✤ Traits de caractères Il a une flamme coincée en travers de la gorge, elle l'empêche de sourire et de s'exprimer sans avoir l'air de lui écorcher la gueule. Solal pourrait se forcer mais à ce stade, cela ne servirait plus à rien, des cendres quitteraient ses lèvres, il en est certain. Plus rien ne le sublime, sous ses phalanges, tout semble flétri, asséché de beauté. Fut un temps où Solal aurait voulu quitter sa chrysalide de rien pour entrer dans le monde mais cela s'est avéré hors de portée. Il n'est pas un produit fini, une part de lui s'est perdue pendant sa fabrication. C'est ce qui le rend si différent et détesté à la fois. Personne ne l'aime, tout le monde désire sa mort. Il ose parfois se considérer comme un survivaliste des temps modernes. Mais lui n'a pas besoin de bunker, seulement d'un vieux vampire à la gueule déconfite et au corps qui ne change jamais. Parfois, il aimerait que le temps s'abatte sur eux, que la vieillesse s'attache à la peau de leur visage comme une maladie et que les rides forcent leurs traits mais rien ne se passe jamais. Rien n'évolue, c'est à le rendre fou. Solal rêvait pourtant de cette immortalité mais maintenant, il en vient à la détester. Kip est toujours le même, depuis vingt ans, c'est la même histoire, le même visage. Tout le ramène à ce triste monde dans lequel il s'est enfermé par manque de chance. Parfois sa moitié d'âme foireuse est si fatiguée qu'elle donnerait n'importe pour brûler en enfer. Solal a l'impression d'être un souffle ayant traversé plusieurs vies sans avoir de pause. Ça le rend tellement malade qu'il a déjà tenté de se foutre en l'air. Une part de lui savait que cela viendrait à foirer mais le désespoir le rend encore plus stupide que la moyenne. C'est pour ça qu'un jour il aime Kip et qu'il le déteste le lendemain. Le désespoir a tendance à le rendre bipolaire. Et c'est encore pire depuis que Solal est enfermé entre ses quatre murs : il ne peut même plus réfléchir sans avoir l'impression de se noyer dans ses propres pensées.
✤ Occupations La porte de leur demeure ne s'ouvre que rarement. Solal passe le plus clair de son temps terré chez lui, à coudre et recoudre des animaux pour occuper son esprit et ne pas partir à la dérive. Ses journées sont les mêmes : alimentées par le silence et la mort. Parce que c'est ça, la vie, lorsque l'on est en bas de la chaîne alimentaire : on se fond dans la masse, on se fait oublier au point de s'oublier soi-même. Solal a son propre univers, son espace et personne n'y entre. Tant pis si cela se résume à ne plus rien ressentir si ce n'est de la bestialité envers Kip, son maître, son unique pilier. Sa plus grande source de lumière pourtant si macabre à la fois. Alors oui, à être enfermé à longueur de temps avec un vampire, les deux bêtes passent le plus clair de leur temps dans leurs draps crasseux à s'unir pour tuer l'ennui.
✤ Manies, habitudes & goûts
(UN) le sentiment qu'il assimile le mieux, qui le transcende est la colère. C'est pour cela que Solal quitte parfois sa forteresse de silence pour enrager Kip. Les coups-bas s'enchaînent pour tenter d'enflammer désespérément ce moitié d'âme un peu minable. C'est devenu une drogue pour l'hérésie : celle de hurler, de frapper, d'avoir le corps si tendu qu'il en serait incapable de respirer. Quand on le voit dans cet état second, on pourrait aisément dire de lui que c'est un taré.
(DEUX) Il se souvient de ces cinq premières années, de la télévision toujours allumée dans le salon : son unique amie. Aujourd'hui encore, malgré un toit insalubre, Solal a fait la guerre pour garder la télé à leur déménagement. Alors, du soir au matin la voilà qui dégueule ses émissions de téléréalités et toutes ses publicités. Il n'y a que ça pour l'aider à être réellement calme et oublier sa nervosité chronique.
(TROIS) Tous les dimanches, alors que certains prient, que d'autres font des pique-niques, Solal se troue la peau. C'est son jour, à lui, lui seul et même Kip n'a pas le droit de le déranger dans ce moment précieux.  Les lames de couteaux et de rasoirs s'enfoncent dans ses bras et apaisent son esprit malade. C'est aussi précieux qu'un rituel. Rater l'une de ces thérapies personnelles peut le mener à une profonde angoisse. Il n'appelle même pas ça de la mutilation, seulement une purge : cela le persuade d'être moins contagieux et malade.
(QUATRE) Solal adore les voitures même s'il n'a pas le permis et qu'il n'y connaît rien. Il a en a une magnifique reposant dans un coin de l'entrepôt. Lorsqu'il n'est pas devant la télévision ou dans son atelier, l'hérésie passe son temps à la chouchouter comme si c'était son propre enfant. Pas une rayure, pas une poussière. Kip lui a offerte pour ses trente deux ans. Il en est dingue.
(CINQ) Pink Floyd, son groupe préféré de tous les temps. Il hésite pas à mettre son casque toute la journée en laissant les albums tourner en boucle. Solal dit que ça l'aide à se concentrer. C'est juste une excuse pour se détacher du monde, encore une fois.
(SIX) Solal use ses lèvres gercées, il s'arrache des parcelles de peau à l'aide de ses dents, quitte à se faire saigner. Ce n'est absolument pas élégant comme peuvent le laisser croire les romances télévisées.
(SEPT) Des piles de livres de médecines traînent dans toutes les pièces. Impossible de faire un pas sans marcher dessus. Solal les connaît par cœur mais ne peut se résoudre à l'idée de s'en détacher. Il les aime et les convoite.
(HUIT) Asocial, Solal fait toujours en sorte de ne pas entamer une conversation. C'est devenu un expert en la matière, il connaît tous les tours des passe-passe pour ne pas croiser le regard des autres. C'est une maladie, on appelle ça plus fréquemment une phobie sociale.
(NEUF)
(DIX)
✤ Influence Solal est un nid à MST, il le sait. Son sang n'est que maladie. Il a déjà vu des hommes et des femmes finir leurs jours à l'hôpital par sa faute. La première fois, il en a été surpris. Mais maintenant c'est son plaisir personnel, voir les autres souffrir l'amusent. Il ne peut s'empêcher de charmer son prochain dans l'unique but de lui faire don d'une de ses malédictions. Parce que c'est tout ce dont Solal est capable : altérer les organismes vivants, les fatiguer, les épuiser et les rendre honteux. Mais en échange, il y gagne quoi ? Seulement un plaisir malsain et égoïste. Et puisque tout pouvoir a sa face sombre, l'hérésie n'y échappe pas. Les pilules s'entassent sous son lit et dans chaque pièce de l'entrepôt. Le cerveau de Solal est une tumeur à lui seul, persuadé d'être atteint du VIH sans en ressentir les effets, l'enfant-démon se gave de traitement pour tenter de soigner le mal qui le ronge.
✤ Lien avec le vampire Avant Kip, Solal n'était qu'une vie bancale coincée dans une marche funéraire. Il ne regardait pas autour de lui, ou seulement pour être certain que personne ne l'attendait dans un coin de rue pour le débarrasser de sa moitié d'âme. Il se souvient encore de leur première rencontre comme si c'était hier. Le jour de sa libération, la fin d'une ère : celle de la honte et du silence. La première marque était une abomination, c'est à partir de la troisième que c'est devenu une réelle drogue. Posséder, encore et encore et devenir l'unique objet de désir d'un vampire à la dérive. Solal est profondément attaché à son dominator même s'il ne le montre pas. Chaque parcelle de son corps ne désire que la sécurité de Kip. Kip, avec qui il a traversé des montagnes de haine et d'atrocités. C'est à deux qu'ils ont creusé l'un dans l'autre, à la recherche de sentiments poisseux et douloureux. Ils se sont brisés, quelquefois, pour mieux recoller les morceaux. Solal passe le plus clair de son existence aux côtés de Kip, il en est presque devenu son ombre. Ce qui les unie est bien plus fort qu'une histoire de Pacte.
✤ Convictions Que pensez-vous de la révélation ? Préférez-vous avant ou après la révélation ? En bref votre opinion sur la question. 150 mots minimum.
✤ Signes particuliers Des cicatrices, tout une carte de cicatrices. Y en a pour tous les goûts, de toutes les formes, de toutes les sortes. Un maelstrom de blessures. Ses préférées restent celles qu'il a dans la tête : deux pour ses cornes et une pour sa chute à vélo quand il était gamin, qu'il sortait encore un peu dehors. La vie caressait sa peau et Solal s'en souvient encore un peu, parfois. Et de son point de vue actuel, il n'y voit que du temps perdu à tenter de vivre que tous les autres. C'est bien plus fascinant un corps abîmé.

Avant de vivre avec Kip, la lumière caressait ma peau et je pouvais dévaler le grand jardin sur la scelle de mon vélo. Mon père m'attendait toujours en bas et je le regardais de mes yeux trop sombres. On avait les mêmes (c'est lui qui le disait). Parfois, je parvenais pas à freiner alors, ses grandes mains se posaient sur mon guidon et je lui souriais. C'est là qu'il me disait :
- Tu ressembles à ta mère.
Mais quelle mère ? Cette folle dont parlait les voisins ? Cette tarée qui te griffait lorsqu'elle était un peu trop contrariée. C'était déjà un cadavre lorsque j'ai quitté son corps. Mon père me l'avait expliqué mais avec des mots plus doux et des tournures bien à lui. Il était écrivain, je crois. Lorsque mes yeux se posaient sur ses doigts, il y régnait toujours des tâches d'encre. Il n'essayait même plus de les effacer. Je me souviens de son parfum et de l'aura enivrante qu'il dégageait. Je me souviens des traits de son visage mais ils sont flous, un peu comme un vieux tableau d'acrylique.


J'avais quelque chose en plus sur la tête, deux morceaux d'os avec lesquels je m'amusais à faire le taureau mais on me les a enlevés, comme ça, sans rien me dire avant. On m'a pas laissé le choix : crâne rasé et adieu jolies cornes. C'est pour rencontrer Kip que l'on m'a arraché une part de moi. J'avais pas le choix, à ce qu'il paraît. Je n'ai pas pleuré ce jour là mais j'avais l'impression de ressentir un grand vide à l'intérieur de moi. C'était indescriptible, un peu comme une intuition. Je savais que je ne reverrais jamais mon père et cette grande maison de campagne. Plus jamais je n'entendrais des histoires sur ma mystérieuse mère, morte pour me donner la vie. Tout ce qui allait compter maintenant, c'était cet homme, ce prénom en trois ridicules lettres.
KIP. Vampire, suceur de sang, tout un tas de conneries le concernant.
Et surtout hérésie. C'est la première fois qu'on m'appelait comme ça. Qu'on mettait un nom sur ma différence. Celle que mon père avait gardé sous silence pendant cinq ans.
Ma mère, c'est d'elle que tout venait. Elle était les racines mêmes de mon existence ratée. C'est aussi à cause d'elle que j'allais me retrouver loin de l'unique personne qui ne me voulait pas de mal.

[...]

L'air humide me prenait aux poumons mais je ne disais rien. Mes minuscules doigts s'attachaient à ceux de Kip. Je n'avais pas encore vu son visage, il y faisait trop sombre, trop froid. Pas un brin de lumière n'effleurait notre peau. De temps à autre, le bruit des rats résonnaient autour de nous et je sursautais. Je me souviens avoir écrasé une main qui traînait par là. Un gémissement s'était élevé au dessus de nos têtes et j'avais posé mes mains contre mes yeux même si je ne voyais déjà rien. C'est là que je me suis autorisé à parler pour la première fois depuis que j'avais attrapé les doigts de Kip.
- On est où ?
- A New York.
- C'est faux, je vois pas les buildings et les lumières. Je vois rien. Ma voix tremblait, j'étais à deux doigts de pleurer, à deux doigts de le lâcher pour partir en courant. La seule chose qui me retenait à lui était la peur de me perdre dans ce labyrinthe d'obscurité.
- Qui te dit que New York se résume seulement à ça ? Bienvenue à Oze. J'avais le souffle coupé.
- Oze ? Oze.
- Le second souffle de la ville lumière.
Et c'est là-dessous que je me suis terré pendant cinq ans sans jamais en sortir. J'y ai croisé les pires choses mais aussi les plus belles. Mais à partir de ce jour je n'ai plus jamais prononcé de compliments à la grosse pomme. La vérité m'éclatait brusquement à la figure. Je n'étais plus dans ma bulle hermétique, c'était terminé. Oze était déjà ma seconde maison, je n'avais plus le choix.


(Quand on vit à New-York, la ville lumière, on ne peut pas se permettre de puer le désespoir et la pauvreté. On ne mérite pas de marcher sur les trottoirs de la ville et demander de l'aide.
C'est là qu'on se retrouve seul et qu'on termine fou. Heureusement, il y a une autre monde, juste en dessous, perdu dans les souterrains de la ville, sous les pieds des travailleurs dépressifs et des femmes nues incrustées sur tous les murs. Et ce nouveau monde, certains l'appellent Oze, comme le magicien sauf qu'il n'a rien de magique. Une fois qu'on y vient, on n'en repart jamais réellement à ce qu'il paraît. C'est lui qui recueille les déchets de la société, ceux dont New-York ne veut plus. Personne ne le connaît réellement, tout le monde ferme les yeux sur son existence. Seuls les plus curieux en parlent et les légendes disent qu'à Oze, tout y est noir et humide, à faire froid dans le dos. Les personnes qui y vivent n'auraient plus rien d'humain, détruites par la haine et le vide. Ils sont là, tout en bas, à pleurer leur vie passée où celle qu'ils n'ont jamais eu. New-York marche sur des larmes mais quelques vies humaines n'ont plus rien d'important à côté des cours du marché. Les chiffres avant des vies et ça, le peuple taupe le sait mieux que personne.)
Il faudrait écrire un livre là-dessus, si seulement personne n'en avait rien à foutre.


J'avais dix ans lorsque j'ai rencontré Paul. Un grand mec à la barbe mal rasée. La nuit tombait lorsque je tendais tristement la main aux passants qui ne me regardaient même pas. Mon visage était crasseux par le manque d'hygiène et je puais la pauvreté. Si j'étais là, ce n'était que pour me payer quelques sandwich avant de mourir de faim. Je ne pense pas que Kip m'aurait laissé crever mais venaient ces moments où il ne prenait pas la peine de venir me voir. C'est normal, qui aurait voulu d'un gamin comme moi ? non, qui aurait voulu d'un gamin tout court. Je lui en voulais pas, je me débrouillais juste comme je pouvais. Et ce type là, ce Paul, je me souviens lui avoir mordu la main alors qu'il me la tendait. J'étais persuadé que l'un de ces pédophiles voulaient encore s'attaquer à moi. Les crasses de ce genre étaient monnaie courante à Oze mais je ne me sentais pas d'accepter les méfaits du peuple lumière. Ma peau recouverte de blessures puait la pisse et l'humidité. J'étais à pleurer. On pouvait même pas me définir de gamin, j'étais un 'déchet'. C'est là que Paul s'est baissé pour être à ma hauteur.
- Qu'est-ce que tu fais ici à ton âge ? il y avait une sorte de compassion dans son regard, je pouvais la ressentir même si c'était vague. Personne n'avait jamais eu une telle attention pour moi. Ca me donnait envie de plonger en lui, de me lover dans son être et ne plus en ressortir. J'avais aussi envie de coucher avec lui mais je connaissais encore trop peu ce terme pour m'y abandonner.
- Je travaille Monsieur. et il m'a plongé quelques billets entre les mains.
Il a fait ça, des mois durant, dans l'unique but de m'amadouer, comme on apprivoise un animal sauvage avec de la bouffe.


Lorsque je pense à mes marques, j'ai l'impression que la seconde n'a jamais existé. Comme si elle s'était volatilisée dans l'air et que rien ne pourrait la ramener à mon cerveau. Elle n'a plus d'effet sur moi. La troisième a pris le pas sur le tout. J'ai la sensation qu'elle me hante encore. J'ai qu'à fermer les yeux pour ressentir tous ces sentiments passés. J'étais fier de pouvoir me lier d'avantage à Kip mais je me souviens aussi de cette immensité de vide lorsqu'il s'est endormi. C'était comme se recevoir tout le vide du monde en pleine tête. Les bruits du monde résonnaient en moi et j'aurais pu passer sous le train si l'un d'entre eux passait par là. -uc

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