➽ date et lieu de naissance. 21 décembre 1982, quelque part (l'information s'est perdue entre le foyer pour enfants et ses parents d'adoption). ➽ nationalité. américaine, du moins c'est ce que ses papiers disent. ➽ camp. ça dépend des heures, des jours, et de si elle a pris ses médicaments. ➽ classification. classée comme agressive, mais là encore tout dépend des circonstances ponctuelles. ➽ état civil. célibataire, aux derniers abords. de toute façon, elle n'a pas vraiment le temps de sortir, avec son travail de nuit. ➽ lieu d'habitation. quartier d'habitation en ville. ➽ métier. médecin légiste à l'hôpital, elle fait partie de l'équipe de nuit (sinon, elle dormirait au boulot, ce qui n'est pas forcément très bon pour la carrière, n'est-ce pas ?). ➽ étiquette qui vous est collée. atropos, dite attia par à peu près tous ceux qui ont pu la croiser, est vue comme une espèce de folle furieuse, lunatique et constamment vaseuse. en fait, les gens ne savent pas tellement qu'elle a réellement un grain (voir un gros rocher dans le cerveau) et qu'elle est la proie de troubles psychiques qui amènent à un dédoublement de sa personnalité assez fréquent. bon, les gens la voient se parler à elle-même et ne s'inquiètent pas trop… sauf peut-être son frère adoptif qui a bien fini par comprendre qu'il y avait un gros problème. à l'hôpital, on la voit peu, et on considère que c'est une personne étrange : les gens ne seraient pas vraiment étonnés si ils apprenaient qu'attia découpait des corps à la tronçonneuse (en même temps, c'est un peu son boulot parfois). mais rares sont ceux qui savent qu'elle a réellement un don qui lui permet de faire revenir les morts à la "vie" pour quelques instants. l'intérêt de bosser la nuit est qu'elle peut utiliser de son pouvoir sans être trop repérée, et qu'elle peut ainsi faire plus vite son travail. certaines personnes la voient souvent sortir toute blanche de la morgue aux alentours de huit heures du matin, et loin d'imaginer que c'est parce qu'elle a donné de son sang, ils pensent qu'elle est devenue aussi pâle que ça en restant dans les sous-sols de la morgue. en bref, on parle assez peu d'attia et ça l'arrange plutôt. elle ne ferait pas de mal à une mouche, sauf les jours où elle est mal lunée, où elle monte dans les étages au début de la journée et où elle beugle sur les médecins qui ont commis une erreur dans leur diagnostic, amenant à la mort de leur patient.

précision utile : pour cette partie, je parlerai principalement d'attia, la personnalité originelle et principale. on distinguera l'autre personnalité la plus courante (et la plus tordue) en l'appelant Atropos.

On dit qu'un dédoublement de personnalité est dû à un traumatisme profond. Il semblerait qu'Attia ne déroge pas à la règle, même si son traumatisme remonte à sa plus tendre enfance et n'est même plus conscient. Partagée entre deux personnalités aussi différentes que le jour et la nuit, Attia/Atropos oscille entre deux extrêmes tout aussi dangereux l'un que l'autre, surtout pour elle en fait. Ses souvenirs sont partiels, souvent altérés par la personnalité plutôt innocente. Voyant un psychologue depuis qu'elle a été adoptée par les Sacramoni (ou plutôt depuis qu'elle les a réveillé en sursaut en hurlant comme une forcenée dans sa chambre alors qu'elle avait douze ans), Attia a pu comprendre un peu mieux ce qui lui arrivait. Si Attia est la face lumineuse de la jeune femme, Atropos en est le côté aussi sombre que le fond d'un puits. Attia est le plus souvent présente, mais Atropos apparaît souvent lorsqu'Attia est en danger, qu'elle est triste et se souvient d'une existence révolue, ou qu'elle n'a pas utilisé son don depuis longtemps. Atropos apparaît encore à des moments où rien ne semblait l'appeler, mais les médicaments que prend Attia sont censés empêcher ces apparitions imprévues et inquiétantes. Encore faut-il qu'Atropos n'ait pas jeté les pilules à la poubelle ou ne les ait pas cachées dans un lieu où Attia n'ira pas chercher.
Cela étant dit, je suppose qu'il vaudrait mieux que je développe les deux caractères.


Attia est une insouciante. Ou plutôt, elle parait l'être. La face lumineuse de la demoiselle (bah oui, elle est pas encore mariée, hein) est souvent enjouée, le sourire sur les lèvres assez régulièrement. Elle est discrète, préfère ne pas trop parler de peur de trahir un quelconque trouble et se contente simplement d'écouter les gens. Elle a une bonne mémoire, il l'a bien fallu pour qu'elle retienne tous les noms des os, des muscles et des veines. Elle pourrait avoir l'air d'une pauvre petite chose fragile, mais elle refuse de le laisser transparaître. Elle a peur bien sûr, peur que son secret soit découvert par des collègues à elle, peur qu'on en vienne à la regarder d'un autre œil en sachant ce qu'elle est vraiment. Elle même trouve que son don est une étrangeté dont elle aurait pu volontiers se passer. Mais apparemment, on ne peut pas s'en débarrasser. Attia a bien essayé de ne pas l'utiliser pendant un long moment. Elle a fait des expériences aussi quand elle était petite : elle avait essayé de réanimer le steak qui trônait dans son assiette (un échec lamentable, bien entendu), elle a tenté de réanimer un poisson rouge, mais c'était un échec aussi.
Attia a beau avoir l'air plutôt normale, elle est traumatisée aussi. Par un événement qu'elle a encore du mal à nommer, malgré les séances avec son psychologue. Ça fait près de vingt ans qu'elle voit le même psychologue et qu'ils reconstituent peu à peu les douleurs et les souvenirs de la petite Attia. Adoptée à 8 ans après avoir été découverte errante dans une ruelle de Shreveport par Monsieur Sacramoni, elle n'a jamais dit d'où elle venait à ses parents. En même temps, à huit ans, on ne se rend pas forcément compte de tout ce qu'il se passe autour de soi. Mais avec son psychologue, elle tente de revenir à la source. Le problème, c'est qu'il y a toujours un moment où Atropos prend le contrôle.
Elle est douce, patiente, calme. Elle est timide aussi et paraît assez étrange avec ses manies inexplicables et son refus de croiser un objectif d'appareil photo ou son reflet. Mais elle n'est pas méchante. À vrai dire, si elle était toute seule dans sa tête, on la classerait dans les inoffensifs. C'est simplement qu'Atropos a tendance à être son contraire dans bien des cas.

Vue par Lucjan : « Je l'aime beaucoup, mais elle ne vient pas assez souvent, c'est souvent l'autre qui est là. Elle est un peu obsédée par l'ordre, le ménage et tout ça, ça lui fait quelques défauts, mais elle est maligne et perspicace. J'ai pas encore trouvé comment lui mentir. Et c'est ma soeur, c'est tout. »


En fait, contrairement à ce qu'on pourrait croire, Atropos est plutôt une personnalité protectrice. Elle protège l'intégrité et la santé mentale d'Attia. Signe d'un dérèglement psychologique, Atropos est aussi la personnalité qui est apparue lors du traumatisme et qui garde en elle tous les non-dits. Elle porte en elle les marques et les souvenirs les plus cuisants d'Attia. Des choses qu'Attia a oubliées, dont elle ne doit pas se souvenir. Atropos protège aussi Attia lorsque cette dernière n'a pas utilisé leur don depuis longtemps : elle prend le dessus et libère l'énergie enfermée. Ou peut-être qu'elle prend le dessus quand l'énergie se libère d'elle-même. Atropos a vu bien plus de sang qu'Attia, même si Attia est celle qui est la plus souvent présente le soir lorsqu'il faut travailler. C'est dire qu'Atropos a une nette tendance à faire des conneries la nuit. Surtout le jeudi soir.
Atropos a enfermé en elle toute la violence qu'elle avait pu voir plus jeune. Elle est agressive et sèche, parle aussi peu qu'Attia mais pour d'autres raisons. Taciturne, elle va rarement vers les autres, sauf peut-être les autres créatures. Bien sûr, elle se méfie comme de la peste des lycanthropes et des métamorphes (à l'exception de Lucjan qu'elle a connu depuis qu'elle est apparue). Elle admire la puissance vampirique et rêverait de s'associer à l'un d'eux, mais jusqu'à présent, elle a toujours été retenue par un sentiment de devoir. Devoir de protection à l'égard de la pauvre et fragile Attia. Devoir de droiture à l'égard de ses parents aussi, les adoptifs.
Atropos est un puits de souvenirs, trop sombres pour être racontés. Le seul à qui elle les raconte, parfois, est le psychologue. Elle lui fait face lorsqu'il pousse Attia dans ses retranchements, et a tendance à menacer l'homme de le tuer et d'en faire un zombie à ses ordres s'il continue. Car il sait. Elle ne lui a rien caché. Si Attia hésite à le dire au psychologue, Atropos a décidé qu'elle ferait confiance à cet homme, et surtout au privilège docteur-patient. De toute façon, s'il la trahit, il s'en mordra les doigts. Lorsque le psychologue a des informations supplémentaires sur l'enfance de sa patiente, c'est Atropos qui les lui a racontées. Elle lui raconte aussi parfois des bribes qui ressemblent à des rêves à moitié retenus. Elle a confiance en lui, au final, sans doute plus qu'elle n'a confiance en quiconque. Atropos est méfiante, elle l'a toujours été. Et elle est de toute façon doublement plus méfiante puisqu'Attia ne l'est pas trop.

Vue par Lucjan : « J'aime pas trop être dans les parages quand Elle est là. Ça fait longtemps que je sais et que je ne dis rien, c'est une partie de ma soeur après tout, mais Elle est... inquiétante. Elle me rend nerveux. Elle fait peur. On dirait qu'elle attend seulement le moment où elle pourra prendre toute la place. Faut pas que ça arrive, vous voyez. »


Pendant quelques années, Attia a essayé de travailler le jour. Elle a vite constaté que ses employeurs n'appréciaient pas trop qu'elle dorme pendant son service, et donc elle a changé de recherches d'emploi. Ayant fait des études correctes en Médecine, elle finit par décrocher un emploi à la morgue de l'hôpital de Shreveport, peut-être notamment grâce à un coup de pouce de son père et quelques rencontres fortuites. Elle travaille depuis dans l'équipe de nuit, et peut ainsi utiliser son pouvoir pour aller plus vite dans ses autopsies. Tôt le matin, elle se retrouve aussi à devoir faire des prélèvements dans les cas (malheureux) de viols. Le problème, c'est que le matin, elle commence à fatiguer, et qu'Atropos a tendance à réapparaître si Attia n'a pas pris ses médocs vers 4h du matin, faisant preuve d'autant d'amabilité et de tact qu'une porte de prison.
Le jeudi soir (et la nuit), elle a son jour de congé. Pourquoi un jeudi ? Une raison totalement futile, il y avait son émission préférée à la radio, et vu qu'elle peut difficilement se concentrer sur son boulot quand il y a des conversations autour d'elle, elle préférait ne pas travailler ce soir-là pour pouvoir en profiter. Et comme elle ne dort pas la nuit (avec ses rythmes de vie décalés), elle en profite pour lire, pour se balader dans les rues de la ville, et éventuellement pour réveiller un mort si elle en trouve un. Mais elle préfère quand même le faire à l'intérieur de la morgue, allez savoir pourquoi, elle s'y sent plus en sécurité.

  Manies :
- elle s'humecte les lèvres avant de mentir.
- elle mordille sa lèvre inférieure lorsqu'elle réfléchit (honte à celui qui dira que ça n'arrive pas souvent).
- à chaque fois qu'elle croise un miroir, elle ne peut s'empêcher de faire une grimace… et elle n'a aucun contrôle sur ce phénomène.
- elle lit le journal à haute voix, et hurle les gros titres.
- elle coupe toujours ses aliments en trois, avant de les manger.

Journée habituelle :
- à huit heures du matin, elle rentre du travail et se couche.
- elle se réveille vers 11h00, prend un jus d'orange et se fait couler un bain brûlant dans lequel elle s'endort.
- elle mange vers 14h00, se recouche vers 14h30, dort encore trois heures.
- à 17h, avec neuf heures de sommeil dans les jambes, elle se lève et sort acheter le journal, qu'elle lit ensuite chez elle debout dans son salon.
- elle rend régulièrement visite à son frère d'adoption vers 18h, et elle dîne parfois avec lui.
- vers 20h, elle est de retour chez elle, et elle lit et/ou écoute la radio.
- à 23h30, elle part pour l'hôpital, où elle commence son service à minuit (l'heure du crime -muarf muarf muarf).

Fun facts :
- elle boit beaucoup d'eau, pour se refaire son stock de sang, et s'hydrate régulièrement la peau.
- le problème, c'est qu'elle a une petite vessie et qu'elle doit donc souvent aller satisfaire ses besoins naturels (trivial, certes, mais logique).
- elle a peur des aiguilles et ne se fait vacciner qu'à contre-cœur… d'ailleurs, elle a un rappel du tétanos à faire une semaine, et elle fait des cauchemars à cause de ça.
- elle s'est déjà épilé l'intégralité des sourcils. elle ne le fera plus jamais, le reflet renvoyé par le miroir était beaucoup trop étrange.

Elle aime…
- faire le ménage. ça la calme, sans qu'elle sache pourquoi.
- prendre des bains brûlants, et y rester jusqu'à ce qu'ils soient glaciaux. généralement, elle les prend en journée et s'endort dedans.
- voir les esprits et les auras. elle trouve ça joli, toutes ces couleurs qu'elle peut croiser dans une seule et même journée.
- ouvrir un cadavre, faut croire que l'odeur de la chair en putréfaction l'émoustille.

Elle n'aime pas…
- faire la cuisine. donc elle réchauffe la plupart du temps des plats surgelés.
- être prise en photo. quand elle était plus jeune, c'était un calvaire pour les photos de famille… Remarquez, ça l'est encore.
- se brosser les cheveux. parce qu'immédiatement après, à chaque fois qu'elle touche un objet électrique, ça lui fait une décharge. Résultat, elle préfère avoir un paquet de nœuds, qu'elle dissimule en s'attachant les cheveux.

  Laissons pour un temps la parole à Atropos, qui expliquait sa perception de la nécromancie et du vaudou à leur psychologue : « On voyait cela comme un jeu, au début. On voyait des auras, des halos de lumière autour des gens, et on nous répétait que nous étions vouées à de grandes choses, que notre pouvoir allait nous permettre d'aller loin et d'atteindre des sommets rarement atteints. Je crois personnellement que c'était le genre de baratin qu'on servait aux enfants de la famille qui développait des capacités de médiums et qu'on voulait orienter très vite sur la voie de la nécromancie. Attia ne s'en souvient pas, bien entendu, alors ne vous avisez surtout pas de lui poser la question. On a joué, pendant un temps. On n'avait pas encore compris comment cela marchait, qu'il fallait un corps intact. Et on n'avait surtout pas encore compris que pour qu'une demie-vie revienne, il fallait qu'on verse notre propre sang.
Attia est mal à l'aise avec la réanimation. Elle se sent obligée, par moments, de relever un cadavre sur lequel elle pratique une autopsie, mais ça ne dure jamais très longtemps. Elle tente d'enlever cette culpabilité qui la ronge en se disant qu'elle n'utilise son don que pour déterminer plus aisément les causes d'un décès. Ellle se dit aussi qu'elle n'a pas le choix, qu'elle doit utiliser ce pouvoir, sans quoi il la détruira. Elle n'a pas totalement tort, mais les excuses qu'elle se donne sont parfois lamentables. Et oui, je suis consciente de ses sentiments par rapport à cela, aussi étrange que cela puisse paraître. Sans doute est-ce parce que j'ai eu les mêmes états d'âme à un moment.
Le fait est que je ne trouve pas anormal de pouvoir relever les morts. Que s'il n'y avait pas Attia, sans doute que je me laisserai sombrer dans cette tendance dangereuse qui serait de réveiller les cadavres de la morgue un à un. Mais j'ai encore une once de responsabilité qui m'empêche de jouer avec notre don. Je vois le potentiel qu'on a et j'adorerai pouvoir aller plus loin, pousser notre don à contrôler réellement un être. Chaque nuit, les enseignements que nous avons eus lorsque nous étions petites me reviennent quand je prends le dessus, et tout mes sens me hurlent de laisser libre cours à mon pouvoir. Je n'ai pas assez de puissance pour le moment pour atteindre les sommets auxquels nous étions promises. Sans doute sont-ce aussi les années passées avec les Sacramoni qui m'ont légèrement ralentie dans mon apprentissage. Dire qu'il a fallu que je prétexte un stage humanitaire de huit mois dans un hôpital haïtien pour pouvoir vraiment approcher la culture vaudou qui me manquait. Lucjan n'a jamais rien su, et mes parents non plus. Attia était présente le jour, et je revenais la nuit, parce qu'elle n'était pas rassurée pendant les mois qu'on a passés là-bas.
Je ne relève pas les morts pour de l'argent, sans doute l'éducation morale qu'on a reçu auprès des Sacramoni m'en empêche. Et pourtant, je sais, je me souviens, qu'on me racontait que je serai riche lorsque j'aurais atteint le but qu'on m'avait fixé. D'ailleurs, rares sont ceux qui savent que j'ai un don de nécromancienne, et je préfère que ça reste ainsi. J'ai croisé, certes, des créatures particulières, mais jamais je n'ai proposé mes services à quiconque. Pour le moment, je suis consciente que je n'ai pas assez de puissance pour réaliser une œuvre correcte. Les réanimations que je réalise sont décevantes, et Attia revient trop vite trop souvent.
L'idéal serait que je trouve quelqu'un de plus calé que moi en la matière. Quelqu'un dont le don est plus développé, et qui accepterait de faire de moi une sorte de disciple. Ou que je trouve une créature assez puissante pour accepter de me servir de catalyseur énergétique. Mais vu que je veux rester discrète, je me vois mal poser des pancartes, vous voyez.
Je suis incapable de savoir ce que vous pensez, et de toute façon ça m'importe peu. Mais vous n'auriez pas, vous, parmi vos patients, un prêtre vaudou ? … Bien ce que je me disais. Bon. Mes recherches sont donc encore en cours. Et ne dites surtout rien à Attia, il ne manquerait plus qu'elle sente que je trafique dans son dos. Déjà qu'elle a peur de notre don, si elle découvre que je compte le développer, elle va paniquer et ça va être compliqué d'avoir de nouveau le contrôle… »

Attia est partagée et pour une fois Atropos est à peu près du même avis qu'elle. Si la révélation de l'existence de créatures supranaturelles ne les dérange pas tant que ça, c'est le climat qui a découlé de cette révélation qui les gênent. Il suffit de regarder à l'hôpital : certains chirurgiens qui réussissent contre toute attente à sauver des patients sur lesquels on ne pariait pas sont considérés comme des sorciers et regardés avec malaise ; des poches de sang disparaissent des réserves et des murmures courent dans les couloirs à propos d'éventuels trafics de sang de telle ou telle classification. Les rues la nuit sont désertes, les simples humains craignant pour leur vie bien que les vampires se nourrissent essentiellement à base de poches de sang ou de Tru Blood. Attia et Atropos sont d'accord pour dire qu'il valait mieux révéler l'existence des créatures de l'ombre, mais les conséquences de la révélation ne sont pas celles qu'elles auraient imaginé. Et d'un autre côté, vu les considérations humaines et les peurs folkloriques qui sont revenues au goût du jour, elles préfèrent garder le secret sur leur véritable nature de nécromancienne. Déjà qu'elles ont eu du mal à obtenir ce boulot à la morgue… On voulait les coller en urgentistes vu le besoin en personnel, surtout qu'Attia avait bien précisé qu'elle préférait travailler de nuit vu qu'elle faisait des insomnies (excuse absolument lamentable mais elle avait fait avec les moyens du bord). Si jamais on apprenait qu'Atropos Sacramoni était nécromancienne, on ne la laisserait plus jamais approcher des cadavres de peur qu'elle en fasse une armée de zombies. Pas qu'Atropos ne le ferait jamais, mais Attia avait des principes quand même et un grand respect pour les morts.

  Si Attia n'a aucun tatouage (elle a horreur des aiguilles en fait), elle n'est pas exempte de cicatrices. La plupart sont concentrées dans la paume de sa main gauche, vestiges des réanimations qu'elle a pu réaliser au cours de son existence. Des traits blancs, les plus vieilles cicatrices, qui s'entremêlent avec des traits rouges. Bon bien sûr, la plupart du temps, elle essaie de couper sur une cicatrice déjà faite, pour ne pas non plus se labourer la main joyeusement, mais il n'arrive pas toujours à suivre le même trait. Résultat, quand elle sort de la morgue, elle a des mitaines. Et elle prétexte souvent qu'elle s'est coupée. Mais bon, rares sont ceux qui lui demandent d'enlever ses mitaines : ils supposent qu'elle a simplement froid aux mains.
Attia ne fume pas, par contre son autre personnalité (qu'on distinguera de la première et principale en l'appelant Atropos) fume depuis l'adolescence. Résultat, Attia sait quand elle a perdu le contrôle en regardant dans le cendrier le nombre de cigarettes écrasées. Quand le cendrier est plein, elle a tendance à s'inquiéter. Parce qu'Atropos n'est pas exactement le genre de personne recommandable, et qu'Atropos a des vues et des objectifs qui ne respectent pas les idées de morale d'Attia.
Attia parle Anglais et Italien. Si la première était déjà connue à ses huit ans et parlée couramment, la seconde a été apprise sous la houlette des Sacramoni, bien décidés à ce que leurs enfants connaissent la langue de leurs ancêtres adoptifs. Attia se débrouille bien mieux en Italien qu'Atropos, notamment parce qu'elle s'y est vite intéressée. Atropos, elle, parle un rudiment d'Allemand et connait des jurons grecs, vestiges d'un passé qu'Attia a refoulé. Atropos a aussi des notions en français et en créole, obtenues lors de leur enfance.

Avant de commencer, vous allez vite comprendre comment tout ceci va fonctionner. En caractères normaux, vous aurez affaire à la lumineuse Attia. En caractères italiques, vous aurez le privilège de suivre les aventures de la sombre Atropos.

2013 - 30 ANS • « Bonjour Mademoiselle Sacramoni, pardonnez-moi pour ce contretemps. Je vous en prie, entrez donc. » Tu te lèves et tu lisses ta jupe. Tu prends ton sac à main et tu entres dans le cabinet du psychologue. Un ami de ton père, qui a promis que tout ce que tu dirais resterait entre les murs de son cabinet. Tu as beau croire qu'il a dit vrai, tu redoutes qu'il aille raconter à tes parents adoptifs, les Sacramoni, ce qu'il se passe dans ta caboche. Parce que tout n'est pas très net. Déjà que ce matin tu as retrouvé un cendrier plein et que tu es incapable de savoir ce qu'Atropos a fait, et que tu n'arrives plus à retrouver tes médicaments, tu es un peu à cran. Heureusement que tu le vois tous les mardi et vendredi, sinon tu serais devenue folle. Non, pardon, tu es déjà folle. Tu t'es faite à l'idée d'être folle, mais tu préfèrerais que ça ne se sache pas trop. « Comment allez-vous aujourd'hui… Attia ? » Ton regard se fiche sur l'homme de l'autre côté du bureau. Vingt ans déjà que tu lui rends visite deux fois par semaine. Il a fini par repérer les signes qui lui permettent de savoir s'il t'a, toi, en face de lui ou Atropos. « Ça ne va pas super bien. Atropos était encore là toute la nuit. » Tu croises les bras. Tu n'aimes pas quand Atropos est là, parce que tu ne peux plus contrôler tes mouvements. Tu ne sais pas ce que tu as pu faire, et tu as peur rien qu'en imaginant ce qu'elle aurait pu faire. « Je ne trouve plus mes médicaments. Elle les a peut-être jetés. Et j'ai dû faire un black-out vers 20h, juste quand l'émission allait commencer. » Il hoche la tête, l'air compatissant. Il ne comprend absolument pas ce que c'est d'être deux dans une même caboche. Tu n'as aucun contact avec Atropos, tu ne sais pas ce qu'elle te fait faire, et tu as horreur de perdre le contrôle. « Il y a eu quelque chose qui vous a contrariée hier, particulièrement ? » Tu hausses les épaules et tu mordilles ta lèvre inférieure, perdue dans une intense réflexion. Et puis tu commences à lister ce qui s'est mal passé la veille : « Le chauffe-eau de l'immeuble est tombé en panne, donc je n'ai pas pu me prendre de bain brûlant. Et je me suis brûlée en sortant un plat du four. Mais après, non, il n'y a rien eu. » À vrai dire, il y avait bien quelque chose, mais tu ne lui avais jamais rien dit sur ce sujet, donc ça n'allait pas commencer maintenant. Même après 20 ans, tu n'étais pas sûre que tu pouvais lui raconter ça. Tu craignais qu'il te déclare folle furieuse et te fasse enfermer dans un asile psychiatrique. Alors tu te taisais. « Attia ? » Tu relèves la tête. « Ah… j'ai cru que je vous avais perdue. À quoi pensiez-vous juste à l'instant ? » Prise la main dans le sac, tu préfères mentir effrontément plutôt que d'admettre qu'il y a peut-être quelque chose qui ne va pas bien chez toi : « Aux premières séances avec vous. Vous aviez moins de barbe. » Et vous sentiez moins le bouc, aurais-tu pu ajouter, mais tu ne le fais pas, trop polie pour laisser échapper un pareil commentaire.

1990 - 8 ANS • Une forme monstrueuse arriva dans le salon alors que je jouais à la poupée. J'avais entendu des cris auparavant, mais je n'avais pas bougé, étant donné que les cris étaient fréquents dans la maison familiale. J'avais préféré continuer à faire des nœuds dans les cheveux de ma poupée, et j'envisageais d'aller chercher les grands ciseaux qui étaient dans la cuisine pour refaire une nouvelle coiffure à la poupée. Sauf que, lorsque je levais les yeux vers l'entrée du salon, je faisais face à un être à la chair en cours de putréfaction, au torse ouvert, et au visage sanglant. On m'avait toujours dit quoi faire dans ce cas là : prendre mes jambes à mon cou, et détaler schnell. Sauf que j'étais abasourdie par l'imminence d'une pareille situation. Et que je n'avais pas bondi immédiatement. Qu'il avait fallu que mon père arrive dans le salon muni d'une fourche en fer forgé pour que je comprenne que ça n'était pas un rêve (ou un cauchemar). Et que mon père me hurle de détaler sans me retourner. La tentative de réanimer et de contrôler le zombie avait échoué, et après avoir vraisemblablement attaqué ma sœur et mon frère aînés, le zombie avait du décider de décimer l'intégralité de la famille, puisque nous étions de la chair et qu'il avait sans doute faim. Il n'y avait plus de demi-mesures possibles, j'avais dû fuir aussi sec. J'avais lâché ma poupée, et j'étais sortie comme une fusée de la maison, en retenant mes cris d'horreur pour avoir encore du souffle. J'avais couru, couru, couru, alors que la nuit était noire. Et, au final, j'avais complètement perdu mon chemin. Ce fut cette nuit où, perdant le chemin de ma maison et ma première famille, j'étais recueillie par Salvatore Sacramoni, que le nom prédestinait en quelque sorte à mon arrivée, et j'arrivais dans une nouvelle famille. Je ne savais pas le nom de mes parents, qui ne lancèrent apparemment aucun avis de recherche, et je ne me souvenais que de mon prénom. Désormais, j'étais Atropos Sacramoni.

2010 - 28 ANS • C'était un dîner en famille chez les Sacramoni. Un jeudi soir, parce que c'était le seul soir de la semaine où tu pouvais. Vous alliez fêter les fiançailles de Lucjan et Britta, dignement, parce que ça se fêtait quand même. Ça faisait quatre ans au moins que ton petit frère adoptif sortait avec une blonde au visage plutôt dur, que tu avais surtout vue de loin et à qui tu avais fort peu parlé. En même temps, à 28 ans, tu avais quitté le nid familial depuis un petit bout de temps, et puis tu avais passé huit mois à Haïti deux ans plus tôt… Bref, tu étais devenue indépendante, et Lucjan était toujours un petit oisillon dans le nid familial. Et il n'avait pas vraiment osé présenter Britta à la famille (ou alors il l'avait fait quand tu n'étais pas là. Toujours est-il que vous dîniez chez les Sacramoni, et que tu rencontrais donc Britta la dure. Tu avais échangé quelques regards avec Settima, ta mère, lorsque Britta s'était extirpée de sous le bras de Lucjan alors qu'ils étaient assis sur le canapé. C'était quoi cette fille ? Ils venaient de se fiancer et elle ne supportait pas qu'il la touche ? Tu craignais qu'elle manipule Lulu, et tu espérais vraiment que tu avais tort, parce que le pauvre aurait été inconsolable. L'apéritif terminé, vous étiez passés à table, toi en face de Lucjan, qui était assis à côté de Britta, qui était en face de ta mère. Et Salvatore présidait (normal, hein). Le même cirque avait eu lieu, Britta répondant un peu trop sèchement à Loulou pour le coup. Et puis, le dessert arriva, Lucjan voulut amoureusement prendre la main de Britta quand il racontait comment ils s'étaient rencontrés, et elle qui la retira aussi sec; Et tu disparus. Que venait-elle de faire, cette sale petite suffisante ?! J'étais à deux doigts d'atteindre ma limite, mais je me contrôlais. Pour Papa, pour Maman, pour Attia et ses états d'âme… Et surtout pour Lucjan. Il avait beau être relativement lent, il était quand même mon frère, et je ne supportais pas de voir cette fille le rembarrer aussi sèchement, devant sa propre famille. Je me retenais. Je me retenais sinon j'aurais déjà bondi de l'autre côté de la table et je lui aurais planté un couteau dans la main. Le couteau qui avait servi à couper la tarte au citron meringuée de Maman me faisait de l'œil. Mais puisque j'avais terminé, je me levais et je demandais à Britta si elle voulait bien me prêter une clope et son briquet. Papa et Maman échangèrent un regard, conscients que ça n'était plus Attia qui était là, mais l'autre. Curieusement, elle se leva et m'accompagna dehors -ce sur quoi je comptais, d'ailleurs. Et une fois que nous fûmes dehors, et seules, je pus exprimer ce que je pensais, après bien sûr avoir pris la cigarette qu'elle m'offrait et l'avoir allumée. « Je vais être très claire, et je ne te le dirai qu'une fois. Pour le moment, il a l'air heureux, mais si tu fais du mal à Lucjan, je te traquerais, je te tuerais, et ensuite je ferais ce que je veux de toi. Peut-être que je t'empaillerais, tiens. » Sauf que ce qui se passe après n'est pas du tout à ma convenance. L'outrecuidante me souffle sa fumée au visage et ose me dire d'essayer, juste pour voir, avec une petite voix supérieure, hautaine et provocatrice. Et elle rentre à l'intérieur. Bouillante de rage, plutôt que de la suivre et de faire un meurtre dans la maison de mes parents, je préfère prendre le large. Mon manteau et mon sac sont toujours sur le porte-manteau dans l'entrée, mais qu'importe. Partant à pied dans les rues de Shreveport, je sens l'énergie de mon don monter en moi de plus en plus. Un cadavre d'homme, d'animal, de n'importe quoi. N'importe quoi, du moment que ça me défoule. N'importe quoi, du moment que je ne rentre pas chez mes parents pour égorger cette garce qui ose me prendre de haut.

1994 - 12 ANS • « Attia, tu te souviens de ton papa et ta maman ? » La question de trop. Voilà l'autre. Fixant incrédule l'espèce de brindille brune qui vient de poser une question douloureuse à Attia, j'ai du mal à croire ce que je viens d'entendre. Je n'ai aucun souvenir de mes parents. Ou très peu. Des souvenirs flous. Je ne sais même plus leurs noms. Attia les a complètement oubliés. Il vaut mieux pour elle. « T'en n'as pas assez de poser tout le temps des questions ? » Sèche. Brutale. Virulente. Lucjan me regarde sans comprendre. Je suis allée trop fort. Et Maman arrive dans l'encadrement de la porte, pour s'assurer que tout va bien. Elle repart bientôt, pour corriger ses copies. Et Lucjan me fixe encore, sans comprendre. Il est habitué à Attia la douce, celle qui ne le réprimande jamais. Sauf qu'il veut trop savoir, qu'il fouille trop, que les souvenirs sont brumeux et douloureux, et qu'il ne saura rien. « Mais… mais j'demandais j'voulais juste… - Non, je m'en souviens pas. » Je me renfrogne et je me plonge dans le livre que j'ai dans les mains, laissant Lucjan à son incompréhension et sa stupeur d'être aussi mal traité par sa sœur ainée. Il se dit sans doute qu'il a fait quelque chose de mal, et ce n'est que lorsque je l'entends sangloter dans la cuisine que je me rends compte qu'effectivement, j'y suis allée un peu trop fort. Il a cinq ans, le pauvre. Papa arrive dans la chambre, comme il l'a déjà fait plusieurs fois après mes cauchemars. Et il décèle une lueur dans mes yeux qui n'est pas habituelle. « Attia ? » Et insolente, je réponds d'un ton suffisant qui me vaudra une gifle : « C'est Atropos, d'abord. » Je me tiens la joue que j'ai désormais fort rouge, fort chaude, et fort douloureuse, tandis que Papa m'ordonne de sa voix grave : « Va faire des excuses à Lucjan, tout de suite. » Je retiens un commentaire comme quoi ce n'est qu'un bébé, sachant que Papa ne l'appréciera sans doute pas, et je me dirige dans la cuisine pour présenter mes excuses à Lucjan… Sauf que tu réapparais aussi sec et que tu te précipites sur Lucjan en larmes sur les genoux de Maman. « PARDON PARDON PARDON MON LOULOU, J'VOULAIS PAS ! JE SAIS PAS CE QUE J'AI FAIT, PARDON, pleure pas Loulou, je t'aime fort, tu sais ? » Dans ton dos, tes parents échangent un regard intrigué tandis que tu serres Lucjan dans tes bras presque jusqu'à l'en étouffer et que tu lui murmures comme une litanie des excuses à n'en plus finir. Ils ont compris ce que tu ignores encore. Rendez-vous avec un psychologue ami de Papa est pris dès le lendemain matin.

2009 - 27 ANS • « Eh bien, mademoiselle Sacramoni, je crois que vous êtes tout à fait celle qui nous faut à la morgue. » Il se lève et tu en fais de même, pour lui serrer la main. Tu t'efforces de ne pas trop faire transparaître ta satisfaction. C'est que tu n'étais pas sûre que ça allait bien se passer. Ton père avait tenté de te rassurer en te disant qu'un deuxième entretien au même endroit pour le même boulot était souvent bon signe, mais tu ne voulais pas y croire. Et là, c'était bon. Tu avais le poste. Il avait d'abord voulu te proposer un poste d'urgentiste, puisqu'une jeune femme ayant tes résultats en études de Médecine, et étant plutôt insomniaque et habituée à dormir le jour et vivre la nuit, était une perle rare pour les Urgences, mais tu avais tenu à travailler à la Morgue. Le calme t'allait mieux. Et tu t'étais spécialisée dans les autopsies et autres examens du corps intérieur, donc tu y tenais. Il te dirigea vers un bureau en t'expliquant les formalités (comme quoi tu commençais le mois prochain, le temps de remplir la paperasse et de régler l'assurance et tout ça) et te laissa en compagnie d'une femme chargée de faire découvrir les multiples recoins de l'hôpital aux nouveaux employés. Elle était bavarde comme une pie, et vu que tu préférais souvent te taire, ça ne gênait pas. Tu l'écoutais bien sûr, et tu prenais garde à l'encourager à continuer de parler, mais tu ne parlais pas trop. Simplement un "Oh" d'émerveillement quand elle te disait quelque chose qui devait t'impressionner par exemple. Et puis elle te racontait qu'elle connaissait mal les équipes de nuit, et que certains lui faisaient penser à des vampires, à ne vivre que la nuit, mais elle disait ça en riant, sans se douter qu'elle avait peut-être raison au final. Tu te promettais de te renseigner sur ceux qui travaillaient la nuit, même si tu ne pensais pas vraiment que des vampires auraient réussi à entrer dans le General Hospital de Shreveport. Et elle, qui s'appelait Hilda, d'ailleurs, riait en disant que ça n'était que des histoires pour faire peur aux enfants, et qu'elle devait arrêter de lire des romans de ce genre. Il te fallut une heure seulement, la durée du tour de l'Hôpital, pour connaître pratiquement toute la vie d'Hilda, même si ça ne te serait sans doute pas très utile par la suite. Mais ça t'occupait l'esprit. Tu l'avais suivie docilement, les mains dans ton dos, profitant d'un instant où Hilda discutait avec un responsable de service pour avaler une gélule, avec un peu d'eau prise à une fontaine. Tu ne laisserais pas Atropos venir à un moment si important de ta vie. Tu aurais le contrôle, jusqu'à la fin de la journée. Et pendant toute la nuit, tu l'avais décidé.

2008 - 26 ANS • « Comment s'est passé votre séjour à Haïti ? » Tu as pris des couleurs là-bas. Tu as beaucoup appris. Tu t'y es plutôt plue, même si la nuit tu n'étais pas trop rassurée. Tu y étais pour faire le bien, tu le savais. Tu avais eu d'assez nombreux black-outs, et tu n'avais encore une fois aucune idée de ce qu'avait pu faire Atropos, mais tu avais décidé de ne pas chercher à savoir. Les huit mois que tu avais passés là-bas avaient été l'occasion pour Atropos d'être plutôt dominante, mais c'était aussi parce que tu n'avais pas pris tes médicaments avec toi (impossible de les retrouver une fois à Haïti et pourtant tu étais sûre de les avoir mis dans ta trousse de toilette). Tu racontes au psychologue tes expériences haïtiennes, ta stupeur quand tu es arrivée dans ce havre de misère, ton sentiment de devoir, tes déceptions, tes difficultés à te faire comprendre par les habitants qui devenaient tes patients. Tu t'étais convertie en urgentiste le temps de ce stage de huit mois. La morgue n'aurait pas manqué, mais il ne fallait pas être sorcier pour savoir ce qu'avaient les enfants qui mouraient. Trop d'enfants mourants. Tu avais eu horreur de ce climat de mort ambiante. Ce que tu taisais bien sûr, c'était que ton don n'avait pas cessé de te démanger et de monter plus que de raison. Les cicatrices dans ta paume n'avaient pas blanchi, toujours rouges lorsque tu te réveillais : nettoyées et saines, bien sûr, mais toujours rouges. « Vous dormiez souvent ? Ça ne vous a jamais rappelé des épisodes antérieurs ? » Tu le regardais, incrédule. Et elle prenait ta place. Comment osait-il poser des questions aussi grossières ? « Seriez-vous aussi stupide que vous en avez l'air ? Je croyais vous avoir dit de ne rien souffler à Attia. - Que voulez-vous, il fallait bien que je trouve un moyen d'entrer en contact avec vous. » Pouffant, je m'appuyais dans le fauteuil, le regardant d'un air consterné. Il aurait pu avoir recours à n'importe quelle méthode d'hypnose pour me faire sortir, et il fallait qu'il me mette hors de moi pour qu'Attia me cède la place. Plus le temps passait, et plus je me sentais en puissance. Haïti m'avait fait le plus grand bien, il n'y avait pas à dire. J'avais pu renouer avec mes racines (non pas que j'y ai jamais vécu), mais le vaudou n'était pas une légende dans ces terres misérables. « J'étais beaucoup plus présente à Haïti. J'ai pu sortir la nuit, faire des recherches, développer notre don. J'ai appris beaucoup, mais pas comme Attia croit. Le plan humain m'importait peu, mais il fallait bien qu'elle ait l'impression que l'idée venait d'elle-même, non ? » Un sourire en coin découvrant une partie de mes dents blanches. Je m'étais sentie renaître dans cette île désolée, il n'y avait pas à dire.

2014 - 31 ANS • Mon ombre lèche les murs sans autre bruit que celui de mes talons. J'erre calmement dans les ruelles de Shreveport, sans vraiment de but particulier. Les mains dans les poches, le col du manteau remonté, un chapeau enfoncé sur la tête pour couvrir mes cheveux roux, j'avance en regardant autour de moi, attentive au moindre bruit suspect. Il est trois heures du matin et j'ai quitté l'Hôpital il y a cinq minutes. Je termine mon service à 8h, mais les morts resteront morts et on n'aura vraiment besoin de moi dans une heure, quand les victimes de viols auront fait une déposition au commissariat et que les flics auront décidé de se bouger. En attendant, je peux prendre l'air. Attia croira sans doute qu'on n'aura pas bougé, et pour un peu ça m'arrange. Des souvenirs nous sont revenus récemment, et il faudrait que j'en ai le cœur net. Elle a cru que c'était un rêve, mais j'ai reconnu la barbe rousse de celui qui fut notre père. Et, alors que je faisais l'autopsie d'une femme décédée plus tôt dans la journée, j'ai eu des réminiscences de paroles de mon père biologique : « C'est un des nombreux héritages que tu as reçu de moi, mon petit. Tes cheveux, ton nez, et ton don. » Et puis d'autres bribes de phrase, des éclats de rire d'autres enfants. Je sais que j'ai vécu à Shreveport quand j'étais petite, sinon Salvatore ne m'aurait jamais trouvée dans une ruelle, errante et perdue. Et si j'en crois les chemins que j'ai empruntés déjà d'autres nuits auparavant, il y a encore quelques secteurs que je n'ai pas arpenté. Et vu qu'il y en avait un pas loin de l'Hôpital, j'ai voulu aller jeter un coup d'œil… pour être sûre.
Mes talons claquent sur le bitume de la route et je finis par arriver au coin d'une rue. Mon sang ne fait qu'un tour et je me fige, comme empêchée par une quelconque puissance d'avancer plus que cela. « Atropos. » Mon cœur rate un battement et je fais volte-face d'un coup. Salvatore. Apparu comme par magie. Sans que je l'entende arriver. Que fait-il ici à trois heures du matin ? Comment a-t-il su que je serai là ? « Je me disais bien qu'un jour ou l'autre, tu reviendrais ici. » Il sourit tristement et s'approche. J'ai un mouvement de recul instinctif. « Tu me suivais ?! - Pas besoin de te suivre pour savoir ce que tu recherches. » Du sang coule de sa bouche, un rire glutural sort de son gosier et un zombie se met à courir vers moi.
J'ouvre les yeux et me rends compte que je me suis endormie sur ma chaise, dans la morgue, à côté d'un cadavre ouvert et glacé. Un rêve. Ça n'était qu'un rêve. Mais ça paraissait pourtant si vrai. Mais non, Salvatore ne peut pas savoir ce que je suis, ou cela voudrait dire que le psychologue a trahi ma confiance. Il faut que je trouve cette maison, en tout cas. C'est la clef, sans doute, qui me manque pour comprendre. Ou peut-être devrais-je avoir une discussion avec Papa Sacramoni… À voir. Et en attendant, je retourne à mon cadavre autopsié.

➽ personnage inventé/scénarii/prédéfini ? inventé, si ça ne pose point de problème. ➽ pseudonyme. arté, comme la chaine télé. ➽ âge. vingt-et-un ans, et je vais sur mes vingt-deux ➽ code du règlement. Oui je l'ai lu, mais j'aime paaas lire les règlements et surtout reporter le code à chaque fois que j'en vois un bouuuut *pleure* Sinon, le code c'est çaaaa : « Eh bien, il ne manque plus que le thème musical de Dracula, prince des ténèbres, et je crois qu'on pourra commencer. » ➽ avis général à propos du forum. ça m'a l'air fameux tout ça. en plus vous avez un gueux qui fait bien votre pub *ricane* ➽ avatar utilisé. ruth wilson