✤ Traits de caractères Petite poupée fragile, avec un sourire rêveur coincé sur ses lèvres sèches. Elyon n’a pas de sens commun, elle ne pense pas comme vous, elle n’est pas toute seule dans sa vie. Elle parle beaucoup, elle ne garde rien pour elle, sa bouche est ouverte, coincée en position babillage. Elles sont belles ces chaussures, tu trouves pas ? Oui c’est vrai, dans une autre couleur elles seraient mieux. Oh regarde cette fille, c’est quoi ces cheveux ? Elle est passée dans une tornade ou quoi ? Pourquoi elle me regarde comme ça ? Eh, tu sais, y’a un coiffeur juste derrière toi. Puis elle rit et elle fixe un point où il n’y a rien. Rien pour le commun, mais elle, elle le voit. Il est là, il lui parle, elle aussi. Ils sont inséparables. Parfois ils se tiennent la main, parfois il la prend dans ses bras. Ce n’est pas un fantôme, c’est l’essence de son père qui veille sur elle. Enfin, c’est ce qu’elle croit. En réalité, il n’y a rien, juste une illusion produite par son esprit malade et solitaire. Il y a eu quelque chose, quand elle avait seize ans. C’est là que tout a dérapé. Depuis ? Parfois une voix, mais tout le reste est faux. Ses pouvoirs l’ont submergée.
Elle se berce d’illusions, la pauvre petite. Elle n’a que cette silhouette ombreuse aux yeux rouges pour lui tenir compagnie dans ses moments d’errances. C’est lui qui la pousse à voler, parfois à tuer, sans raison, juste… Comme ça. C’est à cause de lui qu’elle vagabonde dans les villes américaines avec les sbires de son oncle qui cherchent désespérément à la ramener là où elle cherche désespérément à remplir sa mission. Ils ont un accord, elle et la silhouette. Oh, d’ailleurs, il s’appelle Raphaël. Ils ont un accord, donc : Parfois, elle lui laisse son corps. Mais c’est un secret. Il se sert d’elle pour interagir, jour avec les humains, être libre, parce que l’Enfer est une prison. Et Elyon aime être cela, une petite clé dorée. Elle aime faire plaisir, gamine altruiste. Elle l’aime l’aider aussi, parce que Raphaël a un travail et elle est son assistante. Un statut qui la rend fière.
Elle ne prend pas de drogue, pourtant on pourrait le croire en voyant sa dégaine. Mais son apparence générale dépend de qui l’accompagne. Quand son géniteur l’utilise, elle est sublime, soignée, bien coiffée, une vraie petite poupée gonflable, un peu vulgaire. Juste assez. Quand elle est sous la garde des deux frères vampires envoyés par son oncle et à qui elle fausse sans arrêt compagnie, elle a l’air sage, respectable, surtout si elle se tait. Quand elle est seule, c’est une souillon, petite sauvageonne à la jupe déchirée, aux joues crasseuses où l’on distingue le sillon des larmes. Pourquoi pleure-t-elle ? Et pourquoi pas ? Parfois elle rit, parfois elle crie, parfois elle ne fait rien. Son cerveau n’est pas branché comme tout le monde. Quelqu’un, quelque part, a fait une erreur à la chaine de montage et la voilà, adorable gamine, pour qui la réalité n’est qu’une illusion parmi toutes les autres.
Un seul fil conducteur, les mots prononcés par son géniteur : Trouve les, ceux qui sont beaux, ceux qui conviendraient. Tu les sentiras. Et quand tu en as un, tu les appelles, ils viendront le prendre. Fais ça pour papa, mon ange. Tu vas m’aider, pas vrai ?
Tout ce que tu veux.
✤ Occupations Tout dépend de qui l’accompagne. Chez son oncle, elle lit. Parfois, elle tient le bouquin à l’envers, pourtant elle en connaît le contenu. Et ce sont ses lectures qui motivent ses destinations. Sinon elle flâne, elle erre, elle raconte des blagues à son père, des observations drôles sur la vie des humains. Par moment, elle va voir son oncle Killian et lui dit qu’elle l’aime. Ou qu’il est un insecte qu’elle va écraser. Son père ne l’aime pas, lui. C’est dommage… Elle aime aussi beaucoup ennuyer ses deux gardes du corps. Elle cherche l’endroit le plus pourri de la ville et elle s’attire des problèmes. Petite princesse aime être sauvée, elle a toujours droit à un câlin quand tout est fini, parfois à plus. Pour vivre, tout dépend. Elle a une belle maison à Manhattan mais elle déteste cet endroit trop propre. Souvent, elle crèche dehors. De toute façon, elle n’a pas besoin de beaucoup dormir. Elle fonctionne par micro-sieste, elle a des poches sous les yeux, elle a l’air ivre ou défoncée, mais non. Elle est juste épuisée et son corps tient par une sorte de miracle sordide.
Ne vous inquiétez pas pour elle, Elyon trouve toujours quelque chose d’amusant à faire et elle laisse les autres réparer ses bêtises.
Petite princesse.
Elle n’a pas grand-chose, juste un lecteur MP3, parce qu’elle adore la musique. Elle en a plein, de tous les genres, en fonction de son humeur (et surtout de ses personnalités). Elyon évolue en musique, toujours, comme dans les films. Elle se met en scène, ça rend la vie plus intéressante.    
✤ Les détails à savoir sur les Ó Raghallaigh♦ Elyon a un lion-garou pour garde du corps, appelé Romero. C'était un ancien des forces spéciales, infecté en mission, viré de l'armée et reconvertit en mercenaire.
♦ Son oncle, Killian, est un sorcier pratiquant la magie noire mais aussi le chef d’une famille mafieuse irlandaise installée à New-York depuis la fin des années vingt. Si Elyon est précieuse à ses yeux, c'est surtout parce qu'elle ressemble à Siobhan comme deux gouttes d'eau. Sa mère et Killian sont de faux jumeaux et Sio était toute sa vie. Il s'en veut énormément de ne pas avoir pu l'empêcher de mal tourner et essaie d'évacuer sa culpabilité en gardant Elyon sur le droit chemin.
♦ Sa mère, la sœur de Killian, était une sorcière démonologiste qui a invoqué un démon pour la mettre enceinte. Était-ce la source de leur lignée ou un sbire ? Personne n’en sait rien. Il est resté un moment à tourmenter toute la famille et se faisait appeler Raphaël.
♦ Sa famille donne dans l’extorsion, le blanchiment d’argent et le trafic d’objets magiques. Ils ont quelques groupes de mercenaire qui leur sont rattachés, uniquement des garous.
♦ Elyon possède des pouvoirs psychiques lui permettant de générer des illusions à plus ou moins grande échelle, fonctionnant plus ou moins bien en fonction de la nature de la personne. Sa mère étant une sorcière, ses pouvoirs sont assez puissants mais elle n’en a absolument pas conscience. Tout se fait à l’instinct chez elle, sur le coup d’un caprice.
♦ Raphaël a confié à Elyon l'un de ses serviteurs, un chien infernal visible par elle et ceux ayant des pouvoirs sensibles à la magie des Enfers. Il lui sert principalement de catalyseur même si elle n'en a pas confiance. Raphaël lui a donné pour qu'un bout de son essence soit toujours avec elle et le chien a donc l'apparence d'un des corps favoris de Raphaël. Pas par altruisme, simplement parce qu'il la trouve amusante et qu'elle a bon goût en matière de corps.
♦ Elyon pourrait être diagnostiquée pour des troubles de la personnalité multiple et une tendance sociopathique de par son détachement totale vis à vis des problèmes humains et son manque d’empathie. Elle est en dehors des réalités, ce qui explique ses réactions incompréhensibles.
♦ Elyon est une grande lectrice et comme elle a tendance à confondre la réalité et la fiction, tout ce qu’elle lit est vrai dans son esprit et c’est principalement ce qui la pousse à voyager. Elle a choisi Shreveport à cause des romans d’Ariel Llywlyn.
✤ Influence Liée à Scox.
Elyon a un pouvoir : Celui de générer des illusions à plus ou moins grande échelle. Son pouvoir, elle ne le contrôle pas. Il est l’instrument de ses envies, il donne vie à ce qu’elle image, mais ça n’a aucune tangibilité, aucune réalité. Pour ceux qui se laissent prendre à son jeu, oui, mais l’illusion peut-être facilement brisée si on a un minimum de pratique ou quelqu’un pour secouer la victime. Pour alimenter ce don, Raphaël lui a cédé l'un de ses serviteurs, à l'origine un chien démoniaque qui se fait en réalité passer pour lui. Il est porteur d'un morceau de son essence, qui lui permet d'adopter son caractère, de servir de focus à Elyon pour qu'elle puisse créer des illusions plus puissantes. Évidemment, la gamine n'en sait absolument rien et croit sincèrement que c'est son père qui est quasi toujours à ses côtés.
Elle croit avoir tout pouvoir, peut-être que c’est pour cela qu’elle n’a peur de rien. Elyon a l’impression qu’elle n’a pas quitté sa chambre douillette où son oncle l’a enfermée des années plus tôt, alors qu’elle est là, dehors, qu’elle confronte des créatures horribles. Elle le sait sans le savoir. Subtilité qui change tout. Parfois elle choisit des gens, et son père lui dit où les apporter. Ensuite ils reviennent et ils sont différents. Elle aime avoir un but, elle aime l’aider. Elle n’aime pas fréquenter les hommes bizarres qui l’adorent pourtant mais elle le fait, parce que Raphaël le lui demande. Trouble de la personnalité ? C’est surnaturellement pire que ça.
Un père construit. Un père détruit.
✤ Convictions Elyon pourrait avoir une opinion sur le sujet si pour elle, tout n’avait pas coulé de source. Elle a été élevée par un sorcier noir, chef d’une famille mafieuse irlandaise à New-York. L’un de ses gardes du corps est un vampire, l’autre un lion-garou, et elle sait que certains des hommes de mains sont issus d’autres souches de lycanthropies. Elle en a vu se transformer depuis qu’elle est gosse, tout comme elle a surpris Kell en train de vider des gens de leur sang avec ses dents. Elle voit les cauchemars des gens, sa mère était une sorcière démoniste, malheureusement morte en couche. La gamine baigne dedans et quand la révélation a explosé, elle a regardé la télévision d’un air incompréhensif. Oncle Killian, les humains sont stupides non ? a-t-elle demandé, drapée dans son innocence. Il n’y a rien de plus idiot qu’un humain.
Une réponse claire.
✤ Signes particuliers Parfois, Elyon a les yeux rouges. Pas pour de vrai, c’est une illusion qu’elle transmet aux autres quand elle n’est plus aux commandes de son corps. Un corps plein de cicatrices, pour toutes les fois où quelqu’un a essayé de la planter, où on l’a griffée, où son cou a été mordu par un suceur de sang un peu trop enjoué. En guise de tatouages, juste une marque sur l’intérieur de son poignet droit. Une rune démoniaque, qui est apparue quand elle avait seize ans.
Aucun piercing, oncle Killian la tuerait.
Chacun son sens des priorités.

— Pourquoi pleures-tu, ma chérie ?

Un souffle lui caressa les cheveux tandis qu’elle relevait la tête, ses yeux remplis de larmes qui s’écoulaient en torrent. L’homme à ses côtés, elle ne l’avait jamais vu. C’était un asiatique qui mesurait plus ou moins sa taille, soit un mètre soixante-deux. Il portait un costume gris parsemé de paillettes et avait les yeux rouges. Ses ongles étaient manucurés et plus long que la normale, comme de pseudos griffes. Il était maquillé, ses cheveux mi long réunis en une coiffure compliquée. Elle cligna des paupières une fois, puis deux, avant d’enfouir sa tête dans son coussin.
Encore une hallucination.
L’adolescente en avait souvent. Parfois, elle s’en rendait compte. Mais à mesure qu’elle grandissait, cela devenait, ironiquement, de plus en plus difficile.

— C’est pas gentil de traiter son père d’hallucination.
— J’ai pas de père.
— On a tous un père joli cœur. Parfois on s’en passerait, mais c’est ainsi. Peut-être que quelqu’un, là-haut, dans l’espace, a créé une race qui n’en a pas besoin. Mais sur Terre il faut quelqu’un pour au moins donner un peu de sperme.
— Tu crois vraiment qu’il y a des extra-terrestres ?
— Bah… Pourquoi pas ? Des vampires, des garous, des sorciers, de la magie, mais pas d’aliens ? Voyons.

Il rit et le son se répercuta dans tout son corps, l’enveloppant d’une douce chaleur apaisante. Elyon lui sourit avec tendresse.

— Ça se tient. Donc t’es mon père ?
— Oui.
— Et tu viens parce que je suis triste ?
— Oh non ça c’est un concours de circonstance. Mais je peux te faire un câlin si ça t’aide.

Elle haussa les épaules mais quand elle le vit ouvrir les bras, elle se laissa aller contre lui. En une seconde, leurs positions avaient changé : Il était allongé sur le lit, elle la tête contre son épaule. Les paillettes du costume lui grattaient la joue mais elle s’en moquait. C’était agréable, ses larmes avaient reflué naturellement en entendant les battements de cœur régulier de l’asiatique. Elle se laissa bercer et était en train de s’endormir, après un long moment de silence, quand elle demanda :  

— Tu viens me tuer ?
— Pourquoi je ferais ça ?
— Aucune idée. C’est juste qu’au bout de seize ans, un asiatique débarque en disant qu’il est mon père. Dans le meilleur des cas, t’es comme moi, un malade mental sauf que tu t’es tiré de l’asile. Dans le pire, t’es vraiment mon père, t’as pris le corps de quelqu’un et tu viens pour me tuer.
— Mais pourquoi spécialement te tuer ? Je pourrais, je ne sais pas…
— Moi non plus je ne sais pas, le coupa-t-elle. Pourquoi pas me tuer ?
— Parce que tu es plus utile en vie, ma chérie.
— Oh.

Elle sembla réfléchir sérieusement à la question.

— Je peux être utile alors ? C’est vrai ? Mon oncle ne veut pas, il dit que c’est un monde trop dur pour moi.
— Ton oncle est un crétin, je l’ai toujours dit. Tu peux faire plein de choses Elyon, tu peux me rendre service par exemple. J’ai besoin de faire venir des amis ici, mais il me faut de beaux corps à disposition. Avec ta gueule d’ange et tes airs fragiles, tu roulerais n’importe qui.
— Tu veux que je t’amène des gens pour qu’ils soient possédés ?
— Oui.
— D’accord. Autre chose ?

La créature partit dans un grand rire ravi.

— Oh tu es extraordinaire ma petite. Ta folie est si douce, murmura-t-il en lui caressant tendrement la joue. Tu n’as pas conscience de ce que tu acceptes, n’est-ce pas ?
— Je ne sais pas…, hésita-t-elle. Je ne crois pas. Mais ça ne me dérange pas, je m’ennuie de toute façon. Comment je saurais quels corps sont les bons ?
— Mh… Laisse toi guider par ton instinct ?
— D’accord. Je peux prendre qui je veux ?
— Qui tu veux.
— Et comment est-ce que tu viendras les chercher ?
— Ça ne sera pas moi, mais d’autres amis à moi.
— Je ne te reverrais plus, alors ?
— Tu veux que je revienne ?

Elle réfléchit.

— Ce serait chouette. Oncle Killian n’est pas drôle, mais toi t’as l’air plus… Fin je sais pas, ça se voit à tes fringues qu’on s’éclate bien avec toi.

Il déposa un baiser sur son front, le corps secoué de spasmes hilares.

— Je t’adore ma petite.

La porte s’ouvrit à la volée et son oncle entra. Elyon voyait briller la lumière d’un sort entre ses mains, qui s’écrasa sur son lit à l’endroit où s’était trouvé son père juste avant.

— DÉGAGE DE LA RAPHAËL ! Hurla-t-il, hors de lui.
— On a la rancune tenace à ce que je vois… Bon bon bon. A une prochaine ma petite.

Il lui fit un clin d’œil et elle n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit qu’il avait déjà disparu. La bouche ouverte dans un magnifique « o » outré, Elyon se tourna vers son mage noir d’oncle, les mains sur les hanches, à genoux sur son matelas.

— Mais POURQUOI tu as fait ça !
— Tu ne dois pas le laisser t’approcher, Elyon, idiote ! Tu ne sens pas ce qu’il est ?
— Je m’en fiche ! Il est déjà moins pénible que toi.

Killian ferma les yeux, une main sur sa tempe. Il inspira avec une exaspérante lenteur, sous les yeux de sa nièce qui s’était redressée d’un bond.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit ?
— Rien.
— Elyon, menaça-t-il.
— Rien.
— Pourquoi est-ce que tu le prends comme ça ? demanda-t-il, plus doucement.
— Je ne suis pas folle.
— Je n’ai jamais dit que tu l’étais.
— Si, tout le temps. Je t’entends.
— Elyon, qu’est-ce que Raphaël t’a dit ?
— Rien.

Un vent froid souleva la crinière rousse de la jeune fille tandis que des bras l’enserraient par derrière. Elle cria, se débattit, mais le vampire obéissait au sorcier.

— Dernière chance, Elyon.
— Non.

Il n’eut aucun état d’âme à lui planter ses canines dans la gorge pour lire son sang. A mesure qu’il fouillait sa mémoire par l’hémoglobine, la gamine revivait la scène et un sourire ravit déforma ses traits tirés. Ta folie est si belle. Personne ne le lui avait jamais dit. Elyon pleurnicha pour la forme puis se laissa aller dans l’étreinte en gémissant. Ils glissèrent tous les deux à genoux au sol. Elle sentait les bras du vampire trembler autour de son corps. Avec difficulté, il enleva ses crocs de sa chair mais il haletait, chose anormale pour un vampire.

— Kell, lâche-la.

Elyon regarda Romero, qui se tenait dans l’encadrement de la porte. De tout son mètre quatre-vingt-dix, large d’épaules, les cheveux dorés, son œil en moins qu’il arborait fièrement comme une blessure de guerre (ce que c’était).

— Laisse-le, c’est pas grave, murmura la rousse. C’est pas sa faute, je crois que mon sang a un problème, continua-t-elle sur le ton de la confidence.


Un problème.
Un problème
C’est toi, le problème…


— Elyon ?

La douce folle rouvrit les yeux en sursaut, sentant l’étreinte de Romero autour d’elle. Le lion-garou était brûlant mais il n’avait pas de fièvre, c’était simplement sa température corporelle. Torse-nu, couvert de cicatrices réalisées à l’aide de lames en argent, il lui manquait un œil. Il était son garde du corps.

— Tu trembles.

Ce qui expliquait pourquoi il s’était plaqué contre elle.

— Je me souvenais d’un truc.
— Un truc comment ?
— Une scène, comme dans un film.
— Et ça venait d’un film ?
— J’crois pas. T’étais la, Kell aussi, et Killian, et Raphaël au début.

Le lion-garou la regarda avec cet air qui n’appartenait qu’à lui, entrouvrit les lèvres, puis choisit finalement de ne rien dire.

— On sera bientôt de retour à Manhattan.
— Mais j’ai pas…

Elle se redressa à moitié, paniquée, avant d’apercevoir l’asiatique assit confortablement sur la chaise du motel. Il lui fit coucou de la main et elle sourit, avant de baisser les yeux, l’air coupable.

— J’ai foiré cette fois papa, je suis désolée.
— Tu devrais les tuer, suggéra le démon.
— Je les aime bien. Enfin Kell, moins. Mais j’aime Romero.

Le lion-garou ne dit rien. Il ne voyait pas Raphaël et il savait que c’était le produit de l’imagination malade de la jeune fille. Il la serra un peu plus fort, silencieux. Il espérait vraiment qu’un jour elle irait mieux, mais il savait rien qu’à son odeur qu’elle était différente. C’était la raison pour laquelle Kell était toujours si distant : Boire son sang l’avait rendu accroc et il ne se faisait pas confiance, malgré son fabuleux contrôle, pour ne pas la vider un jour. Alors Romero s'occupait d'Elyon tout seul, avec les ennuis que cela pouvait comporter parce qu'il était sensible à son pouvoir d'illusion. Mais personne d'autre ne pouvait s'en charger...

Le fait qu’elle aide des sectes sataniques à se procurer des corps n’était pas le véritable fond du problème. Cela, encore, la mafia pouvait le gérer mais elle se mettait en danger en s’attaquant sans distinction à des gens parfois trop dangereux, trop bien protégés, trop bien entourés. Elle finissait dans des situations affreuses sans être maîtresse d’elle-même. Malgré ses vingt-six ans, tous la voyaient comme une enfant et à raison.

Comment Elyon arrivait-elle à s’échapper aussi souvent ? C’était un mystère. Un moment, elle était là. Un autre, elle n’y était plus. Souvent, ils étaient obligés de la droguer pendant la journée histoire qu’elle reste endormie mais son corps résistait de mieux en mieux. Puis elle se tenait tranquille quelques temps…Avant de disparaître à nouveau. Ils ne voulaient pas l’enchainer dans sa chambre, mais elle était un danger pour elle-même, pour les autres aussi. Ils auraient pu la placer mais personne ne s’y résolvait. Puis, où la mettre ? Ce serait abandonner, s’avouer vaincu…Romero inspira profondément, s’enivrant de son parfum sucré.

— Assomme le ?

Elle gloussa.

— Ne sois pas bête, c’est un lion. Je ne frappe pas assez fort.
— Rendors toi Elyon, demanda prudemment le garou.

Son regard suppliant eu raison de sa volonté.

Quand elle se réveilla, elle était de retour dans sa prison. Romero l’avait portée dans la voiture, puis du véhicule jusqu’à l’entrée du manoir new-yorkais. La bâtisse était imposante et pourvue de six chambres, sans compter un vaste sous-sol pour les soirs de pleines lunes. Son oncle y avait également un laboratoire, une grande bibliothèque occulte, un bureau privé pour les affaires, une cuisine où s’affairait la gouvernante… Il y avait toujours eu beaucoup de vie ici, beaucoup de belles choses aussi, qu’Elyon cassait souvent. Mais elle ne le faisait pas exprès…
Accrochée à la chemise de Rom, Elyon ne jeta même pas un regard vers son oncle qui l’attendait dans le hall. Ils passèrent devant lui et elle le vit tendre la main pour prendre la sienne, ce qui eut pour effet de la faire s’accrocher un peu plus fort au lion. Romero grimpa les escaliers, puis la déposa sur son lit. Elle s’y assit.

— Tu veux un livre ? lui demanda-t-il avant de sortir.
— Cicatrices.

Il chercha dans la pile d’une dizaine de romans encore non lus qui trônaient sur son bureau. Il jeta un regard réprobateur à la couverture, au résumé ensuite, puis poussa finalement un soupir.

— Tu devrais lire des romans normaux.
— La normalité, c’est subjectif. Tu m’le donnes ?

Il fit la moue, puis le déposa finalement sur les draps.

— Elyon… Regarde-moi.

Docilement, elle leva les yeux vers lui.

— New-York, c’est déjà pas la joie. Mais Shreveport ? C’est pire que tout, crois-moi. Je sais que t’iras quand même, que tu trouveras toujours un putain de moyen, mais, Elyon, juste cette fois, le fait pas. Je t’emmènerais où tu veux, mais pas là-bas. Il s’interrompit quelques secondes. Qu’est-ce qui te fait sourire ?
— Rien. C’est Raphaël.
— Faudrait qu’tu lui dises de se montrer un jour. Et pas dans ton corps. J’ai quelques trucs à lui dire.

Elle fronça les sourcils, le regard perdu dans le vague.

— Elyon, tu promets que tu n’iras pas ?
— D’accord…

Il lui ébouriffa les cheveux et l’attira contre lui. Puis il lui murmura à l’oreille :

— Retiens le nom de Micah. Ne l’oublie pas. Jamais, d’accord ? Quand tu t’attireras des problèmes, c’est le seul qui pourra t’aider.
— Je ne risque rien Rom. Raphaël est là. Il veille sur moi. Il est fier de moi, il m’aime tu vois ? Genre, vraiment.

Le lion déposa un chaste baiser sur ses lèvres et sortit sans répondre, en fermant la porte à double tour.


Elyon tint sa promesse pendant trois semaines. Si longtemps que le lion endormit sa méfiance, que le vampire retourna à d’autres activités et que le mage noir put terminer de réparer les problèmes qu’elle avait causé dans le Nevada. Rien de bien grave. Heureusement, Killian s’était toujours bien entendu avec les siciliens sur place, leur capo lui devait un service, alors les corps disparurent, surtout ceux de la secte que Rom avait massacré. Killian aurait dû être avec lui mais depuis la mort de sa sœur, il avait une dent contre les démons et leurs adorateurs. Il s’était purgé du pouvoir des enfers, pour se tourner vers des branches moins corruptrices de la magie noire.
Dommage pour lui. Ça l’avait rendu aigre, probablement parce qu’il était continuellement en manque.

Tout se passait pour le mieux, dans un calme relatif. Puis un matin, elle tourna la dernière page de Cicatrices et décida qu’elle avait envie d’aller à Shreveport. Alors elle prit l’une des voitures de Killian, dans le grand garage, et démarra sans que personne ne remarque rien. Elle n’avait pas conscience d’avoir utilisé son pouvoir d’illusion pour persuader les occupants de la maison qu’ils n’entendaient rien.
Le temps qu’ils se rendent compte de quelque chose, elle serait loin.