire ne fut envoyé que pour garder un œil lointain sur l’hérésie, car cette dernière fut chargée seule de l’intégralité de la mission. Il s’agissait donc de tester les rapports qu’il entretenait  avec son espèce, même lorsque les ordres nécessitent l’hostilité. Mais même le Nef ne s’attendait pas un tel zèle de la part d’O’Donnell, qui réalisa la mission sans aucune hésitation, et sans bavure. Tel un vautour, il étudia la cible, Lorna Buchanan, avec une patience et une discrétion de prédateur, pendant quelques mois, pour finalement la capturer dans une embuscade en pleine rue, en 2016, où il vint à bout d’elle sans même qu’il n’y ait combat. Rompant complètement avec l’image que s’était faite la Nef à son compte, il accomplit la mission confiée sans réel souci, et remit aussitôt son statut sur la table des négociations. Toutefois, le tribunal des hérésies s’est accordée une réserve aussitôt, et aujourd’hui encore, Shane travaille toujours dans l’ombre, juridiquement inactif. Il n’en demeure pas moins qu’il est plus que jamais reconnu pour la qualité et l’absence de pitié de ses méthodes de travail. Aiglon encore près de son parent, mais aux griffes acérées et traîtres, Shane, toujours établi à Shreveport, est plus que jamais motivé à travailler sans relâche ni pitié pour l’institution qui lui a redonné une vie …