Parfois, il fait semblant. Même si au début, il ne voulait pas. Parce que le déni, ça l’a bercé quand il ne pouvait pas encore parler ou marcher. Puis encore après. Pendant un bon moment en fait. Mais il s’est dit qu’en se mentant juste un peu, il allait finir par y croire même s’il n’est pas vraiment crédule. Il a d’abord profité de l’abondance de ses rires pour se faire à cette idée. Il a succombé plus d’une fois à la douceur de sa tignasse perpétuellement emmêlée qui s’obstinait à chatouiller sa mâchoire sans jamais susciter son hilarité. Il s’est réfugié dans le creux de sa normalité ou de son anormalité. Voir les blancs en noirs, ce n’est pas encore gagné.Il s'est dit pourquoi pas. Et donc, il a joué à l’autre pour elle. L’autre, il porte un nom. Et même les fragments d’une histoire.  C’est toujours un peu flou quand il veut se rappeler. Une bande un peu froissée sur laquelle on aurait renversé du café. Ça pue le mokka, ça lui brûle la gueule aussi. Ce mec, c’était un humain. De sa pire espèce, il touchait le fond. Faible et empathique. Rien que de le penser, ce mot, ça lui a foutu la gerbe sur le moment. Il n’a pas voulu s’écouter, alors il a accepté. La voiture était minable, le propriétaire aussi. Il parlait beaucoup, il ne respirait pas assez. Ça laissait peu d’espace pour la réflexion, ça faisait du bien. Penser à ce moment-là, ça lui foutait des coups de talons aux tripes. Y avait beaucoup de vide, quasiment que ça en fait, que l’inconnu remplissait. Il y comprenait rien à son foutu charabia, il hochait la tête seulement quand l’autre lui présentait la rondeur de ses yeux. C’est lui le vrai Owain, cet imbécile bien heureux. Ou la représentation parfaite de la décadence qu’il fallait ignorer ou éliminer ou tout simplement mépriser. Il a trouvé que c’était un bon point de départ pour cracher à la figure du père. Alors, il est devenu Owain. Mais il ne le prononce pas beaucoup et jamais d’une voix trop forte, histoire de ne pas déranger les vérités. Seulement avec elle parce que c’est différent. Elle échappe aux règles, de toutes les façons possibles. Il a souvent envie de lui répéter mais il trouve ça hypocrite. Parce qu’il sait qu’il n’a jamais oublié. Jamais. Jamais.

Ça lui revient sans jamais s’annoncer. Un jet d’acide qui lui fait rejeter le Monde dans sa globalité. Son père, il tenait pourtant à les différencier, les raclures humanoïdes, les autres dégénérés de ce qu’ils étaient. Pas des bêtes, surtout pas des hommes. Non, des Archos. Condensé de mégalomanie viciée, de mythes fétides et de connerie à l’état brut. Les survivants, les conquérants, les merdes sur pattes qui pissent sur l'humanité quand ils ne cherchent pas à la bouffer jusqu'au dernier. La race supérieure avec pourtant un seul inconvénient notoire. La gueule qui fixe le miroir tous les matins et qui peut pas plaire aux semi-dieux destinés à redevenir des bêtes à plein temps. Être un putain d'homme, cette ironie. Il paraît qu'il pouvait rectifier le tir. Il paraît qu'ils étaient destinés à trouver comment écorcher cette chair humaine.