Une histoire extraordinaire
TOUTES CES EPREUVES ONT FAIT CE QUE JE SUIS
histoire.
Mémoires d'Outre-tombe.
Il en avait porté bien des prénoms, revêtu bien des identités comme autant de couches de maquillage, de vêtements dont se serait apprêté un comédien. Il n'avait aucun mérite, il avait tout appris docilement, patiemment, tranchant dans le vif avec zèle. La solitude l'avait toujours étreint avec la passion que seuls connaissent les véritables amants et jamais il ne s'en était plaint. Jamais il n'avait envisagé de prendre compagne pour l'éternité. Jamais humain n'avait su atteindre ce coeur qui ne retentissait plus qu'à l'étouffé. Jamais ne s'était-il mis en danger volontairement. Jamais. Jusqu'à Elle.
Elle était le début et la fin, l'apogée et la désuétude. Soudainement tous les serments, toutes les promesses qu'il n'avait jamais su faire prenaient sens. Mais il fallait lui concilier une chose... Il n'y avait pas d'amour heureux.
Part 1 - Le Néant.
« Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde, dans le combat, à ne pas devenir monstre lui-même. Et quant à celui qui scrute le fond de l'abysse, l'abysse le scrute à son tour. »
Friedrich Nietzsche.
Sleeping Sun.
1456,Ţara Românească (Valachie - Sud de la Romanie actuelle).« Louis, c'est merveilleux ! »Le jeune homme, interrompu en plein repas, releva la tête d'un air interrogateur, non sans lâcher la demoiselle qui lui avait offert aimablement gite et couvert. Léchant l'endroit où il l'avait mordu, causant un léger -presque inaudible- gémissement de plaisir à la concernée, il s'enquit avec nonchalance :
« Quoi donc ? »Il l'observa, attentif à un changement moindre, tel qu'un nouvel apparat mais seules les joues rosées de la jeune femme, synonyme de bonne santé, trahissant un repas très récent, différaient de ce matin. Il dut donc attendre qu'elle eut refermé la porte derrière elle, délaissé son manteau et ne vienne l'enlacer avec tendresse, tendant les mains vers leur hôte, manifestement toujours assoiffée. Louis la lui céda à contre coeur mais fort heureusement, elle ne fit que la congédier au lieu de la saigner à blanc, tout cela afin de prendre sa place sur ses genoux. Sa langue vint cueillir une goutte de sang perlant au coin de ses lèvres. Elle escomptait l'embrasser mais le jeune homme saisit ses poignets, reculant imperceptiblement la tête avec un air bougon.
« Katherine... », commença-t-il à gronder.
Cette dernière soupira en glissant ses mains dans la chevelure brune de Louis, visiblement contrariée, sifflant entre ses dents qu'il était définitivement trop sérieux et gâchait son plaisir mais le regard qu'ils échangèrent lui fit comprendre qu'il ne fallait pas continuer à soupeser sa patience puisqu'il n'en avait pas vraiment l'estomac à demi vide. Elle leva les mains, souriante, glissant la droite sur sa joue satinée et désormais tiède.
« Vlad. Vlad est merveilleux. Tu l'aurais vu mon chéri... »Vlad III Basarab ? C'était donc lui qui mettait Katherine dans un état pareil ? Il s'attendit à ressentir les affres de la jalousie venir le tarauder, le transperçant d'agacement mais rien ne vint. Il se contenta juste de glisser ses mains dans son dos, appuyant ses reins au plus près. Pourquoi ne ressentait-il rien ? Il la désirait certes mais l'affection qu'il ressentait pour elle était bien loin de l'amour. Cela faisait pourtant bien plus de mille ans qu'ils se connaissaient mais il ne parvenait pas à éprouver un quelconque sentiment amoureux pour elle. Elle aurait pourtant été parfaite pour lui, toute aussi cruelle, toute aussi sanguinaire. Le sang, la mort, l'excitaient au plus au point et il n'avait qu'à plonger ses yeux dans les siens pour y lire le désir que le souvenir faisait monter en elle. Elle était un monstre, tout comme lui et en sa présence, il savait se contenter de n'être rien de plus que cela : un vampire. Elle était une âme sœur que le Temps n'érodait pas mais cela ne lui suffisait pas.
Katherine était pourtant d'une patience exemplaire à son égard. Elle lui avait tout offert une nuit d'automne lorsqu'il était alors un nouveau né sans sire, notamment la trêve sous sa peau. Elle lui avait appris à magnifier la haine dévalant ses veines, ne se contentant plus d'un carnage mais d'une véritable mise en scène, une œuvre d'art. Elle ne lui avait jamais caché qu'elle aspirait à trouver compagnon et il s'y était essayé durant de nombreux siècles. Et tout avait basculé l'année de ses mille trois cent ans, un petit matin, en France.
Flashback.Devenu Louis Côme Delatour, comte de France, les ans s'étiraient mollement au devant de lui, désespérant follement Katherine qui s'amusait comme au premier jour. Elle l'avait délaissé sans mot dire, sans même lui dire où elle se rendait, ne suivant une fois de plus que ses caprices. Poursuivant sa trace à bride abattue, épuisant plus d'un cheval sur les routes poussiéreuses françaises, même la chasse qu'elle lui offrait ne parvenait à l'extasier comme autrefois. Alors il s'était présenté un petit matin dans un domaine prometteur, usant de ses charmes et de son nom pour obtenir ne serait-ce que le gite, le temps de savoir où sa nouvelle liberté allait le mener.
C'est ainsi qu'il se trouva à paresser au soleil, au fond du jardin sur une petite terrasse, perdu dans des pensées plus mélancoliques les unes que les autres lorsqu'un bruissement de feuillages attira son attention. Se sachant observé, il retint un sourire et se contenta de tendre le doigt pour que le papillon puisse venir s'y poser.
Et c'est alors qu'elle parut. Camille. A peine âgée de six ans, elle défiait déjà les conventions en gambadant à sa guise dans les jardins, sans surveillance et en malmenant sa toilette. En un regard, sans qu'aucun mot n'eut été prononcé tout avait été dit. Alors il lui adressa un sourire qui se para des couleurs de la tendresse sans qu'il eut un quelconque effort à faire. Il vit ses joues flamber de gêne et cela ne fit qu'accentuer son sourire. Ses yeux habituellement orageux semblaient être apaisés par sa présence et suivirent chacun de ses mouvements pour se montrer plus présentable. Ainsi sa petite sauvageonne avait conservé ses manières même dans pareille situation... Voilà qui était intéressant.
Pressé d'en savoir plus et malgré plus d'un millénaire d'âge, Louis avança trop vite vers elle, trop rapide pour un humain mais n'en avait que faire, ne s'en rendant même pas compte tant sa fascination pour cet être minuscule le taraudait de ses piques. En quelques battements de coeur, il fut auprès d'elle, accroupi. Elle sursauta, ne l'ayant vu arriver mais eut la décence de ne poser aucune question ou de ne pas pousser de cri. L'amusement flamba dans ses prunelles bleutées comme une trainée de poudre et il tendit le doigt vers elle où demeurait toujours le papillon, nullement préoccupé par leurs agissements.
Observant avec la plus grande attention sa réaction, il vit ses yeux s'agrandir d'émerveillement et chercha à déterminer de quelle couleur était véritablement ses yeux, se décidant pour ce vert d'eau mordoré qui paraissait être la couleur d'une joie toute enfantine. Lorsque ses joues avaient rosies, il aurait juré qu'ils étaient d'une teinte noisette. Ainsi, son visage était un livre ouvert pour quiconque s'y penchait, ce qui le changeait de son propre visage où bien souvent il ne laissait transparaître que ce qu'il désirait.
Elle ne put résister, n'établissant pas que l'absence de gêne du papillon sur son interlocuteur était dû à un caractère démoniaque et non à un quelconque trait angélique, et avança son propre doigt vers l'insecte. Bien évidemment, il s'envola aussitôt, dérangé par les mouvements patauds de sa mortalité.
Les yeux de la cadette s'envolèrent à sa suite, suivant son parcours dans le ciel alors que Louis saisissait sa main. Elle avait une odeur délicieuse, légèrement fruitée, un peu étouffée mais tendre et il aspirait à connaître son toucher mais également sa voix. La douceur de sa paume, la sensation de sa petite menotte palpitant bruyamment entre ses doigts et la chaleur qu'elle diffusait ravissait le comte plus qu'il ne l'aurait avoué. Alors il fut temps de connaître sa voix, espérant presque qu'elle aurait une voix nasillarde, détruisant la beauté juvénile dont la vision ne pouvait être que mirage.
« Où sont tes parents? Ils doivent s'inquiéter d'avoir perdu un tel trésor. »Mais ce fut quelqu'un d'autre qui répondit à sa question, une voix plus grave, plus rauque où l'émotion perlait impatiemment, appelant une dénommée Camille. Étant la seule personne qu'il n'avait encore pu rencontrer, le vampire estima bien vite qu'il ne pouvait s'agir que d'elle, ce que confirmèrent son regard coupable et sa tentative de dissimulation derrière son dos, tout en conservant sa main dans la sienne. Le père surgit, brisant en définitive l'ambiance intime qui s'était établi entre les deux protagonistes et lâcha un soupir bruyant.
« Tu es là, enfin, on te cherche depuis des heures, nous allons être en retard chez le duc si tu ne te presses pas. »
Louis retint un sourire amusé. Décidément sa jeune demoiselle causait bien des ennuis à un si jeune âge mais le caractère qu'elle paraissait avoir si affirmé, semblait fondre comme neige au soleil devant lui. Suivant l'échange avec intérêt, il attendit que le père de sa protégée ne le remarque, ce qui ne tarda pas à arriver.
« Pardonnez-la Louis, ce n'est qu'une enfant, elle pense plus à s'amuser qu'à obéir à ses parents. »Le jeune comte se mit à rire à la demande saugrenue du père, soudainement d'une bonne humeur qu'il se méconnaissait. Le temps pour elle filait contre ses paumes, s'élançant au compte goutte à une vitesse folle. A ses yeux, elle vivait aussi longtemps que le papillon qui était venu déranger ses réflexions. Quel mal pouvait-il donc trouver à cela ? Aucun évidemment. Alors il la prit dans ses bras et se releva avec grâce puisqu'elle ne pesait rien pour lui, lui témoignant par ce simple geste un soutien amical.
« Et elle a bien raison, seul l'amusement rend la vie
intéressante non? Mais il faut aussi savoir remplir ses devoir de gente damoiselle lorsque la situation le demande n'est ce pas princesse? » Son sourire franc, ses cheveux indisciplinés, la tendresse qui se lisait dans son regard, détruisant tout un masque d'une apparence parfaite qu'il avait mis des années à ériger, auraient dû l'inquiéter mais il n'en fut rien. Camille se blottit un peu plus contre lui, son merveilleux visage se nicha contre son cou et son souffle se perdit dans ses battements de coeur. Elle s'était assoupie. Et sa présence entre ses bras résonnait comme une promesse oubliée depuis la Nuit des Temps.
Esquissant un sourire désolé, Louis prit garde à ne pas trop élever la voix afin de ne pas déranger le sommeil paisible dans lequel elle venait de sombrer.
« Il semblerait que l'avis de votre fille diverge un tantinet de vos envies mon Seigneur. » « Vous êtes le premier à l'amadouer... Je serais curieux de connaître votre secret. » Ce dernier s'interrompit, les observa un instant, invitant Louis à le suivre. Alors qu'ils allaient entrer dans la demeure, le père de Camille s'arrêta, passa sa main sur sa barbe fraîchement rasée et s'enquit d'un air on ne peut plus désinvolte :
« Dites-moi, Comte Delatour... Êtes-vous marié ? » Le rire de Louis résonna longuement derrière eux.
Fin du flashback.
1602, Trenčín (Hongrie royale - Actuelle Slovaquie)Les années s'étaient écoulées, mornes et froides, distillant de nouveau l'ennui dans ses veines avec une langueur qu'il haïssait. Le temps, le temps lui avait-on répondu. Seul le temps pouvait vaincre l'amour. Alors pourquoi y songeait-il encore ? Pourquoi ne pouvait-il oublier ? Les décades avaient aidés certes, sa culpabilité avait succombé aux assauts perpétuels des affres du manque mais pas un jour ne s'écoulait sans qu'il ne songe à celle qu'il avait laissée derrière lui. Tantôt ses sens l'abusaient et au détour d'une ruelle, il croyait sentir son odeur envoûtante. Ses pas précipités ne le menaient jamais à rien d'autre qu'à une fulgurante déception mais l'espoir ne cessait de le narguer à chaque fois. Il était fou. Et même en son absence, demeurait le fol imbécile qui osa croire un jour en cette farce populaire nommée amour.
Dans les étreintes de Katherine, il se surprenait à regretter que ce ne fut elle. Mais ce n'était jamais elle et ses yeux pluvieux hurlaient des reproches qu'il n'aurait su formuler à haute voix. Il aurait voulu oublier, tout oublier mais rien n'avait quitté sa mémoire. Et chaque matin, il admirait le lever du soleil, seul, faisant tournoyer entre ses doigts la chevalière qu'elle lui avait offerte, présent à un rendez-vous dont elle était l'éternelle absente.
« Camille... » Le gémissement lui avait échappé et déjà porté par le vent s'éloignait à jamais du balcon de leur chambre. Ce prénom interdit, maudit, qu'il eut souhaité bien des fois haïr, qui le temps d'un souffle ne faisait que l'écorcher un peu plus tandis qu'il baissait le regard vers ses paumes. Un simple anneau d'or gravé y reposait. Sur l'écu, une simple pierre, rouge sang. Il se souvenait de sa joie indicible en recevant son présent, le glissant aussitôt à son doigt avec un sourire enfantin avant de lire sa lettre avec empressement. Il s'était oublié dans ses bras mais la réalité avait bien vite repris ses droits. Tout finissait un jour, même l'amour.
L'espace d'un instant, il glissa la chevalière à son annulaire gauche, l'admirant quelques secondes, esquissant un sourire douloureux avant de la retirer, serrant son poing. Il aurait pu à tout instant la rejeter au loin, effacer de ce simple geste le souvenir concret de son existence et se persuader qu'elle n'avait été jamais rien d'autre qu'un rêve... Un rêve fabuleux, dont le réveil avait été cruel mais une fantaisie de plus dans l'esprit torturé d'un vampire millénaire.
Parcourant du regard le domaine, les yeux de Louis effleuraient pourtant un tout autre paysage alors que ses pas l'amenaient vers les vestiges d'un temps désormais révolu. Accoudé contre le rebord, il appuya son poing contre ses lèvres, soufflant avec douceur quelques mots.
« J'ai peur tu sais Camille... Peur de m'éveiller un jour et de m'apercevoir que tu n'as jamais existé. » Sur sa main fermée roula un regret qu'il n'avait su retenir et ce ne fut qu'à cet instant là qu'il sentit le sillon sanglant courir sur sa joue. Il n'était jamais seul et pourtant son absence pesait comme une chape de plomb sur ses épaules endolories. Si quelques siècles plus tôt, on lui avait annoncé qu'il allait s'amouracher d'une jeune humaine, faisant d'elle sa compagne pour ensuite la chasser, perclus par la vision d'un avenir à jamais détruit par égoïsme mais que son soulagement face à sa disparition serait bien bref, il aurait déchiré la gorge du plaisantin en un instant. L'idée même était ridicule. Lui ? Amoureux ? Que savait-il de l'Amour ? Il avait lu bien des livres, vu bien des histoires se consommer, parcouru la terre poussiéreuse en long et en large mais pas une fois il ne l'avait saisi, ce concept abstrait qui poussait tant de peuples à s'entredéchirer. L'Amour aurait pu planter une fourchette dans sa cuisse, il l'aurait manqué quand bien même.
Pouvait-il se prétendre amoureux alors qu'il torturait avec une telle jouissance son prochain ?
Monstre. La pensée violenta son être avec délectation. Il ne pouvait aimer et ne pouvait être aimé en retour. Ce sentiment trop pur demeurerait à jamais hors de portée de ses doigts malhabiles pour ce qui était des tourments de l'âme. Même Camille était partie...
Et encore une fois, tout était de sa faute.
Flashback.
« Moi, Louis Côme Delatour, je te prends, toi, Camille Léandres, pour épouse, pour le meilleur et pour le pire; devant Dieu et devant nos familles et amis, je fais la promesse solennelle de t’aimer, de te chérir et de t’être fidèle dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la santé comme dans la maladie, dans la joie comme dans la peine, jusqu’à ce que la mort nous sépare. » murmura-t-il avec douceur, tenant entre ses bras le corps ensanglanté de celle qui aurait dû être sa promise, de celle qu'il aurait pu mener à l'autel dans cette robe blanche au lieu de la gorger de son sang.
Elle s'était abandonnée en pleine et absolue confiance contre lui, l'avait laissé la mener aux frontières de la mort, assurée qu'il viendrait l'en arracher. Il s'était arraché à son sang enivrant avec difficulté, comme un noyé reprendrait une première goulée d'air et retenant sa respiration afin de ne pas céder de nouveau à son charme, il avait donc ouvert son poignet d'un geste rapide pour le presser contre ses lèvres exsangues. Et à présent, son corps mourrait. Ce qui était supposé les séparer les réunirait enfin et ce pour l'éternité... Cruelle ironie, n'est-ce pas ?
Elle lui avait donné sa vie sans la moindre hésitation, confié ses rêves de petite fille et à présent, il attendait avec une impatience grandissante son éveil. Conforme aux anciennes traditions, il l'enterra dans la terre, enserrant son corps au plus près afin qu'elle ne se réveille pas seule, plus anxieux que jamais. Et si... Et si la nuit venue, elle regrettait son choix ? Et si elle désirait qu'il défasse ce qui était désormais inaltérable ?
Ses craintes furent vaines. Pas un instant elle ne le blâma. Elle fit tout pour lui plaire, prenant goût à des actes abominables. Pendant un siècle, sa beauté figée pour l'éternité émerveilla Louis qui ne pouvait s'estimer plus heureux, plus chanceux qu'en l'ayant faite sienne. Mais leur bonheur n'était pas fait pour durer et sans qu'ils ne le sachent, le temps leur était désormais compté.
Le début de la fin arriva un matin où le vampire attendait l'aube, sentant son parfum frémissant dans l'atmosphère depuis quelques heures déjà. Camille s'en était allée dormir, le laissant seul face à ses pensées. Il lui avait enlevé le soleil, la condamnant pour quelques siècles encore à la nuit. Il entendait la ville s'éveiller avec paresse alors qu'il la percevait désormais assoupie et bien qu'il brûla d'envie d'aller se dégourdir les jambes, il fit demi-tour, fermant la porte derrière lui et tira avec la plus grande attention les lourds rideaux avant de se diriger l'escalier menant au sous-sol. Il leur fallait être d'une extrême prudence tant qu'elle était encore... "allergique" au soleil. Sur la dernière marche, il ralentit le pas, s'approchant avec lenteur du lit à baldaquin. En son milieu reposait son immortelle bien-aimée.
Il contourna le lit, ne souhaitant comme à l'accoutumée tout simplement grimper dessus au risque de l'éveiller - bien qu'il y ait peu de chance puisque son sommeil demeurait somme toute assez profond - et s'assit sur le rebord du lit, de son côté. Ses yeux se posèrent sur la table de nuit d'ébène où elle conservait toujours la broche qu'il lui avait fait parvenir pour ses dix-sept ans. Ses doigts se tendirent vers l'objet chargé de souvenirs mais ils s'arrêtèrent en plein vol alors que le bras de la jeune femme venait entourer sa taille. Louis se figea mais en se tournant avec lenteur s'aperçut qu'elle avait effectué ce geste en totale innocence, reconnaissant sa présence par delà l'étreinte de Morphée.
Sa chevelure brune formait une couronne sur l'oreiller et il repoussa avec tendresse une mèche sur son front, laissant sa main venir épouser sa joue. Sa nature démoniaque n'avait en rien entaché l'innocence de ses traits lorsqu'elle était assoupie, bien au contraire. Elle semblait si... paisible qu'il sentit le regret l'assaillir. En arrêtant le temps pour elle, il lui avait retiré pour toujours l'humanité qu'elle recouvrait le jour venu. Soudainement, alors que ses pensées s'étaient faites plus mélancoliques ses traits de femme se substituèrent pour ceux de l'enfant qui était venue bouleverser sa vie, cent ans plus tôt. Et le coeur lourd, il ne put qu'observer les conséquences de son égoïsme. Il avait pensé la protéger de tout, même de la maladie ou de la mort mais n'avait fait que faillir à sa promesse silencieuse puisqu'il n'avait su la protéger de lui.
« Je suis désolé Camille... Me pardonneras-tu un jour ? » Fin du flashback.Un léger bruissement de draps l'arracha à ses souvenirs, le laissant perdu pour quelques secondes tandis que son dos devenait légèrement plus raide, tendu alors que la voix suave de Katherine, encore ensommeillée, lançait à seulement quelques mètres derrière lui :
« La comtesse Bàthory est quelqu'un de remarquable, tu ne crois pas ? »
Part 2 - Sober
1888, Whitechapel, Londres. - Citation :
From hell.
Mr Lusk,
Sor
I send you half the Kidne I took from one woman and prasarved it for you
tother piece I fried and ate it was very nise. I may send you the bloody
knif that took it out if you only wate a whil longer
signed
Catch me when you can Mishter Lusk
Louis, penché par dessus l'épaule du nouveau jouet de Katherine, se détourna avec un sourire moqueur. Les deux hommes ne s'appréciaient guère mais suivant les ordres de la jeune femme s'étaient efforcés de rester courtois l'un envers l'autre. En ce qui concernait le vampire, il aurait pu lui arracher la tête à tout instant, se moquant bien qu'il soit un marqué mais il avait contrarié son envie pour un motif bien plus noble.
Il attendit qu'ils ne furent plus que tous deux en train de déguster un repas qu'il avait fraîchement rabattu lorsque essuyant ses lèvres, il dévisagea la vampire qui avait partagé sa vie depuis sa renaissance.
« Je m'en vais. Ce soir. » Dire que Katherine fut contrariée fut un euphémisme. La rage déforma ses traits pourtant gracieux. Elle s'apprêtait à lui déchirer la gorge, l'humiliant suffisamment pour le garder encore un peu auprès d'elle mais le sourire amusé de son compagnon la retint alors qu'il enfonçait sans la moindre hésitation un pieu en bois en plein coeur.
Plongeant ses yeux orageux dans ceux de celle qui l'avait accompagnée depuis bien des siècles, il caressa sa joue avec tendresse. Les genoux de Katherine se dérobèrent sous elle alors qu'elle dérivait vers un sommeil imposé et il la rattrapa entre ses bras, enfouissant son visage contre son cou.
« Bonne nuit Katherine. » Il la porta dans sa chambre, l'allongea entre ses draps. Il aurait pu la placer dans son cercueil et le barder de chaines d'argent mais il fallait quelqu'un pour surveiller le marqué. D'autant qu'il connaissait le caractère rancunier de la jeune femme, elle bouderait quelques siècles, excitant sa haine, établissant mille et un plan de vengeances puis viendrait le trouver. Rien ne l'arrêterait. Ni pieu, ni argent. Il pouvait la tuer maintenant mais préférait ne pas en venir à une telle extrémité. Par deux fois, il l'avait rejetée. Il espérait simplement qu'elle reprenne ses esprits et ne le force pas à faire en sorte que la troisième soit la dernière.
2010, Bossier City, Louisiane.Ils n'auraient jamais dû se rencontrer. Ils étaient les anachronismes de l'histoire. « Pardonnez-moi mon Père car j'ai pêché. Il y a bien longtemps que je ne me suis pas confessé. »La dernière fois qu'il avait parlé à un prêtre ? 1434, Toscane. Il avait saccagé l'Italie une fois de plus sans ménagement, espérant réveiller les preux catholiques qui viendraient une fois de plus mettre fin à sa vie. C'est là qu'elle était venue le sauver une fois de plus de sa folie sanguinaire... Katherine.
« J'ai perdu foi mon Père. Je me suis égaré... »Enfant, il faisait partie d'une peuplade nomade aujourd'hui désuète et bien souvent caricaturée. Sa tribu était une des plus puissantes et des plus respectées de la Province et il ne se passait pas un jour sans qu'il ne franchisse les oppidium (fortifications) avec des compagnons de jeu qu'il connaissait depuis l'âge le plus tendre, bousculant bien souvent quelques fils de druides dans leurs courses effrénées pour fuir leurs géniteurs qui venaient les disputer de quelque méfait. Bien souvent, ils venaient de causer querelle aux descendants des plébéiens ou aux fils d'esclave, se moquant de leur statut inférieur.
Ce jour-là, le village menait une vie effrénée en raison du banquet qui devait avoir lieu le soir même. Habillés uniquement de braies, les jeunes garçons se tenaient sur une des collines surplombant le village lorsqu'ils virent passer à toute berzingue un de leurs aînés devenu guerrier, le visage baigné de sang. Le premier présage. Il ne suffisait dorénavant plus aux romains d'avoir leurs terres et leurs ressources, il leur fallait les "sauver" mais les sauver de quoi au juste ?
« J'ai désiré la vengeance mais cette soif ne s'est jamais tarie. »Il était seul maintenant. Ils étaient tous morts. Seuls quelques enfants robustes, malléables avaient été choisis par leurs capricieux assaillants. Sur quels critères s'étaient-ils basés ? Il n'avait jamais su pourquoi parmi les quelques survivants, les légionnaires l'avaient choisis lui. Peut-être parce qu'en entendant le hurlement d'agonie de sa jeune sœur, prisonnière des flammes tandis que le feu pourléchait son corps, il était parvenu à échapper à la poigne bourrue de l'homme qui le retenait jusqu'à présent. Au lieu de chercher à s'enfuir, il allait se précipiter vers l'âtre avant que la bâtisse ne s'écroule mais la demeure brûlait avec une telle facilité qu'il n'aurait fait que se jeter dans le feu, sans espoir de retour. Le légionnaire qui était responsable de sa personne l'attrapa et l'enserra par la taille alors qu'il allait s'élancer tête la première, rendu fou par son agonie. Il aurait dû la cacher ailleurs, il aurait dû être plus fort, il aurait dû la protéger mieux que ça. Sauvages. Le mot craché dans son esprit avec hargne lui fit l'effet d'une violente gifle tandis que mourraient les derniers cris de son propre sang lorsque la maisonnée s'effondra. Il se retourna contre le soldat, cherchant à déverser sa haine contre lui mais ne fit guère mieux que le griffer jusqu'au sang. C'est alors qu'il enfonça ses doigts dans quelque chose de mou.
Le légionnaire poussa un cri et le lâcha brutalement, portant la main à son visage. Riagàn en profita pour revenir vers le brasier mais cette fois-ci pour agripper un couteau de chasse appartenant à son feu père. Il savait plus ou moins s'en servir, même s'il lui manquait la légère adresse que conférait une pratique hebdomadaire. Il était supposé avoir le temps bon sang !
Pas un instant il ne réfléchit et porta son attaque droit vers le cœur, sans même chercher à se protéger en cas d'attaque. Il se fichait bien de mourir pour peu que ce salopard soit emporté avec lui. Mais le couteau n'atteignit jamais son but premier tandis qu'un compagnon romain l'assommait du plat de sa lame. C'était la première fois qu'il avait désiré avec autant d'ardeur la mort de quelqu'un et sa haine n'avait fait que grandir au fil des années.
« J'ai suivi la loi du Talion, œil pour œil, dent pour dent, pensant y trouver un quelconque apaisement. Je n'y ai trouvé que destruction et néant. »Marius, le sage romain qui l'avait recueilli, l'ayant arraché à une vie d'esclave ou sa seule échappatoire était la mort, soit de la main de son maître, soit en pâture aux lions dans l'arène, avait été bon. Mais la gentillesse de cette figure paternelle n'avait pas suffi. Il l'avait fait membre de sa propre famille, l'avait adopté et traité comme son fils mais rien n'aurait su l'apaiser maintenant que le sang avait coulé. Treize ans durant, il se plia à la vie romaine. Riagàn était mort en même temps que le reste de sa famille mais la haine armait toujours le poing de Lucius. Il les haïssait tous et ses rêves sanglants le réveillaient toujours en sueur, les poings serrés. Patience se rappelait-il, patience. Leur tour viendra.
Suivant les conseils de Marius, il épousa une riche romaine prénommée Aemilia. Sa beauté laissa pourtant Lucius de marbre, bien qu'il lui fit l'honneur de sa couche assez souvent, ne souhaitant salir non seulement sa couverture mais aussi sa réputation. Tout devait être parfait.
Il rejoignit Lutèce avec sa femme, espérant y trouver d'autres jeunes gens vouant une haine sans borne pour leurs "bienfaiteurs" mais tout ce qu'il y trouva ce fut la mort.
« Je me suis fourvoyé mon Père... J'ai commis le plus grand pêché en me prenant pour Dieu. »Il s'était éveillé à cette nouvelle vie seul, nul Sire pour le guider. Ce fut le début d'un long massacre. La soif aveugle d'un nouveau né combiné à son extraordinaire force laissèrent peu de chance aux quelques uns qui croisèrent sa route et leurs hurlements de terreurs résonnèrent à l'étouffée dans les rues de Lutèce. Il n'en fallut pas plus pour attirer l'œil des vampires aux alentours. Par chance, ce fut Katherine qui arriva la première, excitée par les rumeurs d'un vampire fou.
Son premier coup d'œil sur les vestiges du carnage la rendit désappointée. Il n'avait aucun sens esthétique, aucune mise en scène. Et elle songeait à le laisser mourir de la main d'un de leur race lorsque Lucius sentit sa présence et s'arrêta de festoyer. Elle était pourtant loin et le vent courait dans le sens contraire. Cependant quelque chose l'avait arrêté. Il dévisageait les alentours avec méfiance et la lune éclaira un instant son visage. C'est alors qu'elle chercha avec intérêt une quelconque trace de son sire. Mais hormis eux, elle ne pouvait détecter aucun autre vampire dans les environs immédiats.
En cette époque troublée, le réseau d'informations vétuste et l'absence de réelle société vampirique permirent la survie de Lucius durant quelques semaines avant qu'il ne croise le chemin de Katherine. Au cours des longs siècles qui suivirent, jamais elle n'expliqua son geste mais elle choisit de le prendre sous son aile, s'établissant derechef comme son sire.
Leur première rencontre fut... quelque peu explosive, Lucius ayant un problème certain avec une quelconque forme d'autorité mais Katherine n'eut de cesse de l'affronter et de le terrasser. Tantôt cajoleuse, tantôt sadique, elle l'habitua à sa présence mais ce ne fut que lorsqu'elle lui ouvrit les portes de son savoir qu'il calma ses instincts de rébellion et l'accepta véritablement comme son sire.
D'elle, il apprit une bonne partie de ce qu'il sait à présent en matière de torture. Elle s'asseyait souvent alors qu'il buvait à la source même et commentait le décor, souhaitant qu'il change tel ou tel détail ou commente telle ou telle chose. Au travers de ses enseignements, elle réussit à canaliser sa violence en la sublimant au travers d'un art qu'eux seuls admiraient. Mais pas un seul instant Lucius ne perdit de vue le fait qu'il était et demeurait un monstre. Et l'amusement du début ne fit place qu'à une sourde rage.
Une nuit, profitant d'une seconde d'inattention de son sire, il s'enfuit, fin prêt à enfin massacrer les romains. Bien sûr, Katherine le suivit mais ne l'arrêta pas, espérant constater de ses propres yeux l'accomplissement de son chef d'œuvre. Elle ne l'avait jamais vu plus cruel et plus sanguinaire que cette semaine où il mit Rome au bord de l'agonie. La mort l'excitait au plus haut point et depuis bien des années, elle le voulait sien mais jamais il ne cédait à ses avances ou seulement à contre-coeur, ce qui frustrait considérablement la jeune femme.
Bien entendu après sa petite escapade romaine, elle le châtia comme il se devait tout en étant secrètement gonflée d'orgueil qu'il s'avère un si beau prodige. Quel dommage cependant qu'il ne s'intéressa pas à elle ! Mais ils avaient encore toute l'éternité pour qu'elle puisse l'apprivoiser... Ou tout du moins, c'est ce qu'elle crut. Son attention se relâcha alors qu'il commençait enfin à la traiter en tant que femme. Et une nuit, alors qu'elle dormait à poing fermé dans son cercueil en Autriche, Lucius, devenu Louis, pris la tangente. Mille ans s'étaient écoulés depuis sa rencontre avec Katherine, cette dernière, pour une raison qu'il méconnaissait, ne l'avait pas pourchassée. Il ignorait ce qu'elle était devenue et n'était pas si désireux de le savoir. Il aurait bien envisagé qu'elle avait succombé à la chasse aux vampires mais Katherine était... plutôt tenace, peut-être un peu trop.
Il fallait dire à sa décharge qu'il s'était interdit de demeurer trop longuement au même endroit au risque qu'elle ne retrouve sa trace. Mais c'était sans compter sur le destin...
« J'ai également rompu mes voeux. »Elle avait six ans et la beauté des anges. Il en avait mille trois cent et il était déjà mort une fois. Elle ne connaissait rien à la vie, lui n'en attendait plus rien. Il n'avait jamais cherché la femme de sa vie, ce fut elle qui le trouva.
Tant de fois avait-il souhaité mourir mais nul n'avait osé porter la main sur lui tant sa réputation courait au devant de lui et le peu qui s'y étaient risqués avait perdu la vie avant même de l'amuser un peu. Ses carnages et méfaits toujours aussi grandioses attiraient bien sûr l'attention mais il savait effacer ses traces, ayant un goût prononcé pour y mettre le feu.
Camille avait balayé sans même y prêter garde tout ça. A seulement six ans, elle avait accompli ce qu'en plusieurs décennies, bon nombre de femmes, vampires ou non, n'avait su atteindre : son coeur.
Pour ses beaux yeux, il s'essaya au régime végétarien durant trois ans, trois années dont il disparut complètement de sa vie, ne communiquant plus que par lettres. Ces trois années, il les mit également à profit afin de tenter de l'oublier et réciproquement. Mais il apprenait à la fois avec tristesse mais également avec une joie indicible que tous ses prétendants échouaient les uns après les autres. Nul doute que ces trois années de tentatives effrenées manquèrent de le rendre fou et ne firent qu'attiser sa haine envers lui-même, dévastant tout sur son passage.
Lorsqu'il lui revint enfin, il sut qu'il n'y avait plus qu'une chose à faire. S'il lui révélait sa propre nature, l'horreur qu'il lirait dans ses yeux, le rejet qu'elle lui témoignerait, sauverait sa propre vie.
En dix ans, son visage n'avait pas changé, pas pris le charme bourru des années. Il était tel qu'elle l'avait rencontrée mais jamais elle ne lui avait posé la moindre question. Cette nuit, il était temps.
Il l'attendit là où tout avait commencé, sous la lueur paisible de la lune, parvenant à grand peine à retenir son anxiété. Pour leur bien à tous deux, il fallait que cette relation cesse. Il gâchait ses années de jeunesse et elle le faisait aspirer à être humain alors qu'il ne le serait jamais plus. Il n'avait rien à offrir, elle devait le savoir. Et pourtant, rien ne se passa comme prévu... Il l'avait maudite, elle aussi.
« J'ai pêché par orgueil mon Père. Ma simple existence est un blasphème. »Ses souvenirs ne lui avaient pas rendus justice. Elle était telle une mariée menée à l'autel mais chaque pas avancé vers lui l'approchait un peu plus de la mort. Elle allait renaître pourtant mais cela ne serait jamais pour lui que le début de sa fin.
Il l'avait fait sienne pour l'éternité mais l'éternité avait pris fin un peu plus tôt que prévu. Cent ans fut la période de bonheur qui leur fut allouée, pas une minute de plus. Durant cent ans, il façonna son amante à grands coups d'éclats et de tortures. Ils étaient les amants terribles, maudits qui ne semaient que mort et destruction sur leur passage.
Pendant presque cinq siècles, il s'était résolu à l'exil, se morigénant, tentant de se persuader que cela n'avait été qu'une amourette de passage mais en lui brisant le coeur, le sien n'avait pas été épargné. Il lui avait tout pris. Famille, amis, avenir, la possibilité d'avoir des enfants, de vieillir auprès d'un Homme bon. Un bonheur simple mais efficace. Mais mille ans n'auraient suffi à effacer Camille de sa mémoire ou de son corps. La soudaine raison qu'il avait trouvé à son existence avait claqué la porte avec haine. Et s'il était sorti en apparence de sa vie, elle n'avait jamais quitté la sienne.
« Que Dieu notre Père vous montre sa miséricorde ;... par le ministère de l’Église, qu’il vous donne le pardon et la paix. Et moi, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, je vous pardonne tous vos péchés. »« Dieu est absent aujourd'hui... mon Père. »Eclatant de rire, Louis frappa du poing la mince cloison séparant l'homme de foi de lui, l'attrapant par le cou, le laissant plonger son regard dans ses prunelles orageuses tandis qu'il l'expulsait avec violence hors du confessionnal, ne le rattrapant que lorsqu'il glissa sur une flaque d'essence, au pied de l'autel. Avec un sourire amusé, il se souhaita un bon appétit et le saigna à blanc, le laissant mourir sous l'oeil bienveillant du Christ. Ah, le sang des prêtres était divin !
« Vous aviez raison mon Père, rien de tel qu'une petite confession pour se sentir mieux. », lança-t-il en attrapant sa veste qu'il avait déposée sur un banc, entre deux corps.
Traversant d'un pas léger la nef, Louis alluma une cigarette, s'arrêtant tout de même quelques secondes pour admirer un vitrail particulièrement coloré, lâchant son zippo près d'un fin filet d'essence et franchit les portes tandis que le feu se propageait à toute vitesse.
Il s'était déjà occupé de sa couverture, c'était un pyromane notoire qui écoperait de la note, l'ayant très intimement persuadé qu'il en était responsable.
Appuyé contre sa toute nouvelle voiture, remettant ses Wayfarer, Louis écrasa nonchalemment le mégot sous sa chaussure et monta dans l'habitacle. Il n'était qu'à cinq cent mètres lorsque le feu atteignit les bidons d'essence, faisant sauter la demeure de Dieu. Son sourire ne fit que s'accentuer tandis qu'il faisait crisser les pneus de son nouveau jouet, direction Shreveport.
Amen.