le 21 août, il y a 28 ans, à Shreveport.
américain.
célibataire.
district.
journaliste.
Journaliste qui ne parle presque jamais à ses collègues, il est du genre à ne jamais dévoiler un indice sur l'identité de ses sources. De plus, il a une relation étrange avec les CESS...

Ethan n'a pas de vrais amis. Il ne sort pas, ne rencontre personne, ne pense même pas à demander leur nom à ses collègues ! Au travail, il ne parle qu'au rédacteur-en-chef, et c'est quand il lui pose une question. Cette discrétion est aussi liée à la solitude qu'il a ressenti en perdant peu à peu toute attache familiale, puis toute attache dans son ancien milieu professionnel. En effet, du jour au lendemain, ce sont non seulement la gloire et la richesse qui lui ont échappé des mains, mais aussi ses amis, ses relations, ses connaissances à New York. Plus personne ne répond à ses appels, ses messages. A son dernier anniversaire, il n'a reçu qu'une carte, sans écriture à l'intérieur, provenant de sa sœur. Cette solitude lui pèse, mais le renforce. Il est constamment en réflexion avec lui-même, à se demander si ce qu'il fait est bien, comment doit-il le faire, pourquoi ? C'est ainsi qu'il obéit à ses désirs profonds, qu'il réfléchit énormément avant d'agir. Et, pour le moment, cela ne l'a pas rendu fou ! Il est resté en apparence quelqu'un de propre sur lui et qui ne se fait pas remarquer.
On pourrait dire qu'il est devenu paranoïaque. Sa chambre forte, ses caméras, ses armes et ses provisions dignes d'une guerre nucléaire... Cela ne fait pas sérieux ! Et pourtant, de nombreux américains (des millions ! ) font comme lui. Mais pas pour les mêmes raisons. Ce n'est pas une vie, une foi que ces créatures ont coûté à Ethan, c'est son futur. Il devait devenir célèbre, il devait gagner énormément d'argent. Rien de tout cela arrivera jamais. Pour cela, Ethan attend. Il souhaite parfaitement connaître son "ennemi", avant de prendre sa revanche. A froid.
Le métier de journaliste d'investigation dans les milieux surnaturels permet à Ethan d'avoir une certaine flexibilité quant à ses horaires de travail. Tout le monde sait que la plupart des créatures préfèrent la nuit. Mais, bien sûr, couvre feu il y a. Et Ethan doit passer ses journées à prendre des nouvelles de personnes qui ne peuvent pas sortir. Pour cela, il doit monter des plans - sur internet, principalement - pour que ses sources lui transmettent des informations. Ethan n'est pas un "génie de l'informatique", néanmoins, il s'y connait plus que la moyenne des internautes. Certes, il y a les traditionnelles adresses mails partagées dans laquelle on ne communique qu'avec des brouillons (pour éviter que les e-mails ne trafiquent et soient interceptés). Mais le web se prête à bien d'autres possibilités, que Ethan est obligé d'actualiser régulièrement, ce qui lui prend ses journées. De plus, il doit parfois retrouver les conférences de rédaction, ou sortir enquêter sur certains faits.
Depuis la révélation, Ethan n'a plus écrit un mot qui ne soit pas provenu de son travail journalistique. Aucune nouvelle, aucun roman (même pas le début de l'amorce d'un soupçon) a fait son apparition dans ses petits carnets, ou sur son ordinateur. Par contre, le jeune homme a gardé l'habitude de lire à chaque fois que l'occasion lui est donnée. Habituellement, il s'agit de classiques de la littérature fantastique, qu'il a lus et relus de nombreuses fois. Parfois, il s'agit d'un nouveau livre de science-fiction, qui vient d'être publié. Sinon, Ethan n'a que peu de goûts. Les vêtements, la cuisine, la décoration... Tout cela n'a pas beaucoup de valeur à ses yeux.
Ethan donnerait définitivement une main, un rein, un bout de fois et des litres de son sang pour que ce vampire ne soit jamais découvert. Sans cette révélation, il serait devenu quelqu'un. Aujourd'hui, à cause de celle-ci, il ne se sent rien, il n'est personne.
Ethan est lisse, sans aspérité.

« Mon nom est Ethan Greer. »
L’homme qui répétait ça pour la troisième fois commençait à s’impatienter. Cette machine qu’on lui avait recommandé ne valait pas un clou. Il suffisait qu’il attrape froid, ou qu’il soit un tout petit peu essoufflé pour que la reconnaissance vocale ne fonctionne pas. A force d’abnégation, néanmoins, la lumière rouge devint verte, et il put insérer une clé pour ouvrir la porte.

Il se trouvait sur une échelle qui menait droit au plafond. Depuis qu’il avait réaménagé la vieille maison de ses parents, en plein dans le quartier vampire, il avait fait de son grenier une « chambre forte ». Malgré le fait qu’il n’y avait aucune ouverture sur le dehors et que la pièce sentait le renfermer, c’était le seul endroit où Ethan se sentait en sécurité dans cette maison. En plus, le grenier avait été sa chambre pendant toute son adolescence. Il s’y sentait plutôt bien, et disposait d’armoires pleines d’armes et de provisions « au cas où ». Après avoir refermé la porte, Ethan alla s’asseoir devant son bureau. A sa droite, un assez large écran télé transmettait les images de 6 caméras postées tout autour de la maison. Au coucher du soleil, la vision se mettait automatiquement en infrarouge. Ca, les armes, la chambre forte et la rénovation de la maison avaient coûté une fortune. Si en plus on ajoutait le rachat de la part de la maison que la sœur d’Ethan avait hérité et le loyer qu’il versait à la maison de retraite de Floride que sa mère occupait depuis que sa maladie d’Alzheimer avait été déclarée, sept années plus tôt, cela faisait une somme avec de nombreux zéros.

Mais Ethan avait pu se le permettre. Pendant ses années d’études, il avait commencé à écrire des courtes histoires qu’il publiait dans le journal de l’université. Scabreuses, glauques, morbides et portant sur le surnaturel, elles avaient beaucoup plu. Si bien qu’un éditeur le contacta alors qu’il était en dernière année. Il lui proposait un contrat pour deux romans du même genre. Ethan saisit cette occasion et rédigea un livre de 623 pages mettant en scène des vampires carnivores et violeurs qui se transformaient en chauve-souris. Malgré le fait que son livre avait été interdit de la vente pour les moins de 16 ans (les censeurs, aux Etats-Unis, ont la vie belle), « Scalpe-moi la gorge » eut un succès phénoménal ! Un film en fut tiré (interdit au moins de 18 ans), et fut aussi un succès du box-office américain, européen et asiatique ! Mais, alors qu’Ethan avait acheté un appartement sur Manhattan, et que son deuxième livre allait sortir, le procès du vampire eut lieu. Toutes les caméras du monde entiers se braquèrent sur cette créature, sur ses congénères. Ceux-ci ne ressemblaient en rien à ce qu’Ethan avait décrit, et lorsque son deuxième livre sortit, il fit un bide total. Rapidement, les libraires retournèrent les dizaines d’exemplaires qu’ils avaient acheté, les clients n’en voulant pas. Ethan fut déshonoré, mais surtout ringardisé. Son nom de plume, « Florentin Loir » ne lui servirait plus à rien. Aussi, il décida de rentrer chez lui, de reprendre son ancien nom et de mener une vie à peu près normale…

Seulement, il avait effleuré la gloire et la richesse. Et c’était à cause de ces fichues créatures qu’il avait dû renoncer à cette existence. De plus, il avait eu les yeux plus gros que le ventre, et après ses dépenses pour se réinstaller chez lui, il ne lui restait plus grand-chose. Il dû donc trouver un emploi. Il postula à plusieurs endroits, et fut accepté comme journaliste au « Daily Comet ». Il avait tout de même été rédacteur-en-chef du journal de l’université assez renommée du coin, l’Université Saint Louis. Au départ, néanmoins, il ne s’occupa que de la fameuse « rubrique des chiens écrasés ». Mais au fur et à mesure que ses articles plaisaient au rédacteur-en-chef, il put s’occuper de sujets plus importants. De plus, ce fut lui qui était « de garde » lors de l’attentat au Croquemitaine. Il devint plusieurs mois plus tard le journaliste chargé d’informer la ville sur les relations entre les créatures et les humains, et entre elles.

D’une main, Ethan buvait du café, de l’autre, il décachetait les quelques enveloppes que le facteur lui avait délivrées. Facture, prospectus, facture… Et une lettre ! Elle venait d’ « Elsa Fingerstein ». Ethan ne se ferait jamais à ce nom. Sa sœur aînée avait épousé un riche entrepreneur et vivait à plusieurs centaines de kilomètres de la Louisiane, désormais. Elle lui versait tous les mois un règlement pour la maison de retraite, et, hormis les anniversaires, c’était depuis plusieurs années les seuls échanges qu’il y avait entre eux. Elsa et Ethan ne s’étaient jamais vraiment compris. Adolescent, comme deux frère et sœur tout à fait normaux, ils s’insultaient par chambre interposée: « crade ! », « pouf  ! », « babouin ! »… Même après ça, Elsa continua à trouver son frère très étrange, tandis qu’Ethan la trouvait, elle, bien trop accrochée à la soit-disant « normalité ». Le jour du mariage de celle-ci, Ethan surprit une conversation qu’elle avait avec sa demoiselle d’honneur, à propos de lui:
« Ton frère, c’est celui aux cheveux châtains, n’est-ce pas ?
- Oui… Celui qui a une cravate violette, des chaussettes orange et des yeux verts.
- Qu’est-ce qu’il fait dans la vie ?
- Oh … Rien … C’est un indésirable, une sangsue qui vit aux crochets de ma pauvre mère. Il ne fait que lire des livres cochons toute la journée, et le soir, il dialogue avec d’autres sangsues sur internet. Ce n’est qu’une loque humaine ! »
A ce moment là, Elsa savait très bien que son frère avait vendu plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires de « Scalpe-moi la gorge ». Malgré ça, elle voyait encore son frère comme un raté. Déçu, Ethan avait cru qu’après son succès, Elsa, au moins, le respecterait. Mais il s’était trompé. La jalousie, surement, avait fait perdurer les émotions des adolescents qu’ils avaient eues. Ethan, lui, avait voulu faire un bon geste en faveur de sa sœur, en se montrant à son mariage « le plus beau jour de sa vie ». Mais celle-ci venait de le rejeter. Et en beauté. Aussi, il partit, prit le train pour l’aéroport le plus proche, et était rentré chez lui. En larmes. Ethan n’a aucun souvenir de son père, mort trop jeune. Sa mère avait perdu les siens avec la maladie. Et sa sœur venait de lui montrer qu’elle ne voulait pas se souvenir de lui, tel qu’il était. Pendant plusieurs jours, il se reclus chez lui, alors qu’il devait rencontrer de nombreux journalistes.

Quand il lut la lettre, il fut abasourdi. Sa sœur, en quelques phrases écrites sur une simple feuille de papier, venait de lui annoncer qu’il était l’heureux tonton d’un garçon qui allait fêter ses un an deux semaines plus tard. S’il voulait bien envoyer un cadeau, il serait transmis.