Puis il a chopé par les bras son frère, l'a soulevé et l'a foutu sur son épaule intacte. L’autre ayant subi les ravages de son double dans le bureau aux sept péchés capitaux, reste encore légèrement douloureuse. Les jumeaux, Evan et Adam sont arrivés presque aussitôt. Lorenzo avait déjà le corps sur l’épaule, prêt à partir, à fuir. Evan a stoppé d’un geste sec son cadet. Adam l’a fermé. Lorenzo était incapable de s’exprimer, les yeux ailleurs, très loin, loin de toute cette agitation et de cette réalité. Les crocs pourtant bien visibles, et les sanglots continuant à couvrir la jolie frimousse tellement triste. Evan s’est mis en avant, les mains tendues, en signe de non agression, juste pour s’approcher, un peu. « Renzo, ça va aller. Y’a rien du tout. Alessandro est en sécurité. Viens avec moi, on va parler ok ? » Le ton est doux, et sincère. Evan a toujours été là pour le maître vampire. Depuis plus de cent ans, il est là. Il a connu d’abord le meneur. Puis le meneur s’est épanoui et a grandi, en devenant maître vampire. Evan sait également quand est-ce que le dominant, qu’il a en face, n’est plus apte à envisager avec esprit et bon sens la situation. Et cette situation, Lorenzo ne la gère plus du tout, c‘est exact. « Renzo, s’il te plais. » Lorenzo grogne, menaçant. Il serre plus fort son double, il ne faut pas lui demander de le lâcher, de le laisser, Evan le sait. Car sinon, il se braquera complètement et il ne veut pas se confronter à son ami. Adam enrage, mais reste immobile. Il ne s’est jamais dressé contre Lorenzo, il lui a toujours été d’une obéissance sans failles. Puisqu’il sait, pertinemment, que le jumeau fragile est intouchable, si il le décide. Ses dons lui permettent une totale emprise sur l’adversaire, et il pourrait bien perdre son palpitant pour une simple parole arrogante. Lorenzo dans ses accès de colère, ne manquerait pas de lui déloger le cœur de la cage thoracique en moins de temps qu’il ne faut pour le songer. Il avait failli jadis y avoir droit. Il y a soixante dix ans, environs.
Lorenzo ouvre la bouche, c’est difficile, mais il y parvient. « Je peux pas. » Enfantin, il fait deux pas en arrière, il partira par une autre porte si il le faut. « Tu ne peux pas l’emmener comme ça. Et tu ne peux pas disparaître comme ça non plus. » « Je fais ce que je veux ! Il est à moi ! » Braille le gosse bouleversé, qui n’y entendra plus rien. « Lorenzo ça suffit. » Lorenzo ne répond rien. Mais sa peau devient opaline, transparente. Un pas de plus et il attaque. Evan le sait, Adam la compris. Il n’y a qu'eux, à quatre, à cette heure. Et quelques domestiques, qui ne s’interposeront pas. « Bien… Alors laisse nous t’aider d’accord ? » « Non. » « Lorenzo on te demande pas ton avis bordel ! » Gueule Adam, sans plus pouvoir se contenir. « Si vous voulez m’aider, laissez moi partir. Laissez moi partir avec lui ! J’vous en prie… » Il n’a jamais supplié, il ne s’est jamais abaissé à cela. Alors, les deux vieux vampires comprennent, acquiescent, ils obéissent à celui qui les a guidé adroitement durant plus de cent ans. « Evan, va me chercher l’argent liquide dans le coffre du bureau. Tu connais le code. Adam, va chercher des affaires de rechanges. Pas d’objets susceptibles de donner notre localisation. » Les deux se regardent, un silence se fait. Et finalement ils acquiescent, de nouveau, résignés. Ils savent pertinemment qu’a ce petit jeu, Lorenzo ne lâchera pas la prise. Et qu’il fera d’Alessandro ce que bon lui semble. Il est d’ailleurs le seul à en détenir le pouvoir. « J’ai confiance en vous. » Murmure l‘ainé Llywlyn. Il le leur dit, il en éprouve la nécessité. Lorenzo ne supporterait pas une trahison de leur part. Les vieux jumeaux le savent. Cinq minutes plus tard, les sacs sont sur la banquette arrière de la voiture, Alessandro - inconscient- est attaché sur le siège passager, avec la ceinture de sécurité, afin qu‘il ne bouge pas de trop durant le trajet. Les portières claquent. Lorenzo a arrêté de pleurer. A côté de la Lamborghini les trois vampires se regroupent. « Je fais le serment de vous tenir au courant de notre position, une fois que je nous saurais en sécurité. Et je vous demande de me rejoindre. Qu’importe Shreveport, il faut que vous le compreniez. Je vous expliquerai tout. En temps voulu. Aucun mot sur notre départ. Vous n'avez rien vu. Occupez vous des domestiques. Si vous voyez du mouvement du côté des vrais, si Aleksandr Konstantinov bouge du jour au lendemain. Ne le prenait pas en traque, est-ce clair ? Il m’est… Il ne doit pas mourir. Veillez sur Ariel, en notre absence. Surveillez Quinn. » Il n’attend aucune réponse. Les ordres sont donnés. Il contourne le capot du bijou de technologie, s’installe sur son siège, le moteur vrombit. Il disparaît, il a décidé de tout abandonner parce qu‘il l‘aime. Il aime son jumeau et refuse catégoriquement de le voir mourir par sa faute, encore une fois.