Ses prunelles sont des braises ardentes, prêtes à s'enflammer à la moindre bourrasque verbale. Toute cette colère, toute cette rancœur circule entre eux, brasse les émotions des trop récentes retrouvailles. Le Temps a effacé les blessures de sa chair, mais les plaies psychiques sont encore béantes. Et il est évident qu'ils ont encore beaucoup de choses à se pardonner.

Il plante un regard effronté dans le sien, prêt à défendre avec véhémence sa proximité avec l'Européen. « Ce n'est pas de la peur, mais du respect. » Peut-être que ton esprit fou ne saisit pas bien la nuance. Il s'allume une cigarette. Inhale la fumée pour réactiver mécaniquement ses poumons pétrifiés. Expire. Son regard est suspendu au sien.

« Barbra n'a que faire de moi, et son existence m'est tout autant insignifiante. Quant à Oswald… » Difficile de nourrir des sentiments précis envers le Shérif. Il n'a toutefois pas l'intention de ployer l'échine devant qui que ce soit, éternel arrogant. « Je ne le connais pas réellement. Mais il m'accepte, alors je l'accepte. » Comprends-tu ? Je suis si différent d'eux. Tout en moi hurlait Folie et Déchéance et pourtant, il m'a recueilli. « Pourquoi Jürgen ne m'a-t-il pas abattu ? Le Conseil lui en avait octroyé le droit. » C'était une raison suffisante pour supporter les mondanités quelques heures auprès de Jürgen Landgraf. La reconnaissance, au-delà d'un attachement sincère.

Son regard s'adoucit légèrement et il lui tend sa cigarette inachevée. « Si tu me demandes de paraître à tes côtés, je le ferai. » Je suis ton Infant. Une promesse. Son éternelle et paradoxale dévotion. « Mais je ne le trahirai pas, et ne lui ferai honte en aucune façon. »

Spoiler:

Il ressent la crainte de Barbra avant que les doigts de son Infante  ne se ressèrent sur son bras, et instinctivement il pose sa main sur la sienne. Et de leurs peaux glacées qui se frôlent, il y a ce murmure imperceptible de tendresse et de compréhension, qui lui promet le même refrain de toujours ne t’inquiète pas.

La colère n’effleure pas, dissimulée derrière les rictus mondains . Aux mots insipides de Pia, il répond par un rire de bourge coincé, les codes de la bienséance qu’il connait par coeur. Ma chère vous êtes toujours tellement amusante. Barbra est tellement époustouflante, continue-t-il sur la lancée. J’ai du travail jusqu’au cou, tu sais ce que c’est Lucian, et elle m’aide tous les jours, c’est juste une associée de talent en plus d’être une Infante divine. Et il sourit comme une tanche. Je m’en fous je suis camerlingue. Lucian. Ses traits se durcissent un peu, récupérant un air sérieux. Je te verrai plus tard, enchaine-t-il sans transition. Je dois vous laisser. Esther, nous nous verrons plus tard, je te laisse aux bons soins de Barbra…Tu ne crains rien mais mieux vaut avoir un refuge quand on ne connait personne dans ces soirées, n’est-ce pas?

Et il s’éclipse sans attendre, suivant les pas de Yago qui fuit. Sans l’avoir vu filer, il sait où celui-ci se dirige. Et tandis qu’il marche, son esprit effleure celui d’Oswald pour l’avertir de la presence de l’ennemi.  Un message, Je m’en occupe maintenant, auquel le danois a la sagesse pour calmer la rage de son Infant.

Je ne serai pas long et je ne ferai rien de stupide, promet-il.

Oswald insiste, Mikail va parler, alors Jürgen se range à ses ordres. Lentement, il revient vers son créateur. Et puis il les voit, franchissant l’entrée.

En serrant les dents, il écoute le discours de Mikail. Le Maitre assoie sa dominance, laisse la terreur lentement se repandre, et le message est clair.

Yago.

Sans hésiter Jürgen se dirige vers lui. Sa main sur son épaule, il toise Saläh, le défie de faire le moindre geste.

Yago tu as entendu le Maitre, lui souffle-t-il à l’oreille. J’ignore jusqu’où est allé ton allégeance pour Cinead, mais je voudrais que tu en fasses ce que Mikail demande. Pour toi, rajoute-t-il. Pour ne pas que Mancore te punisse. Je peux intervenir en ta faveur, mais pas lui.

Inutile de demander qui est lui.

Résumé: Jürgen tente de rejoindre Yago après avoir causé avec les Corleone et confie Esther à Barbra, mais Oswald l'en empêche. Mikail fait son discours et Jürgen se rapproche de Yago, et lui demande de prêter allégeance au Maitre.

Bien, les choses s’éclaircissent, se mettent à plat. Tu pourrais débattre des heures durant face à l’être à tes côtés mais l’invitation à rejoindre l’intérieur te coupe dans ton élan. Ton regard noir se pose sur la silhouette qui a osé vous déranger, celle qui est venue vous prévenir que le maître de la ville va parler. Vous ne pouvez pas manquer cela, n’est-ce pas ? Tu tends la main pour récupérer la cigarette que ta progéniture te tend avant de lui répondre.

« Ne t’inquiète pas, tu lui fais déjà suffisamment honte. Ta place n’est pas à ses côtés. » Après ces paroles, tu jettes le mégot au sol et sans jeter un regard derrière toi, tu pénètres l’établissement.

Tu écoutes les mots menaçant avec attention, commences à comprendre l’ampleur des derniers événements s’étant déroulés dernièrement. Il faudra te faire discret, le conseil est au qui-vive et tu sais qu’il te connaît assez que pour sauter sur l’occasion de t’éliminer. L’Essaim n’est d’ailleurs pas le seul. La silhouette imposante de Landgraf s’impose à toi. Comme il est aimable. Tu lui offres un sourire faussement charmant.

« Quelle âme charitable. »

Tu t’adresses uniquement à ton infant dans votre langue natale. Mais tu reportes l'attention sur l'Allemand. Vous ne vous attaquerez pas, la malédiction vous liant depuis peu vous condamnant d'avance à un tragique ex æquo.

« Bonsoir Jürgen. Tu nous excuseras, mais nous avons à faire. »

Réplique presque adroite, afin d’éviter que vous ne vous sautiez à la gorge tout de suite - ne fusse que verbalement. Tu sens surtout la nervosité de ton Infant à l’idée de répondre au souhait de l’Allemand. Qu’a-t-il à se reprocher ? Tu as encore bien des choses à apprendre de ton héritier. Tu t’écartes avec ce dernier, la main posée sur son épaule.

Résumé:

Le discours du Maître est assimilé avec attention. Et tandis que le crâne fissuré par la folie s'incline, l'esprit tente de se représenter mentalement cette prison dans laquelle l'Irlandais a été envoyé. Trois siècles de pénitence pour avoir bafoué la Mascarade. Ses pensées effleurent celles de Salâh ad-Dîn. Tu mériterais certainement un châtiment de la sorte, toi aussi. Au vu de l'ampleur de ses crimes, c'était peu dire. Et pourtant, l'oriental se dresse parmi les autres convives. Comme toujours, inébranlable. Néanmoins, pour la première fois de son existence, l'Infant doute soudain de son invincibilité. Et lorsque Jürgen vient lui demander de prêter allégeance, durant un semblant de seconde, il envisage cette possibilité.
Avant de la refouler aussitôt, avec entêtement.

Il secoue la tête, obstiné. « Je n'ai rien à voir avec les magouilles de Cinead. Tant pis pour son empire déchu, mais tout cela ne me concerne pas. » Il offre à Jürgen un regard sincère. Un soupçon d'orgueil se distille dans ses prunelles. « Je ne ploierai pas le genou face au Maître si je n'ai rien à me reprocher. » Feindre ne faisait pas partie de ses habitudes. Etre présent à la soirée représentait déjà le summum de sa dévotion envers l'Allemand.

L'irréalité de la confrontation entre Jürgen et Salâh ad-Dîn le percute. Brusquement écarté, il devine le courroux de son Sire. « Nous avons à faire…? » C'est tout ce que tu as trouvé ? La mâchoire crispée, il ne dissimule pas son agacement. « Qu'est-ce que nous avons à faire exactement ? Toi aussi, tu as l'intention de m'exhiber fièrement à ton bras, et de me présenter à je ne sais quel allié ? Tu… » Ce jeu l'épuise, la colère gronde en lui et dans son emportement il heurte une silhouette féminine. Si sa beauté de glace ne l'avait pas saisi, sûrement aurait-il ignoré royalement cette bousculade inopinée. « Navré… »

Spoiler:

Le sens des responsabilités, au moins morales, dont se prévalait Yago m'avait presque épaté. Cette facette de lui m'était inconnue, lui qui paraissait si détaché des notions de hiérarchie, de comptes à rendre. Mais nous nous étions trop peu vus pour que je puisse tant conjecturer sur lui. Néanmoins assez pour que la cigarette qu'il m'avait donné me rappelle notre première rencontre, où nous avions joué dans un cimetière, et éveillé les morts. Les souvenirs m'avaient alors fait me perdre, de telle sorte que l'invitation de l'oriental n'eût pas attiré mon attention. La cigarette pouvait bien attendre.

Mais le souvenirs se sont vus interrompus par un appel au silence, religieusement respecté dans l'ensemble de la salle. Le Maître se préparait à prendre la parole, fort de cette posture droite et froide, reflétant si bien sa réputation de dirigeant terroriste. C'était après tout par la voie radicale qu'il coula l'empire de l'Irlandais. Ployez le genou, ou mourrez. Pétrifié, mon regard se perdit dans l'immensité de la salle. Alors, c'était la fin du parcours.

Mais en balayant le complexe du regard, je heurtai un autre problème, encore plus dangereux. Esther. Je la vis s'approcher, hésitante, de l'espace en face du Maître, une sorte de parterre de la pénitence. J'avais appris que Cinead l'éduquait, à sa manière, et peut-être avait-elle peur, donc, d'être prise pour l'une de ses sbires. Mais la terreur me parcourut davantage à l'idée qu'elle s'agenouille : elle ne devait surtout pas se présenter à Mikail. Ma survie en dépendait. Je la rattrapai rapidement, sans pour autant attirer l'attention, pour saisir son épaule et la bloquer dans son avancée. Tandis qu'elle se retournait vers moi, je plongeai mon regard dans le sien, et prit mon ton le plus autoritaire. Oui, il s'agissait bien d'un ordre.

"Tu n'as pas besoin de ployer le genou. Fais demi-tour et éloigne-toi le plus possible du Maître."

D'un regard circonspect, je vérifie que personne n'y ait prêté attention ; ce qui ne semblait pas être le cas. Alors, pendant qu'elle partit dans l'autre sens, je m'avançai, visiblement le premier, au milieu de la zone vide, pour regarder le Maître.

"Je suis Ikarias Tavian, l'un des lieutenants du clan, aujourd'hui démantelé, des Irlandais."

Mon regard s'écrase au sol ; puis mon genou, sous le poids de la honte. Se réduire à cela, quelle disgrâce.

"Et je me présente devant vous afin d'implorer votre pardon, et vous prêter allégeance."

Résumé:

La valse des individus autour de leur groupe lui faisait tourner la tête. Beaucoup venait échanger des salutations avec les Landgraf avant de se détourner pour rappeler leur existence à d’autres vampires. Esther ne pouvait qu’observer, inconnue de tous, ignorée par beaucoup. Non… lui, elle le connaissait. Elle s’était préparée à l’éventualité qu’il soit présent, mais il était proche, bien trop proche d’elle. Son créateur. Il ne s’approcha pas plus, se contentant d’échanger à voix basse avec le vampire aux traits étranges. Tant mieux, elle ne voulait pas le confronter devant tout le monde, et créer une scène publiquement aurait été une très mauvaise introduction à la société vampirique. Elle écoutait distraitement Barbra lui répondre, son attention focalisée sur son Sire.

Un mouvement de foule la tira de sa contemplation mutique. Les attentions se reportaient sur l’apparition du Maître de la ville. Un vent de panique la secoua. Etait-elle concernée par la demande du Maître ? Elle n’avait jamais été impliquée dans les activités de Cinead, mais leur relation ne devait pas être un secret pour ceux qui avaient enquêté sur le clan. Elle leva la tête vers Jürgen, comme pour quémander un conseil, mais il avait disparu.

Un pas la mena vers le Maître, puis un deuxième. Elle ne pouvait pas risquer d’être poursuivie, considérée comme hors la loi ou renégate, ou subir elle ne savait quel supplice. Elle était suffisamment marginalisée comme cela. Tant pis pour son orgueil, pour le sentiment d’injustice qui la submergeait. Sa vie valait bien une courbette. Une main sur son épaule l’empêcha de finir sa marche vers la rédemption. Lui. Elle faillit répliquer, argumenter, supplier pour sa vie peut-être. Mais la vague de l’ordre l’engloutit. Elle fit demi-tour, fulminant contre lui et contre ses jambes qui refusaient de lui obéir. Il voulait probablement juste sauver sa peau, que personne, et surtout pas le Maître, ne pose de question quant à cette nouvelle Infante sans Sire.

Sa fuite s’arrêta près de l’entrée. Immédiatement, elle revint sur ses pas, avançant comme une furie entre les invités pour rejoindre le cœur de la salle, où le Maître attendait. Il ne s’en tirerait pas comme ça. Il n’allait pas empêcher Esther de se présenter au Maître pour sauver sa misérable vie. Dans sa course, elle buta contre deux convives qui bloquaient le passage. Elle grommela. « Poussez-vous ! Il faut que je rejoigne ce petit… » L’insulte se perdit dans le brouhaha.

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Un larbin, venant de nulle part, apparaît soudainement depuis la foule, visiblement pour m'apostropher. L'archétype du messager effacé, qui est presque gêné de devoir m'apporter son message.

"Mikail vous fait quérir. Il va entamer son discours."

D'un ton clair, je réponds sans transition.

"Entendu."

Pour ce que Lorna est réjouie d'être à mes côtés, la clouer sur place ne me gênerait pas. Je suis alors l'agent, présumant que l'hérésie a compris la situation, et arrive aux côtés de Mikail. Il semble attendre le moment opportun pour démarrer sa prise de parole ; pas Jürgen. Ses pensées entrechoquent les miennes, m’avertissent de la présence du chaos. Saladin, en personne. Mais tout aussi vorace de vengeance que lui, je n'en reste pas moins lucide.

"Laisse-le filer."

Un message des plus brefs, pour être le plus clair possible. Il ne lui veut pas de mal, je le sais, mais il ne doit pas outrepasser les règles de bienséance de l'Essaim. Le maître ne plaisante pas. L'infant se veut insistant, mais je ne fléchis pas.

"Mikail va prendre la parole, alors sois là pour écouter."

Il n'en faut pas plus pour qu'il s'y plie. D'ailleurs, le Maître prend sans délai la parole. Le discours se veut autoritaire, le verbe est net et agressif, et leurs cibles sont clairement énoncées. Cette volonté de soumission, elle a été planifiée auparavant, et je compte bien participer à la mise en ordre du foutoir qu'est devenu Stoner Hill. Tandis que Mikail s'exprime, je reste droit, fier, comme l'on en attendrait du Shérif. Jürgen, lui, semble être plus dubitatif. Il est vrai que Yago avait un statut particulier sur cet échiquier, un statut qui va devoir être éclairci. Lorsque le discours se termine, je reste à ma place, observant de loin le triptyque infernal. Mon fils voulait l'agenouillement, mais est-il nécessaire. Écoutant vaguement la discussion, je me rapproche lentement. Et dès lors que l'infant semble réceptif, je lui passe le mot.

"Je pense que l'on peut le laisser tranquille, pour l'heure."

Le temps que je parvienne à eux, Jürgen semble avoir été mis à l'écart. Tant mieux. La discussion en deviendra plus facile. Arrivé à côté de lui, je l'apostrophe rapidement, pour ensuite en revenir au sujet.

"La question de l'allégeance de Yago pourra être résolue en privé."

Car désormais, les Landgraf ont bien assez d'influence pour jouer à cela.

Résumé:

Et les roseaux ploient, et les silhouettes se précipitent ; certaines s'esquivent, d'autres se rassemblent. Il est immobile, parfaitement. Peut-être le seul. Avec Toi. Pourtant le mécanisme s'arrête en lui ; un instant, un bond dans le temps, lorsque l'inconnue prononce son nom. Le visage est impassible mais les pensées s'agitent et, mentalement, il questionne son Sire. Qui est-elle ? Pourquoi me connaît-elle ? Pourquoi nous provoque-t-elle ? Il ne l'a jamais vue chez Jürgen, pas plus que cette jeune vampire qui déboule de nouveau. Toi aussi, tu vas courber l'échine ? « Tu as quelque chose à te reprocher toi aussi, ou c'est par prévention que tu vas sucer les boules du Maître ? » Sa langue claque avec l'arrogance rebelle de celui qui se croit au-dessus des lois. L'effronterie affichée en étendard sur le front, il retrouve sa neutralité lorsque les projecteurs dévient vers la femme sacrifiée. Enfin.

Son bras s'enroule légèrement autour de celui de Salâh ad-Dîn. Un court instant, ses prunelles cherchent la silhouette de Jürgen parmi la foule. Pour se rassurer. Puis, happé par la cérémonie rituelle, ses lèvres ne s'entrouvrent que lorsque l'ennui menace de poindre au creux de sa poitrine. « Cette manie qu'ont les bienséants de ne point boire directement à la source. » Son regard suit avec attention la large coupe pleine d'un sang dont il doute d'apprécier l'arôme. Méfiant, il délègue la dégustation à son Sire. « Toi d'abord. » Il paraît que ça donne des visions. On va peut-être enfin s'amuser.

Spoiler:

On m’a conseillé de m’y pointer, histoire de faire bonne figure. Histoire de faire genre «salut, j’suis pas qu’un jeune con et je m’intéresse à la politique, vos petites guéguerres, tout ça».  Oh, mes intentions sont sincères, vraiment. Faut commencer à s’intégrer un jour ou l’autre et franchement, je n’ai pas envie de faire de remous. Alors comme un bon petit vampire  de l’Essaim qui n’a rien à se reprocher, je m’y rends ne serait-ce que pour écouter ce que le Maître de la Ville a à dire. Mon but principal étant qu’on me foute la paix, je suis à peu près Mikaïl depuis mon arrivée aux États-Unis. Même si je suis pas spécialement d’accord avec ses agissements, je ferme ma gueule. Moins je me fais remarquer, mieux je vais me porter.

Je fais donc partie de ceux qui restent immobiles dans la foule soit parce qu’ils sont exempts de tout tort, soit parce qu’ils refusent de se plier. Je sirote le sang dans mon verre qui, pour une fois, n’est pas une merde synthétique. J’observe, silencieux. Pour une fois, je me tiens tranquille. À vrai  dire, je sais pas trop combien de temps je vais rester ici. Franchement, j’ai du mal à m’habituer à ces cérémonies vampiriques un peu trop louches à mon goût. De base, j’étais fermement athée. Je laisse la coupe passer de mains en mains, mais pour l’instant, je refuse d’y tremper les lèvres. Probablement que même si c’était le sang de la dernière vierge sur Terre recueilli lors de la pleine lune d’un solstice d’hiver par un nain pirate unijambiste, je refuserais de boire.

Spoiler:

L'italien n'avait perdu un seul mot lâché entre les lèvres de l'auguste maître de la ville. Il connaissait la capacité féroce d'action de cet homme dont la réputation était entachée de sang. Une main de fer dans un gant d'acier, tel était le surnom qu'on lui donnait. La mafia savait qu'elle marchait sur des oeufs avec lui, au moindre faux pas, l'homme sanguinaire n'hésiterait pas à faire preuve de sa justice expresse et du talent pour la torture de ses hommes. Il n'avait cependant réussit pour le moment à rester dans ses petits papiers et espérait continuer à en faire de même. Voilà pourquoi il était quelque peu réservé ce soir, mais qu'il prit cependant un verre du sang sacrifié, d'une part parce qu'il n'aimait pas le gachis, une offrande doit être acceptée, et d'autre part car il voulait montrer qu'il participait volontiers aux festivités même s'il aurait trouvé cela infiniment plus utile de continuer à s'occuper des affaires les plus urgentes. Son regard s'attarde un instant sur Yago et son sire, ce dernier intéressant depuis son arrivée sur le sol Louisianais l'italien.

Résumé:

Si l’occasion d’assister à ce genre de petites sauteries s’est maintes fois présentée durant ta longue existence, il n’en reste pas moins que celle-ci reste toute particulière. A ton goût, tu connais  hélas trop mal tous ces acteurs qui grouillent autour de toi. A la question de Yago, tu ne peux répondre. Un haussement d’épaule et une moue peu convaincue témoignent de ta soudaine lassitude. Le nom des Landgraf est sur toutes les lèvres, évidemment. Tous les regards, également. Ton Infant garde un œil presque désespéré sur Jürgen. Mais le commencement du rituel happe toutes tes pensées, chasse la colère sourde qui gronde au fond de tes entrailles. Il était bien sûr un peu dommage que cette cérémonie ait été mise au goût du jour. Beaucoup moins impressionnant. De ta gorge s’échappe un rire rond, chaud, amusé tant par la réplique de ton Infant que par son attitude. Tu es donc celui qui devra te sacrifier, le cobaye de la soirée.

« Comment as-tu fais tout ce temps pour survivre sans moi ? »

Un haussement de sourcil appuyé plus tard, tu trempes délicatement tes lèvres dans la coupe de sang. Tu t’attends un instant à quelque chose d’extraordinaire mais, à l’instar du reste, c’est insipide. Sans grand intérêt tout du moins. Buvant une nouvelle gorgée comme pour t’assurer de n’avoir rien raté, tu finis par donner la coupe à la demoiselle blonde qui vous a précédemment interpellé.

« Je ne vous le conseille pas. »

Tu te détournes rapidement de la jeune femme, préférant t’attarder sur une autre silhouette. T’arrêtant un instant sur Yago, tu lui souffles que cela ne valait vraiment pas la peine qu’il y goûte. Ton regard se relève ensuite vers un homme vous épiant, tout en fixant ce dernier, tu te penches vers ton Infant.


« Dis-moi plutôt qui est cet homme. » Son identité te semble bien plus intéressante que ce sang partagé entre tous.

Résumé:

Lorsque Mikail prit la parole, mes genoux, alourdis par cette fausse tentative de rédemption, se déplièrent lentement. Mon regard vint chercher celui du chef, cet enfoiré qui avait gagné la partie. Puis je regardai l’ensemble de la foule, qui elle ne regardait que nous, dédaigneux, presque amusés. Eux, ils n’avaient pas misé sur le mauvais cheval. Ils avaient, pour beaucoup, emprunté le chemin sans encombre de la discipline, et du mouvement majoritaire. Ou alors ils misaient à nouveau, et croyaient pouvoir échapper à la traque. Très dangereux, d’ailleurs trop pour moi. Cette fois, je devais rendre les armes. Quitte à les saisir à nouveau plus tard.

Les mots du Maître étaient bruyants, mais je n’en écoutais pas la moitié. Je connaissais ce refrain, je me l’étais imaginé vingt fois au préalable. Cependant, ces menaces ne m’effrayaient pas. Je n’étais pas certain de mes choix d’avenir, mais je savais que si un chemin intéressant passait de nouveau hors de l’Essaim, je l’aurais suivi, sans faire cas de l’avertissement de Mikail. Courber l’échine aujourd’hui ne signifiait pas que j’allais le faire toute ma vie. Je m’éloignai du périmètre dans lequel j’étais honteusement entré, pour rejoindre la masse, dont l’attention était attirée par mon action lâche.

Frustré, j’errai sans destination, bousculant les uns, ignorant les autres. Je n’avais plus aucun but, plus aucune protection, et me voilà, entouré par mes geôliers potentiels, blanchi que d’un seul crime. Le second, lui, impliquait un danger constant, et se rappelait à moi dès lors qu’elle apparaissait dans mon champ de vision. D’ailleurs, elle se fit entendre, et attira très vite mon attention. Mais une autre silhouette m’était familière, celle d’une très vieille connaissance. D’un seul coup, mon corps était comme tiré par une ficelle, appelé contre son gré, vers ce qui me paraissait être le Diable en personne. Elle. Cette blonde à l’allure séduisante et hautaine, souvenir vieux de plus d’un siècle. Sans réfléchir davantage, je tournai des talons, comprimé par un mélange frénétique de rage et de crainte, sentiments des plus primitifs, éveillés par ce fantôme séculaire. Je n’avais plus rien à faire là-bas. L’air du dedans était pesant, il me fallait m’en aller.

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