Traits de caractères
Nathan est un homme aux plaisirs simples mais aux goûts compliqués. Non, ce n'est pas une antinomie, loin de là. Prenons un simple exemple : discuter avec un ami peut lui procurer un ineffable bonheur (Un plaisir simple, donc) mais pour parfaire le tout il faut un lieu spécifique, un environnement et un temps précis (goûts compliqués). Car, oui : ce qui peut paraitre futile pour quiconque sera sujet à un certain agacement pour Nathan. Au final, comme tout français qui se respecte, c'est un bon râleur. Il râle pour évacuer sa frustration. Il râle aussi contre tout ce qui ne va pas dans son sens. Il râle beaucoup, c'est vrai... Mais au fond c'est un bon gars. Son côté altruiste le pousse souvent à faire de nombreuses concessions pour satisfaire son entourage. Et après tout, sacrifier une petite envie égoïste afin de passer un bon moment, c'est un petit prix à payer. Malheureusement, peu de personnes semblent le comprendre.
A côté de ça, Nathan est quelqu'un de rêveur et qui s'adonne à la lecture, quotidiennement. On pourrait d'ailleurs penser qu'il vit par procuration, la réalité (actuelle ou plus ancienne) ne lui ayant jamais donné beaucoup d'occasions pour qu'il croque la vie à pleine dent. Mais attention, il ne s’apitoie pas pour autant sur son sort ! Sa vie, il l'a choisie et n'a jamais été contraint de rien. Vivre par la lecture lui donne un sentiment de satisfaction une large partie du temps, même si parfois il aimerait rencontrer les héros des œuvres qu'il lit. Après tout, c'est un plaisir à double tranchant : plus on apprécie une lecture, plus on s'attache à des personnages irréels qui ne sortiront jamais de notre imagination.
Nathan est une personne généralement joviale, sociable et qui a le sourire aux lèvres en permanence (sauf lorsqu'il râle, bien entendu). Il est gourmand, a un esprit de compétition considérable (Participer ? Pourquoi si l'on n'est jamais sous le feu des projecteurs ?) et aime son pays, à la limite du chauvinisme. En contrepartie, c'est une personne lunatique et sensible. Très naïve, même, lorsqu'il s'agit de personnes qui lui sont proches. A savoir, malgré tout, qu'abuser de sa crédulité n'est possible qu'une seule fois. Son esprit vindicatif et rancunier ne pardonne que très peu, moins encore les trahisons. Il a également, et c'est là l'un de ses plus grands défauts, tendance à une "paranoïa sentimentale" exacerbée ainsi qu'à une certaine jalousie. Bien sûr, il ne cesse d'essayer de changer ces soucis, mais sans grand succès. Alors, et pour se rassurer, il se dit qu'il tombe simplement sur des mauvaises personnes qui lui font espérer des choses fausses ou qui ne sont simplement pas sincères envers lui.
Mais concluons malgré tout sur une note plus agréable et pas d'une moindre importance : sa générosité. Il donne beaucoup trop, trop vite. Faire plaisir est quelque chose qui le rend généralement heureux aussi. Plaisirs simples, goûts compliqués et une point de naïveté.

Occupation nocturne
Depuis qu'il est arrivé à la Nouvelle Orléans, Nathan flâne beaucoup dans ses rues (ou dans sa banlieue), un bouquin ou un guide touristique à la main. Même si l'humidité et la chaleur lui sont insupportables, il aime s'asseoir dans des Cafés et écouter de la musique locale tout en se renseignant sur l'histoire de la région. Il lui est arrivé plusieurs fois de faire des rencontres éphémères dans ces mêmes Cafés, de converser avec elles en essayant de comprendre leur accent créole trop prononcé. Si il avait ses amis ici, nul doute qu'il aurait partagé tout ceci avec eux. Seul et limité financièrement, les possibilités ne se bousculent pas toutes au portillon !
Lorsque le crépuscule pointe le bout de son nez, chaque soir, il se rend sur le lieu de travail qui lui a été assigné. Ici, il n'a pas de job précis et enchaine donc les passages dans différents restaurants selon leur besoin. Actuellement, et en plus d'un mois, il n'a jamais eu de soucis à se faire et a toujours pu dénicher le petit boulot qui lui permettrait de payer sa modeste chambre d'hôtel et de quoi le nourrir. Indéniablement, on pourrait penser que ce mode de vie a trait à l'épicurisme : simplement satisfaire ses besoins primaires pour jouir de la vie le reste du temps. Malheureusement, ce n'est pas aussi facile. Et même si Nathan a des plaisirs simples, l'aisance financière permet de ne pas se préoccuper du lendemain et de vivre dans un certain confort, et c'est bien là une chose qui lui manque quelque fois. Il compte bien remédier à cette situation précaire grâce à la licence qu'il a pu obtenir en Histoire même si il ne sait pas très bien comment. C'est une voie qui, même en étant un grand passionné, ne donne pas tant de débouchés...
Ah oui : il est nécessaire de préciser que, dans ces restaurants où il travaille d'une façon irrégulière, il ne possède aucun poste fixe. Même si il préfère largement la cuisine à la plonge ou au service, il s'y colle malgré tout si on le lui demande. Ce n'est pas comme si il avait son mot à dire, de toute façon.

Manies, habitudes & goûts
Tout d'abord, il possède une manie insupportable : il se ronge les ongles. Ouais, ça craint vraiment. Il le fait depuis son entrée à l'école et n'a jamais pu arrêter. Les périodes de stress sont les pires, mais tout s'apaise lorsqu'il est en vacances, entouré et occupé. Se consacrer à une tâche permet de penser à autre chose et ne lui donne pas le temps de se torturer les doigts.
Plus grossièrement, Nathan aime lire (comme déjà dit), cuisiner (héritage parental) et l'Histoire. Ahhh, l'histoire... Grâce à une professeur passionnée qui lui a fait découvrir cette discipline, il en étudie maintenant tous les fondements et les secrets cachés. D'ailleurs, comme beaucoup disent, "Notre passé fait ce que nous sommes". Quelques uns vous rétorquerons que ce sont nos choix, mais peu importe. Les deux peuvent être indissociables.
Dans le même registre, il trouve passionnant l'étude de la géopolitique. Plus encore dans... les circonstances actuelles qui dépassent non seulement l'entendement mais également les frontières des états bien établis et propres sur eux. Intégrer le monde surnaturel à l'univers politique a chamboulé bien des choses dans l'organisation mondiale. Aussi, une journée passée sans écouter de la musique est une journée de perdue. Plus qu'un passe temps, c'est un indispensable générateur de bonne humeur (ou de tristesse selon les morceaux écoutés !). Il possède des goûts éclectiques, et pas seulement dans le domaine musical : ne pas avoir de bornes permet une nécessaire ouverture d'esprit sur les gens qui nous entourent.
Dans le désordre, il aime : bien manger (Chocolat et fruits rouges tout en haut de la liste), la neige, le froid, l'eau, le sport (Il préfère le regarder), débattre, penser, le jus de pomme, les couleurs sombres, l'originalité, la musique et la littérature en général.
A l'inverse, il n'apprécie pas : les personnes collantes ou méprisantes, les cons, les pommes (mais il aime le jus, oui), dormir, étendre le linge, la chaleur, l’exhibitionnisme, perdre, étudier.

Convictions
Sa jeunesse s'est déroulée de la façon la plus ordinaire qui soit, calquée sur celles de ses camarades. Une sorte de chemin que l'on suit sans y penser, un mode de vie commun et pas vraiment original. La révélation a chamboulé tout ça, renversant les vies platoniques des différents peuples. En fait, ceux qui la critiquent sont soit des hypocrites, soit d'insupportables conservateurs terrifiés par la nouveauté. En effet, cette révélation était la nouvelle que l'humanité attendait. Cette même humanité en mal d'excitation, lassée par des guerres fratricides et sans fins. La révélation permet la découverte de nouveaux horizons, l'apprentissage d'une dure cohabitation et d'une reformation complète des sociétés !
Rassurez-vous, cependant ! Nathan n'est pas un fan inconditionnel des créatures surnaturelles. En réalité, il n'a pas vraiment d'avis sur la question. Il voit simplement le côté pragmatique des choses : le changement. C'est véritablement ça qui le motive, contrairement aux choses trop prosaïques. Il n'irait en aucun cas batifoler dans les champs avec une créature surnaturelle sans en savoir un minimum sur elle. L'adoration aveugle, à qui qu'elle soit adressée, n'est jamais une bonne chose et se termine bien souvent très mal (Déceptions... et j'en passe et des meilleurs).

Signes particuliers
Son éducation lui a bien apprit une chose : notre peau ne doit pas être dénaturée par quoique ce soit d'artificiel et de permanent lorsqu'on sera enfermé entre quatre planches de bois. Donc pas de tatouage ni de scarification marquante. Les cicatrices ne sont pas toujours volontaires donc ça ne compte pas. Mais il n'en n'a pas pour autant
En réalité, il n'a pas véritablement de signe distinctif. Un grain de beauté sur sa lèvre inférieure et des lunettes lorsque il ne porte pas ses lentilles. Il garde également toujours un collier auquel sont accrochés deux anneaux entrelacés et marqués par des signes inconnus.

Carnet de route

Le 26 mars, Année 1

Salut, moi c'est Nathan.

Ça fait pas mal de temps que je pense à écrire. Des journaux et des mémoires, j'en ai lu pas mal, il est vrai. Mais jamais encore je ne m'étais imaginé avoir besoin de raconter ma vie à un bouquin qui ne me répondra pas. Ce n'est même pas un besoin, en réalité, mais une simple envie. Je me sens un peu seul depuis que je suis arrivé. Déjà que, de prime abord, les États-Unis ne m'attiraient pas... Maintenant, ce pays me révulse presque. Je n'aime pas ses coutumes ni le mode de vie qu'il prône. L"American Dream", disaient-ils. Ce n'est pas exactement ça, non. Un pays où la population achète plus d'armes que de bouteilles d'eau n'est pas un lieu onirique. Ce n'est pas ma conception du paradis, en tout cas.
Heureusement, j'ai eu la bonne idée de venir en Louisiane, l'un des seuls coins du pays où je peux encore entendre ma langue natale. Le dépaysement s'en retrouve amoindri même si ce n'est toujours pas la France. En plus, il y fait lourd et on y dort mal... Mais suis-je véritablement en droit de me plaindre ? Après tout, j'ai choisi moi-même de venir ici. Parmi toutes les destinations qui s'offraient à moi, j'ai choisi La Nouvelle Orléans. Un lieu dont on m'a toujours vanté la beauté et l'originalité (Sur ce dernier point, je ne peux strictement rien dire, c'est conforme à la description...). Mais bon, je me plains, je me plains... Mais je ne suis pas si malheureux. La population est agréable et les loisirs y sont proposés à profusion. C'est juste que je m'y sens... seul. Pas d'amis, pas de famille, même si pour cette dernière ça fait déjà pas mal de temps que c'est le cas.

Je pense qu'au fond de moi, je m'attendais un peu à devoir partir un jour. Je n'ai donc pas été déçu, ou même triste. Plus grand chose ne me retenait sur le vieux continent. Bien sûr, quitter mes amis n'a pas été une partie de plaisir, mais c'était un mal nécessaire. Après tout, ils n'étaient pas non à l'abri de la secte à laquelle mon père appartenait.
Pour être clair, je suis né et j'ai grandi dans une famille profondément catholique et conservatrice. J'ai eu le droit à toutes les merveilles du genre : baptême, catéchisme, messe le dimanche matin... Quand j'étais petit, je le faisais parce qu'on m'y obligeait. Je n'y comprenais pas grand chose, mais je savais que ça m'imposait un mode de vie plutôt strict. Puis j'ai atteint l'adolescence sans vouloir continuer à prier un dieu en lequel je ne croyais pas. Au mieux j'étais agnostique, au pire athée. Les conflits qui s'en sont suivis avec mes parents étaient violents. Au début, je cédais et continuais à les suivre le dimanche (sans me départir pour autant de ma mauvaise humeur) puis je restais à la maison. Bien sûr, ils ne partaient jamais sans m'avoir hurlé dessus jusqu'au possible, mais ça ne me gênait pas. J'avais tant à leur reprocher, et en particulier leur extrémisme politique. Bien avant le coming-out des créatures surnaturelles, mon père était déjà un homme de la pire espèce : raciste, homophobe, antisémite... Alors quand celles-ci se sont dévoilées, il est inutile de préciser qu'elles sont devenues sa priorité. Un vrai nazi moderne qui, après ça, prétendait être un bon croyant. L'hypocrisie humaine n'a pas de limites, indéniablement. Ma mère, quant à elle, subissait plus qu'autre chose. Bien sûr, c'était une fervente croyante mais elle n'était pas aussi méprisante envers les gens qui n'étaient pas exactement pareil qu'elle. Alors quand j'ai commencé à m'en prendre aux idéaux monstrueux de mon père, elle ne disait rien alors que lui s'en donnait à coeur joie avec moi. Il me frappait. Rarement, mais c'était toujours avec des objets lourds histoire que je me souvienne de ses sévices par les marques qui en résultaient (Il ne fallait pas s'opposer à lui, jamais). Mis à part ça, je n'estime pas avoir eu une enfance malheureuse ! C'est peut-être difficile à concevoir, mais je ne le perçois pas ainsi ! J'étais plutôt libre et notre aisance financière me permettait d'obtenir les choses que je souhaitais : des livres. Heureusement qu'il me restait ça. Je les partageais avec ma meilleure amie, la plupart du temps. Nous étions inséparables et avions fait les 400 coups, dans la limite du possible.

D'ailleurs, ça me rappelle qu'un soir où je l'avais invité à dormir, nous débattions encore d'une énième romance paranormale que nous avions lu en commun. Elle était du genre à prendre pour acquis que les être présentés dans ce genre de bouquin étaient parmi nous. Qu'un jour, elle serait de ces héroïnes qui parviennent à séduire de ténébreux vampires grâce à leur courage et leur témérité (c'était deux ou trois années avant la révélation). Bien sûr, il m'arrivait d'y penser aussi, mais c'était un simple phantasme. L'espoir d'un amour impossible, inédit et inébranlable ! Alors je me riais gentiment d'elle et elle essayait de me prouver par "A+B" que ses arguments avaient du sens.
Ce soir là, cependant, elle fit plus que m'énumérer de simples démonstrations : elle me dit qu'une sorte de rituelle magique se déroulerait dans une maison non loin de là et qu'elle comptait bien m'y emmener pour me prouver que j'avais tort. Je n'y croyais pas, mais j'avais accepté pour lui faire plaisir. Comme dans tout bon film d'horreur, nous avions fait le mur lorsque mes parents étaient partis se coucher, très tard le soir. On s'était promené dans les ruelles sombres en se faisant mutuellement peur et éclations de rire comme des gamins, en n'ayant aucun scrupule pour les braves gens qui se reposaient. Après une vingtaine de minutes de marche, nous étions finalement parvenus devant une bâtisse semblable à tant d'autre. Le stéréotype des maisons hantées effrayantes s'était effondré d'un coup. Nous étions entrés sans même frapper et avions rejoint une grande pièce dans laquelle pas mal de monde s'était déjà amassé, ce qui nous avait permis de passer inaperçus. Les gens semblaient être de véritables fanatiques, et je pouvais ressentir leur excitation jusqu'au plus profond de mes os. J'étais étonné qu'une telle soirée soit ouverte à tous, mais je ne m'en formalisais pas.
Après quelques minutes, une vieille femme était entrée et nous avait débité tout un discours sur les dangers que représentaient les esprits. De vaines paroles, en somme : on était venu pour la voir essayer de faire des choses intéressantes, pas pour qu'elle nous prêche sa folie. Elle s'était vite mise au travail, d'ailleurs, faisant des gestes mal coordonnés en... riant. Contrairement aux fans qui semblaient éblouis, littéralement, j'étais plutôt effrayé. A juste titre, puisque l'ambiance s'était d'un coup alourdie. Aujourd'hui même, je ne saurais vous dire ce qui a bien pu se passer (mon amie était persuadée qu'un esprit était entré pour jauger celle qui l'appelait). Je n'en n'ai jamais été convaincu.
Le frisson qui m'avait d'ailleurs parcouru s'était rapidement dissipé et tout était revenu à la normale alors que la foule était en "liesse" pour si peu. J'étais ressorti de là à 2h du matin, crevé et avec le sentiment qu'on s'était bien foutu de moi. Caitlyn, mon amie, était conquise quant à elle. Pour ne pas la blesser, je balançais des "Pourquoi pas" ou des "Ouais" à chacune de ses tirades. Une fois rentrés, et malgré son excitation, elle s'était vite endormie alors que moi, je m'interrogeais. Même si je ne croyais toujours en rien, le doute s'était immiscé. Je m'étais alors, à cet instant, décidé d'éviter le sujet avec Cait'.

Je n'avais jamais fait le rapprochement avec la révélation... Au final, j'aurais sûrement dû croire les preuves immatérielles qu'on me présentait. D'ailleurs, je me dis parfois que je vis dans un univers semblables à ceux exposés dans les livres que je dévorais autrefois. Un univers bien moins beau, moins idyllique et moins romancé, cependant. Ma réalité à moi n'est pas aussi parfaite que j'aurais aimé... Mais ces livres m'aidaient à rester optimiste malgré les drames familiaux qui se multipliaient.
Ainsi, un jour et au terme d'une dispute particulièrement violente, mon père avait fait pleuvoir une dizaine de coups sur moi. Alors, et je ne sais toujours pas par quel miracle, j'ai osé lui en lancer un en retour. Un tout petit coup. Je regrettai aussitôt mon geste. Mon père n'était pas homme à se prendre des attaques sans répondre en multipliant la violence de sa riposte. Contre toutes mes attentes, il était pourtant sorti de ma chambre en affichant un sourire sardonique alors que j'étais resté complètement pétrifié. Je ne lui avais plus adressé la parole pendant de longs jours, gardant le silence lors des repas et me murant dans ma chambre dès que les cours se terminaient. Ma mère pensait d'ailleurs que je faisais une dépression et était venue me trouver plusieurs fois pour me convaincre d'aller voir un psy. Je refusai systématiquement, sachant pertinemment que seule la peur que mon père m'inspirait me contraignait à rester isolé de la sorte.
Le dimanche qui suivit, pourtant, mon père vint me trouver alors que nous étions seuls dans la maison. Alors que je pensais le découvrir dans un état vindicatif et vengeur, c'était même tout le contraire. Il m'expliqua qu'il était fier que son fils soit devenu un homme, un vrai. Un qui s'exprime avec ses poings. Pour lui, "la violence était ce qui maintiendrait le sexe masculin toujours supérieur aux pauvres femelles démunies". Pauvre type. Après un long discours et quelques accolades, il me demanda de le suivre. Nous allâmes dans son bureau où deux hommes nous attendaient. Je les connaissais plutôt bien, et pour cause : je les rencontrais souvent à l'église quand j'y allais encore. Ils étaient tout sourire, assis dans des fauteuils rembourrés en train de fumer. Je m'installai aussi, méfiant, et il s'en suivit l'une des pires conversations de ma vie.
J'appris, en effet, que mon père avait crée une sorte de "KuxKuxClan" privé dans lequel se rejoignaient hebdomadairement des quinquagénaires partageant les mêmes opinions. Mon père parut très heureux de lui lorsqu'il m'annonça qu'il avait déjà tué des "bougnouls" ou "des pédales". Moi, je pensais avoir perdu mon sourire pour l'éternité. Bien sûr, je savais déjà que c'était un connard. Par contre, jamais je n'aurais pu imaginer qu'il serait une ordure, un déchet humain triplé d'une indicible merde. Je vivais avec un meurtrier nationaliste aux idéaux moyenâgeux qui sévissait pour le "bien de la société". Un père modèle, un papa poule.
Il continua à me servir des exploits tous plus terribles que les autres alors que j'avais l'impression de me désagréger de l'intérieur. Et finalement, il osa ! Il se permit de me demander si je voulais les rejoindre, accompagnant sa requête à coup de "Tu es assez grand pour assumer et comprendre nos motivations !". Avec difficulté, j'avais affiché un rictus que j'espérais convaincant avant d'ajouter un "J'y réfléchirai". Avant de me congédier, il m'informa qu'il était heureux que je le prenne si bien, qu'au final j'étais bien son fils. Ce soir là, je me souviens avoir pleuré. Avec paranoïa, j'imaginais ma mère le couvrir et partager son même sentiment d'excitation. C'était mon monde qui s'effondrait encore un peu. Quand on pense qu'une personne ne peut pas tomber plus bas, elle arrive malgré tout à creuser le sol.
Après ça, je me suis montré plus réservé que jamais. La police ? Je n'avais aucune preuve et j'avais bien trop peur des réprimandes. J'évitais au maximum de passer du temps avec mes géniteurs pour me consacrer au maximum à ce qui me restait : études, lecture, amis. Deux ans ont alors passé et j'ai décidé de mettre en arrière-plan ce que je savais de mon père. Malgré son insistance, je trouvais toujours des excuses pour rejeter ses propositions. En contrepartie, je ne faisais plus d'esclandres et n'importe qui aurait pu penser que nous étions devenus une véritable famille modèle. Tout bascula, cependant, à la fin de ma troisième année de licence en Histoire, lors des grandes vacances. Cette année là, j'étais tombé amoureux pour la première fois d'un garçon de ma promotion. Après des mois de flirts innocents, nous nous étions beaucoup rapprochés et étions finalement sortis ensemble. Il s’appelait Anthony. Notre relation n'a cessé d'évoluer dans le bon sens, et il me présenta même à sa mère, veuve, qui semblait très bien prendre son homosexualité. Dès lors, je passais plus de temps chez eux que chez moi, ne rentrant que pour dormir. Malgré la majorité atteinte depuis longtemps, je me devais de respecter des règles strictes tant que je vivrais chez eux.
Le temps passa, et je me sentais de plus en plus heureux. Cependant, ce qui devait arriver arriva (Toute bonne chose a une fin).
Après avoir pris un verre avec des amis, ce lundi soir, nous discutâmes autour d'une clope avant que tout le monde se disperse. Les gens commencèrent à partir chacun de leur côté, pour qu'il ne reste au final plus qu'Anthony et moi. Il essaya de me convaincre de faire un petit tour chez lui, mais j'étais exténué. Après moult supplications, il obtempéra et m'embrassa farouchement avant de me quitter, l'air penaud. Joyeux. J'étais joyeux, tout simplement. Les choses se profilaient de mieux en mieux. Je rentrais chez moi, tout guilleret.
Lorsque j'eus refermé la porte principale (il devait être 20h30), j'entendis des bruits de sanglots en provenance du salon. Je m'y dirigeai prudemment et trouvai ma mère affalée sur une chaise, un mouchoir à la main. Mon père était devant la cheminée, les mains dans les poches. A côté de lui, il y avait une valise. Ma valise. Après quelques secondes de stupeur, je murmurais un faible "Bonsoir". Mon père se retourna vivement et se mit à débiter des insultes, de nombreuses insultes. Celles qui faisaient mal, surtout lorsqu'elles vous étaient destinées. Ma mère, quant à elle, me dévisageait avec incrédulité et douleur. Je ne savais pas si c'était par rapport à ce que j'étais (oui, ils savaient. Les grossièretés que me balançait mon père étaient très ciblées) ou tout simplement parce qu'on me mettait à la porte. Ils l'avaient appris, je ne sais comment, mais on leur avait dit. Ou ils avaient vu. Peu importe, le résultat est le même
Au final, mon père me jeta ma valise et m'ordonna de partir. Je ne m'étais pas fait prier. Ressortir sans aucunes sévices physiques était un exploit. Alors que je courrais dans la rue, j'entendis mon père hurler pour la dernière fois : "Je ne t'ai rien fait ce soir par égard pour ta mère, mais sache que tu es la prochaine saloperie qu'on crèvera !". Des mots doux de la part d'un père aimant. Les derniers que j'entendrais jamais de sa part, d'ailleurs.

Bon, après ça j'ai vidé mon compte en banque pour me cacher, mais un mois de fuite a suffit à m'épuiser. Contraint, je suis venu ici. L'Asie et l'Afrique, non merci... Trop chaud, trop humide, trop de chose que je déteste. Un jour, j'aimerais tout de même revoir ma mère. J'aime penser que je représentais plus qu'un simple individu de sa descendance, pour elle.