✤ Traits
Raven, c’est l’illusion. Le sourire faux. Le faux semblant. Elle ne fait rien gratuitement, non. Tout à un prix. Même la mort. Raven, c’est lorsque l’on s’y attend le moins. Elle est là. Souriante. Provocante. Déroutante. Elle joue sur tous les tableaux. Sans ratures. Elle ne perd jamais. S’en sort toujours. C’est la confiance, qu’elle sait apprivoiser. La faille, qu’elle parvient toujours à trouver. Raven, c’est la lame qui s’enfonce. Qui gratte l’armure. Elle sait le langage des mots. Les tournures. Elle retourne la tête. Renverse le cœur. Mais il y a toujours quelque chose. Le but, que l’on n’aurait pas trouvé. La clé, que l’on n’aurait pas cherché. Raven, c’est la mort. Le suicide. L’extrémité du canon pointée sur la tempe. Le sang qui coule à flot. Elle est l’épine de la rose. Celle dont les pétales ne sont pourtant plus fleuris. Le coup porté en pleine figure. Raven, c’est l’obscurité. La noirceur insoupçonnée dans le cœur de l’enfant qui vient de naître. La toile blanche maculée de rouge. Raven, c’est le supplice. La génuflexion. La crucifixion. La mort par procuration. L’insatiable. La destruction. Absolue. C’est l’indécence. Petite dépravée. Pratiquant le sexe, comme elle pratique le sang. Raven, c’est le coup de grâce. Le point de non retour. L’excitation, de la chaire. Malsaine jusqu’à la moelle. Elle ne fait pas de différence. La vie. La mort. Le sang. Le sexe. C’est du pareil au même. Mais c’est où elle veut, quand elle veut. Avec qui elle veut. Raven, c’est l’hérésie. La folie, que chaque être cache. La raison, que l’on crache. Elle n’a pas toute sa tête. Plus tout son être. C’est l’instant d’errance. La déchéance. Raven, elle ne sait pas toujours ce qu’elle fait. Ou, peut-être bien trop. Mais elle s’en fou. Raven, c’est passionné. Même quand elle saigne. Ça vous prend le corps. Vous prend le cœur. C’est la bombe A. L’imminence de la fin…
✤ Occupation nocturne
Raven, c’est la fille que vous croisez là-bas. Au détour de cette rue, lorsque vous passez devant le « Silence Eternel ». C’est la créature, qui s’élance pour quelques tours de reins. Celle qui, vend ses charmes. Son corps.
Raven, elle se fou du politiquement correcte. Elle fait tout. Et n’importe quoi là-bas. Tant que cela rapporte de l’argent, qu’importe ? Elle teste ses limites. Les limites d’autrui. C’est la fille facile, qui joue jusqu’au point de non retour.
C’est cette fille mélancolique que vous abordez au comptoir d’un bar. Seule. Visiblement désemparée. C’est le mensonge, lorsqu’elle vous supplie de la prendre pour quelques heures. Uniquement pour un peu de compagnie. Pour un peu de tendresse. De sang, quand vient la nuit…
Raven, elle passe ses nuits à attendre. A quémander. Elle ne veut que le sang. Que le temps, qui la brise entre ses doigts. C'est l'ombre de votre âme. Le cauchemar. Persistant. Cinglant.
✤ Manies, habitudes & goûts
Tu grinces des dents dès qu'un fait t'exaspères.
Tu te mords les lèvres lorsqu'une émotion te semble bien trop intense pour la contenir. Il t'arrive d'ailleurs de t'en faire mal. Vestige d'une vie passée : tu ne laisses filtrer aucune faiblesse.
Tu as une légère tendance à abuser du vin, parfois; on tue la solitude comme l'on peut.
Il t'arrive quotidiennement d'aller boire un verre le soir, au même bar. Allez savoir pourquoi. Tu ne parles à personne, personne ne te parle. Tu te contentes d'observer, de contempler quelques fois. C'est d'ailleurs dans ces courts instants que tu t'autorises une cigarette. Simplement parce que tu aimes ce goût si particulier sur les lèvres, la fumée qui lentement s'élève vers d'autres cieux.
✤ Relations avec votre vampire
Tu t'assimiles non sans mal à ces pauvres êtres qui, vont chercher quelque réconfort dans les produits illicites. Mais ton héroïne, ta cocaïne, elle, est bien plus nocive et dangereuse que cela. Elle coule sous ta peau froide, sous ta peau emmarbrée. Elle fait son lit, chaque jour un peu plus, entre tes seins, entre tes reins. Et tu peux la sentir, la ressentir lorsque tu fermes tes yeux fiévreux. Elle est partout. Elle est tout. Et c'est comme un court-circuit, un black-out absolu lorsqu'elle est là. Et tu ne sais plus qui tu es. Sinistra, elle lave les heures déliquescentes, déchiquette la peau brouillon. C'est une petite mort, celle de l'âme hérétique, de l'esprit tyrannique. Alors, tu t'y jettes à cœur perdu. Tu n'es qu'une gosse effrayée, qu'un pantin désarticulé. Entre ses bras, c'est l'essence même qui bat. Pourtant, tu la détestes. Sa peau de givre t'attire autant qu'elle te rebute. Paradoxe. Elle est la tâche encre dans ton ciel éparse, le tintement perpétuel à tes tympans. Sinistra, elle ne te tire pas vers le haut, elle ne t'élève pas pour quelques heures entre ses reins. Elle te noie. Comment pourrais-tu échapper à ce bourreau, victime de tes délires extatiques ? Deux roses noires, épineuses et venimeuses. Parfois, tu essayes encore de ne plus céder à cette marque qu'elle a laissé au creux de toi. Mais tu ne peux t'empêcher de plonger à nouveau ta tête dans la gueule du serpent. Faible que tu es. Tu le sais pourtant, la vie ne renaît pas entre ses seins ; elle sombre.
✤ Convictions
Tu ne songes pas beaucoup à cette histoire. Pour toi, le monde n'a toujours été, et ne sera toujours un grand bal où danse les fous. Alors qu'ils soient humains ou non, quelle importance ?... Tu te fous bien de tout. Vampires, sorciers, loups-garous... Tu ne regardes pas vraiment la race. Un client, reste un client après tout ?... De toute façon, tu n'as jamais eu de préjugé sur la question. Le monde se porte t-il moins bien depuis la Révélation ? Vous aussi, vous ne savez pas réellement comment y répondre, pas vrai ? Selon toi, la Révélation n'a fait que mettre en pleine lumière ce qui planait dans l'ombre. Désormais, les Hommes seront pourquoi, ils meurent. Mais concrètement, la vie reste une merde. Avec les mêmes obstacles à la clé...
Cependant, même si la honte te tenaille les tripes, tu ne peux nier cette obsession déliquescente qui t'habite désormais : tu ne peux résister à la douleur doucereuse lorsqu'une Créature de la nuit vient s'abreuver à ta peau brune...
✤ Signes particuliers
Une simple cicatrice au niveau de la lèvre supérieure. Une banale agression, pour une femme des trottoirs.

✤ NO REST FOR THE WICKED
Tu déploies tes ailes aux reflets encres. Laissant traîner derrière toi la dentelle éparse du morceau de soie qui t'enveloppe, tu bifurque. Là-bas, au détour d'un couloir dont les néons vacillent simultanément, tu t'engouffre sans le moindre frémissement. Dans le silence sépulcrale qui semble t'enserrer, les portes entrouvertes autour de toi laissent, en revanche, percevoir les échos saccadés de voix étrangères. De nombreux coups viennent meurtrir les parois aussi fines qu'une feuille de papier. Une saveur familière plane, comme le souvenir d'un lointain parchemin auquel tu te serais agrippée sans vergogne. Mais le temps coule sans égard, ternissant les lueurs vives d'un soleil adoré. Au loin, une femme hurle. L'agonie plaisant qui émane de sa gorge te fait frémir jusqu'à la moelle. Tu appuies alors ta main pâle contre les dorures du mur. Un nœud prend plaisir à enlacer ta gorge, telle la promesse d'une étreinte despotique et sans borne. Tu tentes d'inspirer paisiblement, mais l'air âcre endolorie délicieusement tes poumons. Un instant, tu cesses tout mouvement. Observant ta poitrine s’immobiliser promptement. Un sourire, aux éclats étrangement déplacés, étire ta bouche vermeille. Puis, malgré toi, le mécanisme instinctif reprend ses droits. Dans ton cheminement hasardeux, tu poursuis ta perte dans le néant.

Sur ton passage, ce même prénom, comme un refrain égaré que tu t'efforces d'occulter. Lentement, tu exerces un mouvement circulaire du poignet, signe qu'il ne faut plus insister. Pourtant, les voix persistent dans leur plainte harmonieuse. Tu veux prononcer la sentence ; ton autorité, mais ne peux exprimer qu'un simple soupire las. Quelques paires d'yeux te dévisagent incrédules, d'autres paraissent dévorer l'apparence qu'ils ont sous leur nez. Le menton relevé, démontrant avec fermeté que tu passes outre chaque attitude désobligeante ou inquiète, tu t'avances sans interrompre la continuité de ta route. Rien n'aurait pu cesser ton calvaire et pourtant, tout au fond de toi, tu espères encore qu'un téméraire n'agrippe avec violence ton bras. Silencieusement, tu comptes le nombre de pas sur le sol. Un, deux, trois... Mais rien ne vient.

Puis tu restes là, soudain vulnérable face à l'immensité d'une porte qui semble t'avaler. Ton corps, sculpté dans le marbre de l'immobilité ne veut obéir aux ordres que lui intime ton cerveau ; fuir. C'est comme une pathétique fatalité que ton être ne cherche visiblement plus à éviter.

- Et maintenant, pour nous ce soir, en exclusivité, voici Märta Holm !

Toujours dans un silence religieux, tu presses tes doigts gantés autour de la poignée arrondie. Un grincement raisonne alors le long du corridor, avant que tu ne t'y fasse absorber.

Consciencieusement, tu t'engouffres dans les méandres de la tragédie humaine. Illustre déesse déchue de ton royaume, dont le cœur et l'âme ne s'offrent plus qu'au simulacre de l'existence. Puisque dans les cavités putrides de ce cloître où tu t'enlises, plus rien n'a de sens.

- Bonsoir Jade.
- Alors Märta, parlez nous du déclin de votre carrière.

Intérieurement, tu supplies un Dieu auquel tu n'as jamais cru, puis tournes ton visage opalin vers ces prunelles interrogatives confinées dans le public. Tu hoches la tête, preuve illusoire que tout irait bien malgré tout. Mais personne n'est dupe. Et, tout le monde a bien perçu la lueur amère qui flamboie avidement au tréfonds de tes iris habituellement si hautaines.

Tu n'es plus rien.

✤ GUNSHOT

- Salut poupée !

Le corps légèrement voûtée vers l'avant, tu présentes à la vue de ce regard concupiscent la profondeur de ton corsage qui, se trouve à peine voilée par quelques mèches brunes. Tes lèvres étirent alors un rictus séditieux, tandis que ton interlocuteur semble sonder la marchandise que tu lui exposes. A travers ses pupilles dilatées, il ne perçoit pas la peau mensongère que tu as revêtu. Tout cela n'est qu'une vaine mise en scène où, tu connais les attitudes, les répliques sur le bout des doigts. Tu n'es plus qu'une misérable machine, qu'un malheureux automate. Alors tu inclines ta petite tête, arborant ce faciès faussement angélique et vulgaire. Tu n'es plus Märta, lorsque sa grosse main raboteuse empoigne finalement ton poignet maigrichon. Tu n'es même plus Raven, quand il se fend d'un rire gras, qu'il souffle son haleine perfide contre ta bouche pincée. Tu ravales un élan de répulsion, étouffes une gémissement de désapprobation au fond de ta gorge nouée. Mais il faut bien paraître. Et, peu importe ce que signifie « être ». Voilà qu'il s'extirpe de son vieux tas de ferraille, qu'il approche son imposante masse de ta poitrine affolée. Aucun tressaut ne strie les traits hautains de ton minois. Tu n'es plus rien. Seulement une chair appétissante. Secrètement, tu enfermes dans un coin de ton esprit volubile les espoirs lumineux qui, pour le moment, ne ternissent pas. Encore un pas, un dernier et, sa paume vient douloureusement épouser le galbe de ton sein. Mais, déjà tu n'es plus. Tes muscles se mouvent, tes lèvres répondent à ses joutes. Ce n'est qu'un rôle ponctué de faux-semblants où, visiblement, chacun prend tes agissements pour argent comptant.

- Allons ailleurs.

Et tu te presses contre sa musculature, te perds à travers quelques éclats de voix éhontés. Mais cela n'a aucun sens, n'est-ce pas ? Ta vie n'a aucun sens.

✤ UNTIL WE BLEED
Tu aurais pu marteler cette porte encore et encore, meurtrir ta peau brune contre cette chambranle acerbe et, visiblement, sans issue. Tu aurais pu te saigner aux quatre veines, seulement pour attiser l'odorat exacerbé de ta Maîtresse. Mais tu aurais pu, également, te confondre en sanglots ridicules, te laisser sombrer, là, devant le seuil de sa chambre, comme une pauvre poupée trop souvent chiffonnée.

Ton corps s'anime de soubresauts que tu ne parviens plus à maîtriser. Sinistra. Cette femme est une soif perpétuelle, une douleur lancinante et permanente. Tu ne sais même plus comment, ni même pourquoi. Tu as perdu la notion du temps, la notion de l'existence. Et, d'une certaine manière, tu sais qu'elle a toujours été là, quelque part au creux de tes reins, au creux de tes espoirs les plus vains. Sinistra. Elle accompagne chacun de tes pas, comme une ombre sépulcrale, un Ange à l'aura noire. Dans la cacophonie de tes songes volubiles, une petite voix te rappelle la sentence, l'échéance à poindre. Sinistra. Vampire de tes nuits, de ton esprit despotique et hérétique, elle souille les derniers éclats, les dernières failles. Mais c'est plus fort que toi, n'est-ce pas ? Tu ne sais plus faire autrement désormais, tu ne sais plus faire comme si elle n'existait. C'est pour cela que tu t'obstines, que toujours plus tu t’assassine.

Sinistra.
Reine et ruine.

Et tu tournes en rond, comme un animal en cage. C'est une spirale déliquescente, une hystérie incandescente. Là, au creux même de ton estomac, tu sens l'effervescence de tes émois posséder les organes bleutées, la viande faisandée. Alors tu fermes tes paupières, inspires cet oxygène tant adoré. Tu voudrais que le temps fixe à ses heures perdues tes délires extatiques, qu'il s'imprègne de tes calomnies. Mais il n'a pour toi que ses sourires familiers, que ses rires dentelées qui te font penser que, l'on aurait dû t'avertir qu'il n'est en réalité qu'un joueur avide, qui gagne sans tricher.

- Sinistra...

Tu pourrais t'agenouiller, là devant elle, comme ses Sœurs qui s'inclinent face à un Amour qu'elles n'effleureront jamais. Tu pourrais te briser aussi, dégobiller toute la noirceur, la pourriture depuis trop longtemps ingurgitée. Ou, tu pourrais simplement rester là, immobile, à détailler encore et encore la délicatesse de ses traits.

- Mordez-moi, prenez-moi, faites ce que vous voulez...

Cela n'a aucun sens mais qu'importe. Tu n'as plus que cela désormais ; la douleur des instants, la douceur des tourments. Sinistra.