L’entraînement n’est rien, seul compte la volonté ! La voix avait claqué, ferme et dure. La jeune enfant à la chevelure blonde qui frappait en continu semblait portée par elle. Elle frappait de ses poings, encore et encore. Plusieurs femmes se trouvaient autour d’elle, lui souriant et l’encourageant. Quel âge pouvait bien avoir cette petite fille ? 6 ans ? 7 ans ? Pas plus. Et pourtant ses poings fendaient l’air et s’écrasaient sur le visage meurtri d’un homme attaché sur une chaise. Le sang éclaboussait ses poings meurtris dont les articulations la lançaient douloureusement. Un apprentissage est toujours douloureux. Celui de tuer l’était bien davantage que les autres. C’était un travail de longue haleine qui structurait à la fois le corps et l’esprit. Une discipline de fer. La petite fille n’était pas n’importe qui pour recevoir pareil entraînement. Sigrid faisait partie d’un groupe puissant en Norvège. Et elle était une lycan. Elle était née ainsi, nul n’avait eu besoin de la mordre pour qu’elle dispose de ses pouvoirs. Elle avait vu le jour dans le Caern de ses ancêtres, au milieu de la célèbre meute des Amazones dont sa mère était l’Ulfric. La mise bas avait été accueillie par un chœur de hurlement des louves, célébrant la venue de l’héritière. Car oui, les Amazones étaient une meute entièrement femelle qui ne tolérait la présence des mâles que dans le but de procréer. Les nouveaux-nés masculins étaient abandonnés ou sacrifiés. Lorsqu’elle vit enfin le jour, elle fut portée aux nues. La transmission, la perpétuation de la lignée était assurée.

Très jeune, Sigrid fut adulée par les membres de la meute, ses tantes et ses cousines. Elle était de plus la seule descendante de l’Ulfric. Très rapidement, elle sût commander, ordonner et faire preuve d’un caractère sans concession, d’autant plus qu’on ne lui refusait absolument rien. Elle vécut une enfance heureuse, allant également à l’école naturellement. Lorsqu’elle revenait le soir, on lui apprenait l’art de devenir une vraie louve, digne de la Meute des Amazones. On lui apprit à tuer très jeune. Afin de forger et renforcer son cœur et qu’elle ne présente jamais de signe de faiblesse au moment de porter le coup fatal. Les Amazones étaient connues comme étant de fières guerrières et la fille de l’Ulfric se devait d’apprendre rapidement toutes les ficelles pour faire honneur aux siens. La petite Sigrid s’acclimatait parfaitement bien à cette double vie. Elle jouait relativement peu avec les autres enfants ce qui inquiétait quelque peu ses enseignants mais comme elle avait de bons résultats à l’école, on la jugea seulement solitaire. Rapidement, Sigrid développa des talents certains dans l’art de se battre. Le digne sang de sa mère coulait dans ses veines. Elle était sans pitié, malgré son jeune âge. Respectée et écoutée, elle était heureuse. Elle ignorait qu’un élément allait tout faire basculer dans sa vie.
       

Mademoiselle Caernhilde, si ce cours ne vous intéresse pas, vous savez où se trouve la porte. Sigrid tourna la tête et adressa un sourire ironique au professeur. Son amie lui donna un coup de coude pour qu’elle évite une énième punition. Le caractère de Sigrid s’accommodait parfois très mal de l’autorité. Elle avait eu un nombre assez incalculable de mots sur son carnet mais cela ne lui avait jamais valu de remontrances chez elle, bien au contraire, on admirait sa force de caractère, qualité dans sa Meute. Arrête de lui jeter des regards en coin, il va finir par s’en rendre compte ! Et alors ? Son amie rosit. Sigrid était une jeune fille qui savait ce qu’elle voulait. Elle avait grandi et de petite fille, elle était devenue une adolescente d’une grande beauté. Son corps parfaitement bien constitué possédait une plastique avantageuse. La quantité massive de sport qu’elle s’imposait depuis l’enfance lui avait sculpté un corps de rêve, ni plus ni moins. L’enseignant reprit son cours. Elias, un grand gaillard membre de l’équipe de foot du lycée, en profita pour se retourner vers elle. Dis-moi, Caernhilde, ça te tente une petite soirée près du lac ce soir avec moi ? Rien que tous les deux ? Sigrid lui jeta un regard blasé sans répondre. A la fin du cours, cependant, Elias l’avait attendu dans la cour. J’attends toujours ta réponse, Caernhilde. Tu ne peux pas refuser une proposition pareille. Beaucoup de filles tueraient pour être à ta place. La jeune femme eut un sourire ironique. Je leur laisse ce plaisir de bon cœur. Ce qui n’était nullement au goût d’Elias. Il posa sa main sur son épaule rudement, dans l’intention manifeste de la rapprocher de lui. Mal lui en prit. Une fraction de seconde avait suffi à Sigrid pour attraper le poignet du jeune homme, le lui tordant sa pitié, Elias se retrouvant à genoux devant elle. Elle se pencha lentement, froidement, approchant ses lèvres de son oreille et murmura : Touche-moi et cette main ne touchera plus jamais rien…

Deux filles se tenaient sur la table, se déhanchant sensuellement. Des couples se formaient parfois tandis que les autres dansaient ou buvaient. Sigrid se tenait accoudée au comptoir. La soirée chez Luca était relativement décevante et la blonde se demandait si elle n’allait pas tout bonnement rentrée chez elle. Quand soudain, un jeune homme s’installa à côté d’elle. Des boucles blondes presque blanches, un regard d’une grande douceur, des traits fins et délicats. Il lui adressa un sourire. Il semblait aussi blasé qu’elle. Salut. Je suis Sven, je suis dans la classe du frère d’Elias. Sigrid, enchantée. Tu  n’aimes pas la soirée ? Je ne suis pas très musique techno… A dire vrai, le violoncelle a ma préférence. En quelques minutes, elle était sous le charme. Il semblait doux et différent des autres. Ils avaient passé la soirée entière à discuter, échanger. Puis, il avait proposé de la raccompagner. Sur le pas de la porte, ses lèvres avaient capturées les siennes en même temps que son cœur. Il repartit, laissant sur le visage de Sigrid un sourire rêveur. Ce qu’elle ignorait en cet instant, c’était que son destin était scellé. Sa tante et sa cousine avait vu la scène…

 
Le sang dégouttait, coulait, ruisselant et lui laissait un goût de fer dans la bouche. Ce sang, pour une fois, était le sien. Comment as-tu me faire ça !!! Tu es la honte de la Meute ! Petite traînée !! Le cri résonnait dans sa tête douloureuse. C’était sa propre mère qui l’avait mise dans cet état. Et qui hurlait comme une démente, les traits déformés par la colère. Elle bondit, se transformant en même temps. Un coup violent la frappa au plexus et lui coupa la respiration. Effrayée, elle prit forme lupine mais elle n’avait absolument aucune chance. L’Ulfric était plus vive, plus puissante et plus expérimentée qu’elle. Jamais elle ne parviendrait à s’en sortir vivante. Sa tante et sa cousine avait évoqué avec sa mère le jeune humain qui l’avait raccompagné et embrassé sur le pas de la porte. Et l’Ulfric avait vécu cela comme une insulte personnelle. Les Amazones méprisaient les humains, elles ne s’y mêlaient que parce que cela leur était obligatoire. Que son unique fille puisse batifoler avec un membre de cette sous-race était une véritable trahison. Ainsi, en fin de journée, la mère de Sigrid était venue la voir dans le salon, la colère déformant ses traits, en lui sommant de s’expliquer. Je l’aime, mère. Voilà tout, avait annoncé Sigrid, haussant les épaules. Tu ne le reverras plus jamais, c’est clair ? Pourquoi ?! Je le reverrais, je ferai ce qu’il me plait ! Tout était parti de là. Sigrid ne comprenait pas qu’on lui refuse quelque chose, on ne lui avait jamais refusé quoi que ce soit. Alors, folle de rage devant sa fille qui refusait de se soumettre, la mère s’était jetée sur elle, la frappant violemment. A présent, sous sa forme de louve, elle sentait les crocs aiguisés de celle qui lui avait donné la vie s’apprêter à la lui reprendre en transperçant sa chair de part en part. Silke !!! Arrête !!! Tu vas la tuer ! Sa tante qui venait d’entrer dans la maison avait vu la scène et se jeta dans la bataille. Soudain, Sigrid poussa un hurlement plus intense encore que tout ce qu’elle avait émis pendant la bataille. Une douleur cuisante, brûlante venait de la saisir dans le bas-ventre. Sa tante venait de renverser sur elle le poêle brûlant. Elle allait en garder une cicatrice à vie et des douleurs persistantes.

Son regard se posa sur le perron. Elle avait vécu pendant des années dans cette demeure qui désormais n’était plus la sienne. Son baluchon sur l’épaule, elle tenta de réfréner les larmes qui pointaient à ses yeux. Sa famille la rejetait. Elle était désormais une louve solitaire, sans meute, déchue. Personne n’était là pour lui faire signe tandis qu’elle partait, l’Ulfric avait été très claire. Elle n’avait plus de fille et Sigrid n’avait plus de mère. Elle vécut pendant de nombreuses années en Europe, circulant au gré de ses envies. Elle parvenait à se nourrir en chassant, notamment des humains. Après tout, elle n’a que peu d’estime pour eux, pour ne pas dire de la haine. Ils sont en partie responsables de sa déchéance. Jusqu’à ce qu’elle décide de tourner le dos à ce continent et rejoignit les Etats-Unis.

 La révélation la laissa relativement indifférente, même si elle estimait au fond d’elle que c’était une bêtise. Un an plus tard, elle rencontra Nyah. Elle se trouvait alors à Shreveport depuis peu de temps, répondant à l’appel de la meute qui y tenait résidence. Elle n'était qu'une cabot et ne s'était donc pas approchée pour l'heure du groupe. Elle avait ressenti l'appel et, sous sa forme lupine, elle courrait silencieusement à travers les ruelles, savourant le vent sifflant dans sa fourrure, faisant garde de ne pas se faire repérer. Elle avait senti la présence de l’humaine bien avant de la voir. Elle déboucha dans une ruelle sombre, non loin d'un bar où se trouvait cette femme. Jeune. Le visage défait, les yeux hagards, elle faisait peine à voir si Sigrid avait eu des sentiments de compassion envers le genre humain. La jeune fille leva soudain le bras, braquant une arme en direction de la louve, sans doute par peur. Elle ignore encore ce qui l’a poussé. En fait, elle le sait au fond d’elle. Elle crevait littéralement de solitude depuis tant d’années qu’elle a ressenti le besoin d’être avec quelqu’un. Sautant sur Nyah, elle l’a sauvagement mordu. Lorsque la jeune fille est tombée dans l’inconscience, elle a repris forme humaine et a appelé les urgences avant de disparaître dans l'ombre. Jusqu’à ce qu’elle soit rétablie et que Sigrid vienne frapper chez elle pour se présenter et lui proposer de la guider. Elle était devenue une véritable lycan. Naturellement, elle lui en a voulu. Mais Sigrid l’a guidé, aidé et éduqué. La révélation des lycans eut lieu un an après cet événement et Sigrid estima que c’était une erreur de plus. Elle, conserva soigneusement son anonymat. Non qu’elle ait honte de sa situation, bien au contraire. Elle estimait les humains indignes de connaître leur existence. Ce fut en 2009 qu’elles rejoignirent la meute, Sigrid désirant retrouver la joie du groupe et surtout laisser sa chance à Nyah de s’intégrer parmi les siens. L’Ulfric, William Cohen, l’accueillit naturellement à bras ouverts. Une Amazone dans sa meute était un atout non négligeable, malgré son caractère bien trempé. L’éducation qu’elle avait donné seule à Nyah acheva de les impressionner et on lui proposa le poste de Freyja.

Ce sont des années douces pour Sigrid, quoi qu’elle en dise. Elle noua des liens très étroits avec une louve prénommée Lou, son amie proche qu’elle dût se résigner à voir partir en temps qu’espionne. Elle a rapidement pris en charge les entraînements et apprécie former les jeunes. Elle a tendance à avoir du mal avec Clayton, le shérif de la meute et ne se prive pas de le lui faire sentir…  Concernant Tyron, de son côté, elle tempère son caractère agressif, il est pur sang et c’est l’homme à tout faire de l’Ulfric, elle ne peut donc faire grand-chose contre lui..  Entre 2010 et 2011, la découverte des HA et les violences qui se sont déroulées à Shreveport ont marqué Sigrid évidemment. Elle aurait aimé pouvoir combattre les vampires mais le fait qu’il attaque les humains n’est pas pour lui déplaire. Elle a combattu lors de l’attaque de la Déesse de même que lors des attaques contre la meute. La perte de l’Ulfric a été douloureuse, même si elle ne le portait pas dans son cœur. Elle est toujours là, forte et assurée. Elle est une louve pur sang, de haute lignée et elle luttera de toutes ses forces pour les siens.