« Cimetière de Shreveport_ Délicieusement cliché. 2 h30 du matin ».

Allongée sur le granit, tu flirts avec la mort, tu joues avec ta vie. Tu t’abandonnes nue entre les mains du destin qui te prend à la manière d’un amant chevronné. Tu languis, fiévreuse et impatiente. Le désir accélère les battements frénétiques de ton cœur, faisant pulser le sang jusqu’à tes poignets écorchés. A cet instant il n’y a plus aucune limite. Tu joues avec le feu, offrant ta chair rougeoyante aux flammes prédatrices. Tu les aguiches, ces êtres sublimes qui te fascinent.

Les drogues multiplient tes sentiments, l’adrénaline les exacerbe. Ton cerveau dégueule des émotions par centaine. Fourmillements délirants. Frôlant le danger tu ne t’ai jamais sentie aussi vivante qu’en ce moment. Soudain, un bruit dans le cimetière te fais sursauter. Tes ongles s’enfoncent dans la pierre, ton corps se tend. Tes poumons se vident et tu te mets brusquement à suffoquer. Tu passe d’un chaud au froid radicale. Vertige. Doucement tu te redresses sur ton séant et scrute les ténèbres alentours. Angoisse délicieusement excitante. Moment unique durant lequel ta vie est en suspend.

La curiosité dévorante te force à quitter ton lit de granit pour t’aventurer dans les allées. Tu veux voir, tu veux connaître, les créatures qui peuplent tes bouquins. De quelle nature est le spectre que tu as attisé ?
Au dessus de ta tête la lune est spectatrice d’un dessein en perdition. Tapis dans l’ombre les corneilles s’humectent le bec pour un dernier requiem. Seul le vent marche à tes côtés, faisant ondulés tes long cheveux emmêlés.

Nouveau bruissement dans les buissons, nouvel vague d’appréhension. Tout ton corps est en alerte. Tes muscles frétillent, tes organes convulsent. Véritable explosion de sensations. Ton enveloppe humaine n’est plus qu’une cocotte-minute nerveuse. A tout moment ton cœur menace d’imploser et tu risques d’exulter. Toujours plus, toujours plus fort.

La bête sort de derrière les buissons. Fracassante apparition. Tu cries, tu vomis ton cœur, tu jouis. Puis tu te mets enfin à courir pour protéger ta vie. Non pas qu’elle te soit précieuse en elle-même mais il n’y a qu’elle pour te faire ressentir l’excitation de la mort. Petite fille insignifiante perdue dans les abysses de l’entre deux mondes. Exquise confusion. Maladive obsession.

Finalement tu interromps ta course, déçue, car tu viens de reconnaître la silhouette qui te poursuis. Ce n’est autre que ton frère aîné, venu jouer les chaperons. Da fuck. L’importun te dévisage. Il semble à la fois gêné par ta nudité et effrayé par tes bras ensanglantés. Dégoût. S’en est trop qu’il ne pourrait comprendre ou bien supporter… Entre toi et le reste de la famille y’a toujours eu un grand fossé. Des esprits trop étriqués pour ta trop grande soif de liberté. Petite bête curieuse mal programmée.
Ton frère te somme de rentrer. Alors, tu ravales tes émotions jusqu’à la prochaine explosion. Tu ne t’ai jamais senti aussi morte que dans cette vie là. Bridée la belle liberté…